Magali

Magali

N°36

La clé de la pie

     Souviens-toi. La jolie pie a perdu ses trois œufs. Magali les a cherchés avec ses amis, le gentil lapin, l'écureuil aux yeux très doux, le poisson rouge et les écrevisses. Ils ont découvert, à la fin de l'aventure précédente, qu'un serpent les avait mangés. Découvre ou relis : Qui a volé mes œufs? (Magali 35). Magali a reçu à ce moment un cadeau de la jolie pie : une petite clé en or.

Nous retrouvons notre amie juste au moment où, jouant au jardin, elle serrait cette clé dans les mains, la glissant sans cesse entre ses doigts et se demandant, parce qu'elle est très curieuse, à quoi elle pouvait bien servir.

Magali, âgée de quatre ans et demi, a des cheveux noirs que ses parents coiffent en deux jolies couettes. Elle portait comme souvent une salopette rouge et des chaussures de toile bleues.


Notre amie, donc, regardait cette petite clé en or en réfléchissant.

Et si elle ouvrait un coffre au trésor?

-Oui, mais où se trouve-t-il? dit-elle tout haut.

Soudain, elle crut tenir une bonne idée. La meilleure façon de le savoir, c'était bien sûr d'aller demander à la pie où elle avait pris cette clé.

Magali poussa la barrière au fond du jardin et longea le champ de blé en direction du grand arbre où habite l'oiseau. Elle l'appela trois fois.

-Jolie pie! jolie pie! jolie pie!

-Bonjour! Que veux-tu?

-Tu m'as offert cette clé l'autre jour après notre aventure avec tes œufs, mais à quoi sert-elle? Où l'as-tu prise?

-Je me souviens, répondit la pie. Je vais te raconter. Je l'avais vue en passant près du nid d'un corbeau. Tu le connais. C'est celui qui se pose toujours sur le mur de ton école, le long de la cour de récréation. Cette clé brillait et moi j'en rêvais. Je me suis décidée à l'aborder et je lui ai proposé d'échanger la clé contre quatre vers de terre. Cet idiot de corbeau, un fameux gourmand, a accepté aussitôt. Je lui ai donc apporté ses quatre grands vers de terre, qu'il a d'ailleurs avalés goulûment en quelques instants, et moi, j'ai emporté la clé dans mon nid. Quand tu m'as aidée à chercher mes trois œufs, l'autre jour, j'ai décidé de te l'offrir.

-Merci, dit Magali en souriant.


Elle se rendit alors à son école. Le dimanche, on ne rencontre personne dans la cour de récréation. Un corbeau y sautillait gentiment. Il ne sait pas que les enfants ne viendront pas aujourd'hui. Il ne comprend pas que c'est un jour de congé.

Magali l'appela trois fois.

-Corbeau noir! corbeau noir! corbeau noir!

-Oui. Que veux-tu, petite fille?

-Reconnais-tu cette clé?

-Oh oui! affirma le corbeau. L'autre jour, une pie est venue se poser près de moi et elle m'a proposé de me donner quatre bons vers de terre en échange de cette clé. J'ai aussitôt accepté, tu penses. Cette clé est bien trop dure pour être mangée. J'ai bien fait de m'en débarrasser. Par contre, les quatre vers de terre étaient délicieux.

-Tant mieux pour toi, interrompit la fillette. Mais dis-moi, corbeau, où l'as-tu découverte?

-Je me souviens. Elle se trouvait au milieu de la rue, tout près de chez toi.

-Au milieu de la rue? Tout près de chez moi? s'étonna Magali.

-Oui. Elle appartenait à une tortue. Celle qui vit au fond du jardin de ton voisin, ce vieux monsieur, bon-papa d'un petit garçon.

-Mon copain Adrien! lança Magali en souriant.

-La tortue s'apprêtait à traverser la route en revenant d'une petite promenade dont elle garde le secret. Elle se décida à passer après avoir bien regardé à gauche et à droite. Mais comme elle avance très lentement, une voiture est arrivée. La tortue a aussitôt rentré ses pattes, sa tête et sa queue sous sa carapace. La voiture a roulé au-dessus d'elle sans lui faire de mal. La tortue est repartie, tellement effrayée, qu'elle a laissé la clé au milieu de la rue et moi je l'ai ramassée.

-Merci. Je connais cette tortue. D'ailleurs, je joue souvent avec Adrien quand il vient chez son grand-père.


Magali retourna chez elle. De son jardin, elle passa par un espace vide entre deux plants de la haie et se glissa à quatre pattes chez le voisin. Son copain n'était pas là.

Notre amie regarda autour d'elle et aperçut la tortue dans l'herbe haute. Elle l'appela trois fois :

-Vieille tortue! vieille tortue! vieille tortue!

-Que veux-tu, petite fille? Oh! mais je te reconnais. Tu es l'amie d'Adrien.

-Oui. Connais-tu cette clé?

-Je m'en souviens, assura la tortue. Je la portais sur ma carapace. Écoute ma terrible aventure. Je voulais traverser la route pour aller me promener. J'ai bien regardé à gauche, puis à droite. Aucune auto en vue. Je me suis dit que je pouvais y aller. Hélas je n'avance pas vite, paraît-il. Pendant que je traversais une voiture est arrivée.

-Tu as dû avoir peur, s'inquiéta Magali.

-Très peur, répondit la tortue. J'ai aussitôt rentré mes pattes, ma tête et ma queue sous ma carapace. Et j'ai tremblé quand la voiture est passée au-dessus de moi. J'étais toute retournée ensuite. Et j'ai complètement oublié la clé tombée sur la rue.

-À ce moment-là un corbeau l'a prise, enchaîna notre amie. Mais où avais-tu découvert cette clé?

-Je me souviens, dit la tortue. Je l'avais vue dans la cour de la grande ferme, un peu plus bas que chez toi. Cette clé appartenait à une poule. Elle s'appelle... attends que je me souvienne de son nom, oui! Nicotte.

-Merci, sourit Magali.


Elle se dirigea alors vers la cour de la grande ferme. Beaucoup de poules picoraient de-ci, de-là. Laquelle pouvait bien s'appeler Nicotte?

Magali cria:

-Nicotte! Nicotte! Nicotte!

Une poule brune s'approcha.

-Que me veux-tu?

-Reconnais-tu cette clé? demanda la fillette en la montrant.

-Oui, s'écria la poule. Je l'ai perdue ici, près du tas de fumier au cours d'une terrible bataille.

-Une terrible bataille? s'étonna notre amie.

-Oui, je cherchais tranquillement des vers de terre et des graines à manger pour mon repas quand trois renards sont entrés dans la cour. Ils voulaient me manger, tu te rends compte! Moi, j'ai eu trop peur. Je me suis sauvée. J'ai perdu la clé en courant vers le poulailler.

-Et ensuite? demanda Magali.

-Heureusement le chien de la ferme, très courageux, a attaqué les trois renards de front. Il a mordu le premier à la patte, puis, se retournant, il a affronté les deux autres. Il en a fait rouler un dans la vase du fumier pendant que le troisième essayait de le mordre dans le dos. Mais alors, notre chien s'est retourné encore une fois et il a mordu les deux renards qui revenaient à l'assaut. Après avoir blessé l'un et l'autre, notre chien est parvenu à les mettre en déroute. Les trois renards se sont sauvés. Ce que j'ai eu peur! Je ne suis pas ressortie du poulailler de toute la journée!

-C'est sans doute à ce moment-là qu'une tortue en a profité pour te prendre ta clé.

-Exactement, reconnut Nicotte. Je l'ai vue mais je n'ai pas osé sortir de ma cachette pour intervenir.

-Mais où avais-tu découvert cette clé?

-Je l'ai reçue d'une petite grenouille qui vit au bord de l'étang.

-L'étang près du grand champ de blé? demanda Magali.

-L'étang près du champ de blé, confirma Nicotte.

-Merci, dit la fillette.

Et elle courut en direction de l'étang.


Elle parvint au bord de l'eau verte. De hauts roseaux poussaient dans la boue. On entendait le chant des grenouilles et les cris des canards.

Magali observa le spectacle un moment. Elle remarqua une grenouille qui sautait de nénuphar en nénuphar. Elle l'appela trois fois.

-Grenouille verte! grenouille verte! grenouille verte!

-Oui, répondit le petit animal.

-Reconnais-tu cette clé?

-Bien sûr, fit la grenouille verte. C'était ma clé en or. Mais l'autre jour, une méchante poule est venue jusqu'ici. J'ai eu très peur parce que ces oiseaux-là ne sont pas gentils avec nous. Ils nous font souvent du mal. Je n'ai pas eu le temps de cacher ma clé. Elle m'a dit: Passe-moi cette clé en or ou je te donne des coups de bec. J'ai dû la lui céder.

-Oh! la méchante poule, s'écria la fillette. Pourvu qu'on la mange bientôt, avec des frites et de la compote de pommes! Mais toi, grenouille verte, où avais-tu découvert cette clé?

-Je me souviens. Je l'avais aperçue au fond de ton jardin au milieu des fleurs. Ton petit chat, Polipilou, l'avait laissée dans l'herbe haute après avoir joué avec. Je me suis approchée et il me l'a gentiment donnée. C'est mon ami.

-Polipilou ami d'une grenouille! s'étonna Magali. On aura tout vu. Je te remercie.

Et notre amie revint dans son jardin.


Elle appela son petit chat trois fois.

-Polipilou! Polipilou! Polipilou!

 Il s'approcha.

-Tu reconnais cette clé en or ?

-Bien sûr, répondit  Polipilou. Elle se trouvait dans ton grenier. Elle traînait à terre. J'ai joué avec elle comme on s'amuserait avec une souris, en la faisant passer d'une patte à l'autre, mais la clé a glissé. Elle est tombée dans l'escalier. Je n'ai pas réussi à l'attraper. Elle a dégringolé jusque tout en bas, dans le hall d'entrée. J'ai continué à la faire glisser sur les dalles de la cuisine, puis dehors. Je l'ai laissée dans l'herbe près de la haie. Une grenouille l'a trouvée jolie, je la lui ai donnée.

-Donc cette clé provient du grenier de ma maison, réfléchit tout haut Magali.

-Certainement, répondit Polipilou.

-Merci, dit la fillette en le caressant.


Notre amie gravit lentement l'escalier du grenier. Elle ouvrit une porte qui grinçait un peu. Elle tourna l'interrupteur qui ne fonctionne plus très bien. La lampe ne donnait qu'une faible clarté. Elle parcourut le grenier de long en large, observant les grandes armoires, le coffre, la table, les autres vieux meubles. Soudain, dans un coin, sur une chaise couverte de poussière et de toiles d'araignée, elle aperçut un petit coffret à serrure dorée.

Magali y introduisit la clé. Elle y allait parfaitement. Elle tourna et leva le couvercle. Elle découvrit une ravissante poupée ancienne, une poupée en porcelaine.

Tout heureuse, elle descendit en la tenant contre elle et la montra à sa mère.

-Ma poupée! s'écria la maman. Ma poupée du temps jadis! Ma chérie, voici la poupée avec laquelle je jouais quand j'étais une petite fille comme toi. Je l'avais rangée dans un coffre dont j'avais perdu la clé depuis longtemps.

-Je l'ai retrouvée maman. Cela n'a pas été facile, d'ailleurs.

-Ça n'a pas été facile ? 

-Oh non! La clé se trouvait dans le grenier et Polipilou en jouant avec l'a menée jusqu'au fond du jardin. Il l'a offerte à une grenouille. La grenouille se l'est fait voler par une méchante poule qui s'appelle Nicotte. La méchante poule l'a ramenée dans la cour de la ferme. Là, elle l'a perdue pendant que trois renards bataillaient avec le chien de garde.

Maman écoutait le récit de sa petite fille, émerveillée.

-Pendant la bataille, une tortue a ramassé la clé et l'a emportée. La tortue d'Adrien. Mais elle l'a perdue en traversant la rue quand une auto est passée au-dessus d'elle. Un corbeau en a profité pour la prendre. Puis il l'a échangée contre quatre vers de terre avec une pie. Cette pie a perdu ses œufs. Elle m'a offert la clé quand je l'ai aidée à les chercher. Et voilà comment j'ai retrouvé ta poupée.

Maman prit Magali dans ses bras et fit un long câlin à sa petite fille.

-Je te la confie, ma chérie. Soigne-la bien. Je l'aimais beaucoup et je l'aime encore. 

-Promis, maman, et merci.