Magali

Magali

N°21

Le bâton de pluie

     Magali sortit de l'école et aperçut sa mère. Elle se précipita dans ses bras, puis donna un bisou à son petit frère, un bébé de un an.

-Maman, Julien a pris ma balle.

Le bébé tenait un ballon rouge entre ses petites mains.

-Julien te l'apporte, ma chérie. Prends-le-lui sans le faire pleurer. Et tiens, voici une pomme pour ton goûter.

Magali glissa la balle sous son bras et croqua dans sa pomme.

-Je peux pousser la poussette ?

-Oui. Tu as quatre ans et demi, je te fais confiance.

Ils s'arrêtèrent quelques minutes plus tard devant une épicerie. Notre amie n'avait pas très envie d'y aller.

-Je préfère jouer avec ma balle sur le trottoir, maman.

-D'accord, mais reste devant la vitrine du magasin. Ne t'éloigne pas. Et ne traverse pas la rue.

Maman entra dans la boutique avec Julien. Dehors, sous le soleil, Magali faisait rebondir son ballon sur les pavés gris du trottoir.


Tout à coup, il toucha la pointe du pied de notre amie et roula vers la rue.  Il tomba dans la rigole et fut emporté par l'eau qui y coulait. Il venait de pleuvoir et il y avait comme un ruisseau le long du trottoir.

Le ballon flotta jusqu'au coin de la rue. Magali le suivit en courant.

Au même moment, elle leva les yeux. Tout près d'elle, les pneus d'un très gros camion crissaient sur la route. Notre amie ne se rappelait pas en avoir vu un si grand. La benne était chargée d'un formidable sac brun qui ressemblait à une énorme cacahouète.

Le conducteur baissa la vitre.

On entendait de la musique. « Pirouette cacahouète. ».

-Il était un petit homme, qui avait une drôle de maison...

Chante, si tu connais la chanson.

-Tu m'as fait peur, petite fille, dit le chauffeur. J'ai cru que tu allais traverser la rue sans regarder.

-Non, monsieur, dit notre amie. Maman me l'a interdit. Je courais juste reprendre mon ballon.

-Bravo. Tu es très sage. Voici un cadeau pour te récompenser. Que préfères-tu ? Une pomme ou un bâton ?

Magali venait de manger une pomme. Elle répondit :

-Je veux bien un bâton.

L'homme lui en tendit un beau grand par la fenêtre de la cabine. L'écorce brune était décorée d'étranges dessins indiens.

Puis le conducteur referma sa vitre et repartit avec son camion.


Maman arrivait en courant.

-Magali, je t'avais demandé de rester devant la fenêtre du magasin.

-Ma balle a roulé dans la rigole, le long du trottoir.

-Ce n'est pas une raison pour t'éloigner ainsi.

Notre amie baissa la tête et on revint à la maison.

 

-Occupe-toi de ton petit frère quelques minutes, ma chérie. Je le mets dans son parc. Arnaud rentrera bientôt. Pendant ce temps je vais à l'étage ranger la salle de bain.

Arnaud est le grand frère de Magali. Il a huit ans. Après l'école, il va souvent chez Manon, sa meilleure amie. 

Magali s'approcha de son petit frère et commença à jouer avec lui. Elle aime beaucoup Julien. Elle a de la patience avec lui et adore de le faire rire.

Tout à coup, elle prit le bâton que le chauffeur du camion lui avait donné et le lui montra.

-Regarde Julien.

Elle le fit tourner lentement au-dessus de la tête du bébé qui tendait les mains pour tenter de l'attraper.

Un curieux bruit se produisit à l'intérieur du bâton. Un bruit de pluie, puis de rivière qui coule, puis le chant d'une cascade. L'instant d'après, de l'eau sortit par un petit trou à peine visible. En une seconde, le bébé fut trempé, comme si on avait versé un seau d'eau sur sa tête.

Magali prit son petit frère dans les bras et le conduisit près de sa mère.

-Que se passe-t-il? demanda-t-elle. Pourquoi Julien est-il tout mouillé ? Tu as versé de l'eau sur lui ?

-Ce n'est pas ma faute, déclara notre amie, c'est le bâton.

Maman souleva le petit et l'emporta dans sa chambre pour le sécher et le changer sur la table à langer.


Magali redescendit au salon. Elle ramassa le bâton et le fit tourner entre ses doigts. Etait-ce bien lui qui venait de mouiller le petit frère ?

De nouveau un bruit de pluie, puis de rivière qui coule, puis le chant d'une cascade se fit entendre.

Notre amie n'eut pas le temps de se mettre à l'abri. Un torrent d'eau sortit du morceau de bois. Elle fut arrosée comme si elle recevait deux seaux d'eau sur sa tête.

Elle le posa à terre et monta l'escalier.

-Maman ! Je suis toute mouillée.

-Comment as-tu fait, ma chérie ?

-C'est le bâton. Je crois qu'il y a de l'eau dedans.

-Va te sécher et te changer dans ta chambre. Je suis occupée avec Julien.

Magali se déshabilla et se demanda quoi mettre. Elle aperçut son sac de gymnastique et passa sa tenue : short, t-shirt et sandales de gym.


Entre temps, Arnaud, le grand frère de huit ans, venait de revenir de chez Manon. Il aperçut l'étrange bâton sur le tapis.

Il le prit en main et le fit tourner lentement entre ses doigts pour mieux l'examiner. Comme chaque fois, un bruit de pluie se fit entendre, puis celui d'une rivière qui coule, puis le chant d'une cascade.

En un instant, le garçon se trouva tout mouillé, comme s'il recevait trois seaux d'eau sur la tête. Il lâcha le bout de bois et courut à l'étage.

-Maman, je suis trempé.

-Mais que vous arrive-t-il ? dit-elle en regardant par la fenêtre. Il ne pleut pas ! Je ne vois que le ciel bleu et le soleil.

-C'est le bâton qui traîne sur le tapis du salon, expliqua Arnaud.

-Va te sécher et te changer dans ta chambre.

Le garçon trouva lui aussi ses affaires de gymnastique et les mit. Il saisit la main de sa petite sœur et s'approcha avec elle de la maman qui achevait de changer le bébé Julien.


Papa venait de revenir du travail. Il portait son beau costume bleu, sa chemise blanche et sa cravate gris perle. Il entra au salon.

Il aperçut le bâton et le prit en main pour l'examiner. Il le fit tourner entre ses doigts.

-Quel bel objet, dit-il. Quels étranges dessins gravés tout autour.

Comme les autres fois, le bruit de la pluie, puis celui d'une rivière qui coule, puis le chant d'une cascade se firent entendre. En deux secondes, papa fut arrosé et trempé de la tête aux pieds, comme s'il recevait quatre seaux d'eau sur la tête.

Il monta l'escalier.

-Que se passe-t-il, mon amour ? dit maman. Tu es tout mouillé.

-Je ne comprends pas, répondit papa. Je me trouvais au salon, et soudain, j'ai été aspergé.

Il se sécha puis passa lui sa tenue de sport bien confortable à la maison.


Ils redescendirent tous au salon. Maman aperçut le bâton sur le tapis, près du parc de Julien. Elle le prit en main.

-C'est celui que j'ai reçu du chauffeur du camion, expliqua Magali. Il s'était arrêté au coin de la rue quand je poursuivais mon ballon rouge. Ce morceau de bois nous a tous mouillés.

-J'ai bien compris, dit maman. Et donc, tu crois que si je place ce bâton au-dessus de ma tête, je serai arrosée. Ce n'est pas possible ! Vous me faites une blague...

Elle le fit doucement tourner entre ses doigts.

 -Attention, avertit Arnaud.

-Repose-le, n'y touche pas, cria papa.

-Tu seras toute mouillée, ajouta Magali.                                                                                                                      

Le bruit de pluie, puis de rivière qui coule, puis le chant d'une cascade se firent entendre.

En un instant, la maman fut trempée, comme si on versait cinq seaux d'eau sur elle. Le mystérieux bâton émit encore un petit bruit d'eau puis ce fut tout.


Ils sortirent tous de la maison. Ils allèrent sur le trottoir et posèrent le bâton sur les pavés gris, près de la rigole.

Au même moment, ils virent passer le gros camion, celui qui portait un sac brun dans la benne, un grand sac qui ressemblait à une énorme cacahouète.

Les vitres étaient ouvertes. Le chauffeur écoutait de la musique. Nos amis entendirent la même chanson que tantôt. Tu la connais :

-Il était un petit homme, qui avait une drôle de maison...

Le camion s'éloigna et le mystérieux bâton resta là, sur les pavés gris du trottoir.


Si tu le vois, tu peux le ramasser, mais attention, il pourrait t'arroser toi aussi. Tu es prêt à être mouillé à ton tour ?