Juliette

Juliette

N°9

Le coucou

     Par un bel après-midi d'été, Juliette partit se promener au bois avec son père. Notre amie était bien contente de passer quelques heures avec son papa chéri. Maman gardait Bastien, le petit frère, un bébé, à la maison.

Arrivés dans une jolie clairière pleine d'herbes et de fleurs, papa proposa à sa fillette de faire une partie de cache-cache.

-Quelle bonne idée, sourit notre amie, je vais compter la première et toi tu te caches.

Juliette se tourna contre un arbre puis elle compta lentement jusque douze. Papa se tapit derrière un buisson. Quand la fillette eut fini de compter, elle regarda autour d'elle.

-Où est-il caché ? dit-elle tout haut.

Tout à coup, Juliette entendit un petit cri.

-Houhou...houhou...houhou...

Notre amie courut vers l'endroit d'où provenait la voix.

-Je t'ai vu, je t'ai vu. À mon tour. Je vais me cacher.

Papa se tourna contre un arbre et commença à compter doucement jusque douze lui aussi. La fillette se précipita derrière un gros chêne et attendit.

-Et douze! Je regarde après ma Juliette.

Papa se déplaça un peu dans la clairière et, soudain, il vit une petite main qu'il connaissait bien.

-Trouvé! Tu te caches derrière le grand arbre. Je vois ta main.

Notre amie revint vers son père en souriant.

-À mon tour, papa.

Juliette se plaça contre le chêne et compta jusque douze.

-Ça y est, annonça la fillette. Tant pis si tu n'es pas caché.

Juste à ce moment-là, elle entendit de nouveau un petit cri.

-Coucou...coucou...coucou...

Cela ne ressemblait pas tout à fait à celui de tantôt.

Juliette, pensant à son père, marcha dans la direction de la voix qui semblait l'appeler. Mais ce n'était pas son papa. C'était un oiseau, un coucou. Au printemps, il lance son cri dans les bois en faisant "coucou".



Notre amie, croyant ainsi retrouver son papa, suivait à présent le coucou qui volait de branche en branche. Mais en avançant, elle s'éloignait de plus en plus de la clairière où son père s'était caché et attendait sa petite fille.

Elle enjamba des hautes herbes puis des fougères. Peu à peu, Juliette disparut dans les taillis, vers le milieu du bois.

Elle n'aimait pas beaucoup marcher là, notre petite amie, car il y avait des ronces et leurs picots. En plus, ces plantes étaient si hautes qu'elle ne voyait plus rien. Ici et là se trouvaient quelques toiles d'araignée qui lui faisaient bien peur.

Elle essaya de revenir sur ses pas. Hélas, en croyant faire demi-tour, elle partit dans une mauvaise direction et s'éloigna encore plus de son papa.

Ce dernier, sorti de sa cachette, tentait de retrouver sa petite fille. Il l'appelait, il criait, il hurlait, mais la fillette était déjà si loin, trop loin. Elle n'entendit pas la voix de son père.



Après un moment de marche pénible, elle quitta enfin des fougères et des hautes herbes. Elle s'approcha d'un petit lac. Elle fit trois pas vers le bord, en écartant les roseaux. Un peu de boue mouilla ses petites tennis bleues. Elle s'arrêta et regarda autour d'elle. Elle ne pouvait pas aller plus loin. Et papa n'était pas près de ce lac. Elle comprit qu'elle s'était perdue.

Elle recula un peu, s'assit sur un tronc d'arbre couché et ses larmes se mirent à couler sur ses joues. Mais personne ne passa pour la consoler, personne ne vint lui parler. Elle pleurait toute seule, appuyée contre le tronc sous le soleil.

Et les oiseaux chantaient.

Puis Juliette sécha ses larmes du dos de sa main et regarda de nouveau autour d'elle. Elle aperçut des champignons rouges. Ils étaient bien tentants. Elle eut envie d'en manger un car elle commençait à avoir faim. 

Mais notre amie fut prudente. Elle ne les toucha pas. Elle sait que c'est dangereux. Ils sont parfois vénéneux, c'est-à-dire que si on les mange, on est empoisonné et on peut en mourir. II ne faut jamais toucher aux champignons des bois, à moins d'être en présence d'un adulte qui s'y connaît.


Juliette rassembla son courage et tenta de retourner à la maison. Elle marcha longtemps dans l'herbe haute, traversant un sous-bois. Ses petits pieds disparaissaient sous les feuilles mortes ou faisaient craquer les branches tombées. Elle évitait les endroits de ronces et de picots comme elle pouvait. Elle parvint assez vite devant un long mur.

II était construit en briques rouges et semblait très vieux. Certaines d'entre elles étaient tombées. Il était fissuré par-ci par-là. D'ailleurs, des herbes poussaient sur ce mur. Il était bien trop haut pour que notre amie puisse le franchir. Elle ne sait pas grimper sur un mur. Elle n'apprend pas encore à faire de l'escalade.

Juliette s'assit dans l'herbe près de deux papillons jaunes qui voltigeaient, indifférents à sa peine, et pleura de nouveau. Elle était vraiment perdue et ne savait plus du tout par où aller pour retrouver son papa.

Entre deux larmes, entre deux sanglots, elle remarqua, levant les yeux, des petites prunes sur un arbuste à picots le long du vieux mur. Elle s'en approcha. Elles resssemblaient à des vraies prunes bleues en beaucoup plus petit. On aurait dit des raisins. Juliette ne connaissait pas les prunelles des bois.

Elle en cueillit une et la mit en bouche. Quel mauvais goût! Elle ne l'aimait pas du tout. Ce n'était pas du poison, mais elle la trouvait trop sûre. Elle recracha le tout.


Séchant ses larmes et rassemblant à nouveau son courage, elle marcha en longeant le mur, dans l'espoir de parvenir à un chemin. Elle arriva au bord d'un ruisseau. Elle ne vit pas de pont pour le traverser.

Juliette regarda ses pieds. Ses petites tennis bleues étaient déjà pleines de boue. Alors tant pis, elle entra dans l'eau du ruisseau et passa de l'autre côté sans les enlever.

Là se trouvaient des plantes vertes. La fillette y observa des fruits rouges. Se penchant vers eux, elle remarqua que c'était des fraises des bois. Quel délicice, les fraises des bois!

Elle en cueillit une poignée et les mit en bouche. Ça lui fit du bien. Cela lui donna des forces pour continuer à marcher et tâcher de revenir à la maison.


Elle avança encore dans un sous-bois fleuri, passant dans les rayons du soleil ou parfois à l'ombre du feuillage. Elle aboutit enfin sur une route en terre.

Elle regarda à droite. Cela venait de loin. Elle observa à gauche et vit un tournant à cinquante mètres. Là se trouvaient un homme et une femme qui poussaient une voiture d'enfant.

Juliette courut sur le chemin et rattrapa les parents du bébé. Ils s'accroupirent face à elle et elle fondit en larmes dans leurs bras.

-Que se passe-t-il petite fille ? Que t'arrive-t-il ? demanda la maman.

Notre amie expliqua en pleurant qu'en jouant à cache-cache avec son papa, elle avait entendu un coucou. Elle s'était perdue en le suivant dans les bois.

Les parents du bébé prirent très gentiment Juliette par la main et la conduisirent jusqu'à son village.

Notre amie reconnut sa maison et retrouva ainsi ses parents. Ils la cherchaient et étaient très inquiets.

Papa et maman prirent leur petite fille dans leurs bras et la serrèrent bien fort en l'embrassant. Ils remercièrent les parents du bébé de leur avoir ramené Juliette.

Ce jour-là, notre amie comprit que quand on entend "coucou", ce n'est pas toujours quelqu'un qui appelle. Cela peut être un oiseau, un coucou. Il ne faut pas le suivre, sinon on risque de se perdre au milieu des bois.