Juliette

Juliette

N°6

Les Fourmis

     Juliette est une mignonne petite fille de trois ans et demi. Maman coiffe souvent ses longs cheveux bruns en une jolie queue de cheval. Ses beaux grands yeux illuminent son visage.

Son petit frère de un an s'appelle Bastien. Il marche encore à quatre pattes. Il est drôle et fait souvent rire sa grande sœur qui l'aime beaucoup.


Ce jour-là, justement, Juliette se trouvait au jardin avec lui. Passant dans l'herbe près de la barrière, elle remarqua une chose bien étrange: deux colonnes de fourmis. Elles se suivaient comme les wagons d'un train.

Notre amie s'arrêta un moment pour les observer.


Toutes les fourmis qui arrivaient du fond du jardin et allaient vers la maison semblaient en promenade. Elles ne portaient rien. Elles avançaient l'une derrière l'autre en file indienne.

Par contre, les fourmis qui venaient de la maison et retournaient à la fourmilière, un trou près de la haie, transportaient toutes un petit quelque chose de couleur claire. Cela paraissait bien lourd pour elles.

Juliette était étonnée et curieuse.

Son petit frère, à quatre pattes comme toujours, se tenait à côté d'elle. Sans le faire exprès, et surtout, sans y prêter attention, il venait de poser ses doigts sur un des rangs de fourmis. Maintenant, une d'entre elles montait sur le dos de sa main.

La fillette prit le poignet de Bastien et regarda la fourmi. Elle s'était arrêtée et ne semblait pas vouloir s'en aller. Que fallait-il faire?

Notre amie se souvint d'une vilaine morsure à la jambe, causée par une fourmi, la semaine passée. Ça lui avait fait bien mal et des larmes avaient coulé sur ses joues. Ça gonfla puis forma un gros bouton, une gourme, au dire de papa. Maman y mit de la pommade, mais la gourme chatouilla plusieurs jours.


Juliette en bonne grande sœur ne voulait pas que Bastien soit mordu par la fourmi arrêtée sur le dos de sa main. Elle se demanda comment la faire partir.

Fallait-il la prendre entre le pouce et l'index et la poser à terre? Elle ne le pensait pas. Si on tient une fourmi entre son pouce et son index, elle risque fort de mordre les doigts.

Fallait-il jeter un seau d'eau sur son petit frère pour tenter de noyer la fourmi? Sûrement pas. Tout mouillé il se mettrait à pleurer.

Fallait-il tenter d'écraser la fourmi en frappant fort la main de Bastien? Le bébé aurait mal. Ce n'était pas une bonne idée.

Fallait-il appeler maman ou papa? Sans doute, mais ils semblaient très occupés dans la maison. Il valait mieux ne pas les déranger pour l'instant.

Juliette choisit de glisser sa main d'un geste vif sur le dos de celle de Bastien. La fourmi fut emportée par le mouvement et tomba à terre.

Notre amie sourit, contente et fière. Elle avait bien protégé son petit frère.


Mais où allait cette fourmi? Elle ne se dirigeait pas vers la fourmilière. Elle avançait entre les herbes et les pâquerettes.

Elle s'arrêta près du camion jaune de Bastien. Elle sembla hésiter un moment. Soudain elle se décida, escalada la roue arrière et se hissa dans la benne.

-Tu veux aller faire un tour en camion? demanda Juliette. D'accord. Je vais t'aider.

Elle le fit rouler vers la maison. La fourmi, postée à l'avant à présent, regardait défiler le paysage.

On passa tout à coup près d'une autre fourmi. Celle-ci tenait un pétale jaune de bouton d'or entre les pattes. La fourmi descendit du camion, et s'approcha de celle qui paraissait être sa copine. 

Elles se dirigèrent vers la balle rouge de Juliette. Les deux fourmis essayèrent d'y monter.

-Vous voulez jouer au ballon? proposa notre amie.

Elle fit rouler doucement la balle rouge qui passa au-dessus des deux petites. Elle s'arrêta dans un creux.

Une troisième fourmi se trouvait là, portant un pétale de coquelicot. Juliette les vit se saluer. Elles se tenaient par leurs antennes. Puis elles repartirent, l'une derrière l'autre, vers la cabane du jardin.

Elles passèrent près d'une bille bleue, perdue par notre amie l'autre jour. Les trois fourmis la contournèrent sans la regarder.

Une quatrième s'était cachée tout près. Elle serrait un pétale de bleuet.

Après s'être saluées, elles firent demi-tour et rejoignirent la file de fourmis qui allait de la maison de Juliette à la fourmilière. En passant, la fourmi de notre amie, qui ne portait rien pour l'instant, saisit un grain de riz qui traînait dans l'herbe.

La fillette vit les quatre couleurs s'éloigner, en se mêlant aux autres qui emportaient le petit paquet clair avec elles. Le pétale jaune du bouton d'or, le rouge du coquelicot, le bleu du bleuet, et le grain de riz blanc partaient vers le fond du jardin.

Notre amie, très curieuse, se demanda où toutes ces fourmis prenaient cette étrange pâte claire qu'elles emmenaient ensuite à la fourmilière?


Elle trouva une manière bien simple pour le découvrir. Il suffisait d'accompagner celles qui ne portaient rien, de marcher à leur côté, et observer ainsi où elles se rendaient.

Juliette les suivit des yeux, tout en longeant la file. Elle parvint ainsi au pied du mur de sa maison.

Elle remarqua aussitôt que les fourmis montaient le long du mur en briques jusqu'à la tablette de la fenêtre du salon et là, elles s'arrêtaient à un quartier de pomme. Elles en détachaient un bout, et puis retournaient à la fourmilière.

La fillette se souvint de la pomme que maman lui avait coupée hier. Elle avait posé un morceau un instant sur l'appui de fenêtre. Puis elle l'avait oublié là. Et à présent les fourmis traversaient le jardin, tranchaient des petits bouts de la pomme et les emmenaient à leur maison.

Juliette songea que Bastien marcherait encore souvent à quatre pattes dans l'herbe. Il risquait de s'arrêter de nouveau près des fourmis qui, sans doute, le mordraient. Il fallait donc faire quelque chose pour qu'elles ne viennent plus de ce côté, pour qu'elles ne traversent plus la pelouse.

Elle prit le morceau de pomme et alla le poser au bord de la fourmilière, près de la clôture. Ainsi, les fourmis peuvent trouver leur nourriture à côté de leur maison. Elles n'ont plus besoin de traverser le jardin.

Voilà pourquoi Bastien, qui se promène à quatre pattes, n'a jamais été mordu par les fourmis.

Juliette est vraiment une gentille grande sœur!