Magali

Magali

N°15

La Poupée qui pleurait

     Parmi ses jouets, Magali possède une petite poupée qui lui ressemble, car elle a des couettes brunes. Elle la prend avec elle dans son lit, le soir, avec son doudou, un petit mouton blanc de peluche.

Cette nuit-là, notre amie s'éveilla au milieu de ses rêves, car elle entendait pleurer. Elle pensa d'abord à son frère, le bébé Julien, qui dort dans la chambre à côté de la sienne. Mais c'était sa petite poupée qui sanglotait.

-Ne pleure pas, chuchota Magali. Tu ne dois pas être triste.

Mais la poupée continua à pleurer. Notre amie eut beau la tourner et la retourner, la serrer dans ses bras, lui parler encore, elle ne cessait pas…


Comment font papa et maman avec le bébé, lorsqu'il pleure ? se demanda la fillette. Je sais. Ils le changent. Ils lui mettent un autre lange.

Magali se leva, prit sa poupée, la déshabilla et lui mit comme lange, un petit bout de tissu qui traînait sur la table. Elle la rhabilla mais elle pleurait toujours.


Notre amie réfléchit encore.

-Comment mes parents s’y prennent-ils avec Julien, mon petit frère ? Ah oui ! Ils le bercent dans leurs bras.

Magali prit sa poupée et, assise au bord de son lit, dans sa robe de nuit rose avec des petits rubans et les pieds nus, elle la balança doucement dans ses bras. Mais elle pleurait toujours…


-J'y songe, murmura la fillette. Maman ou papa, à tour de rôle, lui donnent à boire. Ils donnent un biberon à mon petit frère lorsqu'il pleure.

Magali se leva et, emportant sa poupée, elle descendit les escaliers sans bruit et se rendit à la cuisine. Là, elle prit l'un des biberons de Julien, enleva la tétine, versa un petit peu de lait, revissa la tétine et la présenta à sa poupée.

Mais elle ne buvait pas et elle pleurait toujours…


-Que faire ? hésita notre amie. Lui mettre une simple tétine dans la bouche ?

Magali remonta l'escalier et entra dans la chambre de son petit frère Julien. Il dormait. Elle prit une petite tétine qui traînait sur la table à langer et la plaça contre la bouche de sa poupée. Mais elle pleurait toujours…


Notre amie ressortit de la chambre de son petit frère et entra dans la sienne.

-Comment maman ou papa réussissent-ils à calmer le bébé ? Ah oui ! Ils lui chantent une berceuse.

Et la petite fille chanta.

-Dodo, l'enfant do, l'enfant dormira bien vite. Dodo, l'enfant do, l'enfant dormira bientôt...

Mais la poupée pleurait toujours…


Magali était perplexe. Comment la réconforter ?

Tu le sais, toi qui écoutes cette histoire ? Tu as une idée? 

Elle ressortit de sa chambre et aperçut son petit chat Polipilou. Elle l'appela trois fois.

- Polipilou! Polipilou! Polipilou!

-Oui, que veux-tu?

-Regarde, ma poupée pleure. Je ne sais pas ce qu'il faut faire pour la consoler.

-Moi non plus, répondit le chat. Je n'ai jamais eu de bébé. Il faudrait poser la question à des parents.

Notre amie ne voulait pas réveiller les siens pour une poupée qui pleure.

-Si tu ne veux pas les réveiller, allons jusqu'à la ferme. On trouvera beaucoup de mamans ou papas animaux, là-bas. On leur demandera.

-Bonne idée, fit Magali en souriant.


Notre amie retourna dans sa chambre. Elle ôta sa robe de nuit rose à petits rubans. Elle passa sa salopette rouge, un tshirt et ses baskets rouges. Puis, prenant sa poupée dans les bras, elle accompagna le chat en direction de la ferme qui se trouve à quatre cents mètres de là.

La fillette n'était pas très rassurée d'être dehors dans la nuit, mais elle était trop préoccupée par sa poupée qui pleurait pour avoir vraiment peur. Les réverbères allumés la rassuraient, et le ciel scintillait, paisible et doux, de la lumière des étoiles.

Elle entra dans la cour de la ferme et ouvrit la porte de l'écurie. Elle s'approcha d'une jument et lui demanda :

-Jolie jument! Comment t'y prends-tu avec ton petit poulain quand il pleure ?

La jument lui répondit :

-Lorsque mon poulain est triste, je cours avec lui dans le champ pour le consoler. Ça lui fait plaisir. Il arrête de pleurer.

-Merci, se réjouit Magali.

Elle courut dans la cour de la ferme sous les étoiles et le clair de lune, avec sa poupée dans les bras, mais elle pleurait toujours…


Notre amie passa dans l'étable. Elle s'approcha d'une vache qui veillait deux petits veaux endormis près d'elle.

-Gentille vache, comment fais-tu quand tes petits veaux pleurent, pour les consoler ? Dis-moi ton secret pour qu'ils ne pleurent plus ?

-Moi, répondit la vache, je les lèche. Ils aiment beaucoup cela et ils s'endorment doucement.

-Merci, répondit Magali.

Notre amie s'assit sur la paille, dans un coin de l'étable et lécha sa poupée. Mais elle pleurait encore et encore…


Alors, par une petite porte, elle entra dans la porcherie. La soue sentait mauvais. Elle aperçut une grosse truie qui nourrissait ses petits.

-Comment t'occupes-tu de tes petits pour qu'ils ne pleurent pas ? supplia Magali. Moi, je ne sais pas consoler ma poupée.

-C'est facile, répondit la grosse truie. Je les nourris. Alors, ils se taisent.

La petite fille regarda tristement.

-Moi, je ne peux pas nourrir ma poupée. Je ne suis pas encore une maman. J'ai essayé avec un biberon à la maison mais cela ne va pas.

Elle sortit de la porcherie.

 

Elle s'arrêta devant les clapiers. Là, elle aperçut des dizaines de lapins et lapines. Elle s'approcha de l'un d'entre elles.

-Comment réussis-tu à endormir tes petits ? Comment fais-tu pour qu'ils se taisent ?

-Oh, c'est tout simple, expliqua la lapine. Je leur apprends à sauter. Cela leur change les idées. Ils ne pensent plus à pleurer.

-Merci, fit notre amie en souriant.

Elle passa dans la cour de la ferme et sauta, faisant des bonds joyeux avec sa poupée dans les bras, sous les étoiles. Personne ne vit cette petite fille en salopette et en baskets rouges sauter ainsi, sous la belle lumière de la lune. Mais la poupée pleurait toujours…


-Allons à l'étang, proposa le petit chat qui accompagnait Magali. Là, nous interrogerons d'autres parents.

Au milieu de la mare, barbotaient plusieurs canards. Une cane couvait ses œufs, parmi les roseaux et les nénuphars.

-Cane! maman cane! appela notre amie. Comment t'y prends-tu pour consoler tes petits canetons quand ils sont tristes ?

-Facile, dit la maman canard. Je couve mes bébés. Je les glisse juste en-dessous de moi. Je les protège du vent et du froid ou de la pluie. Ainsi, ils sont bien au chaud et tout contents.

-Merci, petite cane, sourit Magali.

Elle glissa sa poupée dans la poche avant sa salopette, comme une maman kangourou. Elle la protégea du creux de ses mains, assise au bord de l'étang.

Mais la poupée pleurait encore et encore…


La fillette entendit des grenouilles coasser. Elle s'approcha d'elles sans bruit.

-Petites grenouilles, comment faites-vous pour que vos bébés, les petits têtards, ne pleurent pas ?

-Nous chantons, répondit la maman grenouille. Nos chansons remplissent les nuits d'été. Tu nous entends sûrement au bord de la mare, depuis ta chambre, le soir.

Magali songea qu'elle avait déjà chanté une chanson à sa petite poupée et qu'elle avait continué à pleurer. Elle essaya encore une fois, une jolie berceuse très douce, mais ce fut un échec. La poupée pleurait toujours…


Une libellule se posa près de la fillette.

-Libellule, libellule ! Raconte-moi. Quand tes petites larves ne dorment pas, que fais-tu ?

-Je leur apprends à danser, chuchota la libellule. Nous valsons au-dessus de l'eau.

-Merci, libellule.

Magali réfléchit qu'elle ne pourrait pas danser au-dessus de l'eau avec sa poupée. Mais elle pouvait danser près de l'étang. Alors, elle tourna sur elle-même comme une toupie avec sa poupée dans les bras, bercée par la lumière de la lune. La fillette fut prise de vertige.

Et sa poupée pleurait toujours…


Notre amie voulut retourner à la maison. Elle avait tout essayé.

-On oublie les moutons, s'exclama le petit chat. Il faut leur demander. Viens, allons interroger des brebis qui ont des petits.

-Bonne idée, mais c'est la dernière chance !

La fillette trouva la bergerie et y entra. Plusieurs brebis s'approchèrent d'elle.

-Comment faites-vous les mamans brebis, dit-elle en les caressant, comment faites-vous avec vos petits agneaux pour qu'ils ne pleurent pas ? Comment les consolez-vous ?

-Nous faisons comme toutes les mamans et tous les papas gentils avec leur bébé, répondirent les brebis.

-C'est quoi ? s'étonna Magali.

-Tu devrais le savoir, bêlèrent les brebis. Nous leur donnons des bisous. Nous leur faisons des câlins.

-Je n'y avais pas pensé, s'exclama notre amie.

Elle remercia les brebis et sortit de la bergerie. Puis, à l'ombre du portail, près de la lanterne qui tremblait sous la brise de la nuit, elle embrassa sa poupée. Et à ce moment précis, elle cessa de pleurer et se mit à rire. C'était gagné.


Magali retourna à la maison. Elle remonta à sa chambre, se déshabilla, repassa sa robe de nuit, et se mit au lit. Elle coucha sa poupée près d'elle et la regarda. Quand elle croisa son regard, sa poupée se mit à rire. Elle l'embrassa trois fois.

Peut-être qu'elle rit encore…