Epouvante - Horreur
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La traversée du cimetière

     Si les histoires d'horreur te font peur, si la nuit, tu fais vite des cauchemars, si tu es seul(e) dans ta chambre à lire ces lignes et que l'orage dehors menace, alors ne va pas plus loin et sélectionne une autre histoire.

Si le craquement d'une armoire dans le silence pesant te fait sursauter puis rire, si les morts-vivants t'amusent, si tu aimes avoir un peu peur, continue...

François passait le week-end chez son amie Béatrice. Ses parents se rendaient à Paris pour un weekend en amoureux. Il aurait pu accompagner Olivia et Amandine, ses petites sœurs, chez leur grand-mère, mais il avait préféré aller loger chez sa meilleure amie, âgée de sept ans et demi comme lui.

Le vendredi soir, ils jouaient ensemble au salon, avant d'aller se coucher. Ils écoutaient d'une oreille distraite les parents de Béatrice.

-Je viens de lire dans le journal que Raoul Hosman qui habite 13 rue du cimetière, dans notre village, vient encore de faire parler de lui, dit le papa. Des policiers l'ont retrouvé couché sur une tombe. Il prétend avoir vu des fantômes, des squelettes et des revenants danser près de la chapelle où on enterre les petits enfants morts...

Nos deux amis entendirent l'information. Ils demeurèrent très impressionnés.

Ce même soir, ils en parlèrent tout bas en s'endormant dans la chambre de Béatrice.

-Tu crois qu'il y a des fantômes dans le cimetière? demanda François.

-Peut-être, répondit la fillette.

-Je voudrais bien les voir, murmura le garçon, mais je ne crois pas que j'oserais aller me promener tout seul à cet endroit dans la nuit.

-Moi non plus, avoua son amie.

 

Le lendemain, ils passèrent l'après-midi à la plaine de jeux.

Les parents de Béatrice avaient bien insisté pour que nos amis reviennent avant six heures, c'est-à-dire, avant la tombée de la nuit. Comme l'hiver le soleil se couche plus tôt, et que sous le ciel gris, il faisait très sombre, il était à peine cinq heures quand les deux enfants décidèrent de partir à leur aise vers la maison.

Ils longeaient les villas. Dans certaines d'entre elles, des lumières étaient déjà allumées. Ils s'arrêtèrent au coin d'une rue et remarquèrent son nom, inscrit sur la plaque : Rue du cimetière.

- C'est là, au numéro 13, qu'habite Raoul Hosman, le monsieur bizarre qui voit des fantômes, dit François.

- Je me souviens, murmura Béatrice. 

- Si on allait voir? proposa le garçon.

- Ça fait peur, s'inquiéta son amie.

Elle avait envie de refuser, mais elle n'osa pas le dire, pour ne pas passer pour une froussarde. Et puis, au fond d'elle-même, elle est assez curieuse. Aussi, elle accepta.

Les deux enfants suivirent donc la rue du cimetière et parvinrent devant le fameux numéro 13.

Il n'y avait pas beaucoup de réverbères à cet endroit. La rue était mal éclairée. Il faisait déjà fort noir. Nos amis furent un peu déçus, on ne voyait pas grand-chose.

Ils aperçurent un petit pavillon, précédé d'un jardin laissé à l'abandon et caché par une haie mal taillée. Des barrières décorées de chauves-souris empêchaient de s'approcher de la maison. C'était sombre et tout à fait dénué d'intérêt.

 

Ils allaient faire demi-tour, lorsque Béatrice proposa de suivre la rue jusqu'au bout. Elle mène à la porte d'entrée principale du cimetière.

- Si on passe par l'allée centrale, ce sera vite fait, on parviendra plus rapidement chez moi. C'est un fameux raccourci.

François n'aimait pas beaucoup l'idée de traverser le cimetière à la nuit tombée, mais il avait froid. Le ciel se dégageait et la lune brillait, presque pleine. Il ne ferait pas vraiment noir.

Les deux enfants continuèrent donc leur marche et s'arrêtèrent devant la grille. Elle était entrebâillée. Il suffisait de la pousser et d'entrer.

En s'ouvrant, elle émit un grincement, un grincement métallique, un grincement à réveiller un mort, dit-on...

 

Nos amis suivirent l'allée principale.

Ils longeaient à présent des chapelles et des tombes, à gauche et à droite. Les pierres blanches brillaient sous la lumière argentée de la lune.

Un hibou hulula. Ils se saisirent en entendant le miaulement d'un chat effrayé, surpris par leur passage.

Le vent sifflait dans les branches des cyprès et augmentait la peur par ses gémissements sinistres. "Hou... Hou... Hou..."

Dans cette obscurité oppressante, des formes bizarres se formaient puis s'évanouissaient.

Ils crurent tout à coup apercevoir quelque chose qui bougeait entre les croix, comme une ombre. Ils n'étaient pas trop sûrs. Ils préférèrent continuer leur chemin sans aller voir.

Peut-être que quelque chose qui n'était pas tout à fait mort tentait de s'approcher d'eux, quelque chose qui aurait sans doute mieux fait de rester dans son tombeau...

Ils parvinrent à la seconde grille, celle qui permet de sortir du cimetière par l'autre côté, pas loin de chez Béatrice. Un chien aboya au loin.

Une mauvaise surprise attendait nos amis. Cette seconde grille était fermée par une chaîne, terminée par un cadenas et bien sûr, ils ne disposaient pas de la clé.

La grille était haute, le mur également, carrément infranchissable. Béatrice et François furent donc obligés de retraverser le cimetière pour sortir par le côté où ils étaient entrés afin retourner chez eux.

Et en revenant, pendant qu'ils repassaient par l'allée, l'horrible rencontre se produisit...

 

Ils firent donc demi-tour, après avoir secoué en vain la grille cadenassée pour tenter de l'ouvrir et de sortir par là.

Ils marchaient sur le gravier et le sable de l'allée. Cela crissait à chaque pas comme le grincement des dents d'un mort.

Le vent soufflait par l'autre côté, puisqu'ils revenaient. Le murmure des cyprès leur parut différent. Il chuchotait autre chose à leurs oreilles. "Aaah... Aaah... Aaah..."

Soudain, un craquement sinistre se fit entendre sous les chaussures de Béatrice. Elle sursauta. Avait-elle marché sur le doigt squelettique d'un mort? Mais non, ce n'était pas un os, mais juste une branche morte.

Par contre, le faisceau d'une lampe de poche, tout près d'eux, n'était pas un rêve, hélas. Quelqu'un s'approchait des deux enfants. Il venait par une allée latérale du cimetière.

Il fut bientôt devant eux.

C'était un homme assez grand. Il éclairait le visage de nos amis avec sa lampe de poche, ce qui les éblouissait.

L'homme portait une salopette grise de travail et une veste. Béatrice, comme François, eurent tôt fait de remarquer, sur cette veste, une petite plaquette qui brillait à la lumière de la lune.

Avec un nom sur la plaquette. R. Hosman.

 

Béatrice prit le bras de François et le serra très fort. Elle faisait presque mal à son copain, à cause de ses ongles. Mais le garçon n'était pas gêné par ce geste. Il ne le sentait même pas. Il avait trop peur.

- Que faites-vous là? demanda l'homme. N'est-ce pas l'heure où les enfants sages sont à leur maison? N'est-ce pas l'heure où les enfants très sages sont couchés... et dorment?

Béatrice et François se mirent à trembler.

- Nous... nous retournons à notre maison, dit Béatrice.

- Et moi, je fais quoi dans ce cimetière, à cette heure?

- Je ne sais pas, murmura François.

- Peut-être, enchaîna l'homme, que je vais aussi à ma maison... Mais si je vais à ma maison, et que je marche dans le cimetière, peut-être que j'habite ici... Et si j'habite ici, peut-être que je suis... MORT!

Béatrice et François auraient voulu crier, hurler, s'encourir, mais ils en étaient incapables. Ils étaient à la fois terrifiés et envoûtés par la présence de cet homme.

- Vous observez le nom écrit sur ma veste... Peut-être que ce nom vous rappelle quelque chose... ou quelqu'un... Peut-être que je m'appelle...

L'homme cria.

- RAOUL HOSMAN!

 

Les deux amis étaient paralysés de peur, figés par l'angoisse, par l'horreur de cette rencontre.

- Pour sortir du cimetière, dit-il, il faut avoir la clé du cadenas.

Il glissa la main dans sa poche et en sortit un large anneau en fer, auquel pendaient deux clés.

- Regardez, voici celle de la grille Sud, fermée par une chaîne et un cadenas. Et l'autre clé, à quoi sert-elle?

- Nous ne savons pas, trembla Béatrice.

- Peut-être que c'est la clé de ma maison, ou alors, celle de la grille que je viens de refermer, côté Nord... Si vous voulez sortir d'ici, il faut mériter cette clé. Suivez-moi. Je vais vous montrer quelque chose...

 

Béatrice et François, bien obligés, suivirent l'homme dans l'allée latérale. Il boitait.

Ici, tout était noir. On ne voyait aucune lumière, ni celle des maisons, pas même un réverbère. Nos deux amis se retrouvaient plongés dans le monde du silence oppressant de la nuit éternelle des morts.

Tenant toujours sa torche électrique allumée à la main, il éclairait d'un rayon furtif les tombes, à gauche, à droite, qui, immobiles et silencieuses, luisaient, menaçantes.

Tout impressionnait Béatrice et François : le calme étrange sous la lune argentée, l'homme qui boitait, le vent qui chuchotait "n'y va pas... n'y va pas..." à l'oreille, et surtout le nom de Raoul Hosman qu'il portait accroché à sa veste.

 

Ils parvinrent à une chapelle en pierres grises, une simple chapelle de cimetière comme on en voit souvent. La porte était entrouverte. Les deux enfants remarquèrent une grande croix au faîte du toit. Cette croix penchée, menaçait de tomber.

L'homme ouvrit plus grand, d'un coup sec. Ça donnait sur un escalier qui descendait dans la profondeur de la nuit.

- Venez... venez... C'est en bas... Je vais vous montrer... quelque chose.

Il descendit l'escalier avec difficulté. Béatrice et François arrivèrent dans une cave froide, sombre, presque glacée. Il y régnait une odeur de moisi, de pourri.

Là, sur des socles gris, faits de pierre et de fer, se trouvaient des cercueils. Ils étaient alignés cinq, six, de chaque côté, sur deux étages.

L'un d'eux était entrouvert!

Nos amis faillirent pousser un cri en le voyant.

- Je ne parviens plus à fermer le couvercle, murmura l'homme. Il est trop rempli.. Ça coince...

Il posa les clés sur ce cercueil. Puis sans plus faire attention aux deux enfants terrorisés, il remonta l'escalier et partit en boitant.

 

Profitant des dernières lueurs de la torche électrique qui s'éloignait, Béatrice et François tendirent la main, une main tremblante, pour saisir le trousseau de clés.

Leurs yeux s'habituaient à l'obscurité. Peu à peu, ils distinguèrent un crapaud qui sautait sur le cercueil. Qui l'avait mis là? Ce même homme qui boitait? Raoul Hosman?

François osa pourtant prendre l'anneau de fer, puis les deux amis se sauvèrent par l'escalier.

Ils coururent le long de l'allée principale et parvinrent à la grille cadenassée. Ils y introduisirent la clé et ouvrirent. Enfin, ils se retrouvèrent dehors, sous la lumière rassurante d'un réverbère.

Ils refermèrent vite le cadenas derrière eux, pour que nul ne les suive, et se débarrassèrent du trousseau de clés en le jetant dans l'allée. Ils se précipitèrent à la maison de Béatrice. Là, apaisés, ils racontèrent aux parents leur effroyable aventure.

 

Le papa et la maman de la fillette écoutèrent le récit de nos amis et leur étrange rencontre.

Les policiers, appelés par les parents, vinrent aussitôt et prirent des notes.

-Ce qui est étrange, dit une inspectrice qui dirigeait l'équipe, c'est que Raoul Hosman se trouve pour l'instant dans nos bureaux. Il ne pouvait donc pas se promener au cimetière. Et puis, cet homme ne boite pas...

Après avoir noté la déposition des enfants avec soin, policiers, parents, Béatrice et François, et même le bébé Nicolas dans les bras de son papa, allèrent jusqu'au cimetière.

 

Comme la grille était fermée, et le trousseau de clés jeté dans l'allée, le commissaire convoqua le cantonnier fossoyeur. Un drôle de gars, que personne au village ne comprenait, ou qu'on ne se donnait la peine de connaître. Certains se moquaient même de lui assez méchamment, l’appelant « le givré ».

L'homme arriva.

Il portait une salopette de travail grise et une veste. Nos amis y aperçurent aussitôt la petite plaquette où luisait le nom : R. Hosman.

Un des policiers remarqua l'angoisse des deux enfants. Il observa leur regard inquiet. Il les interrogea.

- Est-ce ce monsieur qui vous a fait si peur dans le cimetière?

- Peut-être, bredouilla Béatrice.

- Je crois, renchérit François. Mais il faisait noir, et il braquait sa lampe de poche sur nous. Je ne suis pas tout à fait certain de le reconnaître.

Un policier fit sauter le cadenas. Il ouvrit la grille. Nos amis indiquèrent l'emplacement de la chapelle.

Se retournant, ils virent s'éloigner monsieur R. Hosman.

- Ne craignez rien, dit l'inspectrice. C'est Raymond Hosman, le frère de Raoul. C'est un être étrange, mais je crois qu’il aime simplements se promener seul la nuit. Un original.

Échangeant un regard, Béatrice et François frissonnèrent.

Et l'homme s'éloignait en boitant...