Juliette

Juliette

N°21

L'oiseau de Noël

     Que de cris autour de la mare ! Une vingtaine de canards sauvages cancanaient à qui mieux-mieux. Ils venaient de loin et s'étaient posés là, au bord de l'eau, entre les roseaux, pour se reposer un peu avant de reprendre leur long voyage vers les pays du Sud pour y passer l'hiver bien au chaud.

- Il faut se remettre en route tout de suite, disaient les uns.

- Non, attendons demain matin, répondirent les autres.

- Bon, décida l'un des canards au bout d'une longue discussion et bien des cancans. On part demain à l'aube.


Juste à ce moment, un bel oiseau s'approcha. Il portait des magnifiques plumes vertes, jaunes et rouges.

- Je peux vous accompagner ? Je voudrais aussi m'envoler vers les pays chauds. La fête de Noël approche à grands pas. Il fait si froid par ici, l'hiver.

- Tu ne peux pas venir avec nous. Tes ailes sont trop petites. Tu ne pourras pas voler assez vite ni assez longtemps. Tu n'es pas un oiseau migrateur. Tu n'as pas l'habitude des grands voyages. 

- S'il vous plaît, laissez-moi essayer.

- Si tu veux. Tu peux tenter de nous suivre demain. Nous partons à l'aube.


Le bel oiseau passa la nuit au bord de l'étang. Il écouta, comme les canards, un beau concert de chants de grenouilles et de crapauds sous le ciel étoilé et le croissant de la lune.

Le lendemain, il s'envola avec les autres, plein de courage et d'espoir. Mais il comprit bientôt qu'il ne pourrait pas les suivre longtemps, malgré tous ses efforts. Les canards sauvages allaient trop vite.

Peu à peu, ils s'éloignèrent loin devant lui. Il les appela.

- Attendez-moi, attendez-moi...

Ils ne répondirent pas.

Bientôt, il ne les vit plus. Ils disparurent derrière la ligne de l'horizon.

 

Alors le bel oiseau, bien triste, fit demi-tour.

Il survola les jardins des maisons d'un village et s'arrêta dans l'herbe de l'un d'entre eux. Une petite fille jouait au milieu des fleurs.

Cette fillette, tu la connais, c'est Juliette, âgée de trois ans et demi.

- Oh, bonjour bel oiseau !

- Bonjour, petite fille. Comment t'appelles- tu ?

- Juliette. Que fais-tu dans mon jardin ?

- Je voulais accompagner les canards sauvages vers les pays chauds, mais mes ailes sont trop petites. Je ne pouvais pas les suivre. L'hiver arrive. Il va faire froid à Noël. Je peux habiter dans ta maison ?

- Bonne idée. Viens avec moi. Je vais demander à mes parents.

La fillette le prit dans ses mains et entra dans le salon.

- Regarde, maman, le bel oiseau.

- Il est très joli, ma chérie.

- Il peut venir chez nous ? Il a froid en hiver. Je le prendrai dans ma chambre.

La mère de notre amie croisa les bras et dit:

- Non, Juliette. Je ne veux pas. Il va faire des crasses partout. Dis-lui de s'installer au jardin.

- On peut aller lui acheter à manger ?

- D'accord. 

Notre amie partit avec sa mère au grand magasin. Elle choisit plusieurs sortes de graines. Dès son retour, elle se précipita au jardin pour lui en donner.

- Je t'en offrirai tous les jours. Promis. Mais maman ne veut pas que tu entres dans la maison.


Le lendemain matin, avant de partir à l'école, Juliette remarqua que son protégé se réfugiait sur la barrière au fond du jardin. Il semblait avoir très peur.

- Que se passe-t-il, bel oiseau?

- Le chat de la villa à côté m'a poursuivi toute la nuit. Il veut me manger. Il me fait peur. Je peux habiter dans ta maison ?

- Bonne idée. Viens avec moi. Je vais demander à mes parents.

Exactement comme le jour d'avant, la fillette prit l'oiseau dans ses mains et entra dans le salon.

- Regarde, maman, le bel oiseau.

- Il est très joli, ma chérie.

- Il peut venir chez nous ? Le chat de la voisine a couru derrière lui toute la nuit, pour l'attraper et le manger. Je le prendrai dans ma chambre.

La mère de notre amie croisa les bras et refusa, tout juste comme le jour d’avant. Elle dit :

- Non, Juliette. Je ne veux pas. Il va faire des crasses partout. Dis-lui de s'installer sur le toit de la cabane pour la nuit.

- Bel oiseau, monte sur le toit de la cabane. Le chat ne pourra pas t'attraper.


Le lendemain matin, avant de partir à l'école, Juliette s'approcha de son nouvel ami.

- Comment ça va, bel oiseau?

- Ça ne va pas. Le chat de la voisine est monté sur le toit de la cabane. Il voulait me manger. Je peux habiter dans ta maison?

- Bonne idée. Viens avec moi. Je vais demander à mes parents.

La fillette prit l'oiseau dans ses mains et entra dans le salon.

- Regarde, maman, le bel oiseau.

- Il est très joli, ma chérie.

- Il peut venir chez nous ? Le chat de la voisine l'a poursuivi jusque sur le toit de la cabane pour le manger. Je le prendrai dans ma chambre.

La mère de notre amie croisa les bras et dit:

- Non, Juliette. Je ne veux pas. Il va faire des crasses partout. Il possède des ailes, ton oiseau. Propose-lui de se réfugier sur le toit de notre maison. Le chat ne pourra sans doute pas grimper jusque-là.


Le jour suivant, après l'école, notre amie retrouva son ami encore plus effrayé. Il tremblait.

- Le chat est monté sur le toit pendant la nuit. Je ne l'avais pas entendu arriver. Je me suis saisi en le voyant. S'il n'avait pas miaulé, il m'aurait attrapé. Je peux habiter dans ta maison ?

- Bonne idée. Viens avec moi. Je vais demander à mes parents.

La fillette prit l'oiseau dans ses mains et entra dans le salon.

- Regarde, maman, le bel oiseau.

- Il est très joli, ma chérie.

- Il peut venir chez nous ? Le chat l'a poursuivi jusque sur le toit de la maison. Je le prendrai dans ma chambre.

La mère de notre amie croisa les bras et dit:

- Non, Juliette. Je ne veux pas. Il va faire des crasses partout. 

 

 La petite fille se tourna vers son père.

- Papa, regarde le bel oiseau. Le chat de la voisine court partout derrière lui pour le manger. Il peut venir chez nous?

- Maman t'a répondu non, ma chérie, mais viens avec moi, on va lui bâtir un refuge dans le jardin. Construisons-lui une maisonnette et plaçons-la en hauteur contre un tronc d'arbre. Le chat ne réussira pas à y monter.

Ainsi, Juliette et son père installèrent un nichoir dans un coin du jardin. Un joli petit chalet en bois, avec une mangeoire pour y mettre des graines et un abreuvoir pour y verser de l'eau.

Notre amie était émerveillée. Les oiseaux, amis du sien, venaient par dizaines se poser là-dessus. Ils mangeaient, ils buvaient, puis ils chantaient pour remercier la fillette.


Pourtant, un jour, Juliette ne vit plus son bel oiseau vert, jaune et rouge parmi les autres. Le lendemain non plus.

La fillette s'inquiéta. Les jours passaient et son oiseau préféré ne revenait pas. Il ne lui restait qu'une plume rouge qu'elle caressait le soir en pensant à son ami disparu.

Noël approchait. Une couche blanche de neige couvrit l'herbe du jardin et le toit du chalet-nichoir où des oiseaux de toutes sortes se bousculaient toujours nombreux. Mais le bel oiseau n'était plus là.


Il revint la veille de Noël. Il tenait un coquillage rouge, bombé, entre ses pattes. Il le posa sur les genoux de Juliette qui jouait avec son grand frère Arnaud dans la neige.

Notre amie ouvrit le coquillage. À l'intérieur se trouvait une ravissante petite crèche. L'âne et le bœuf n'étaient guère plus grands que des coccinelles. Marie et Joseph entouraient l'enfant Jésus posé sur un petit lit de paille.

Juliette regarda son ami et lui sourit.

- Attends-moi là, dit-elle.


Elle prit le coquillage rouge et entra dans la maison.

- Maman, papa, mon bel oiseau vient de revenir et regardez ce qu'il m'apporte.

Les parents découvrirent la jolie crèche que leur fillette tenait au creux de la main.

- Ravissant, dit papa.

- Ton protégé te fait un bien beau cadeau de Noël, ma chérie.

- On peut le prendre dans la maison?

Maman croisa les bras, puis les ouvrit tout grands et dit:

- Bien sûr. Nous allons l'accueillir avec plaisir. C'est un oiseau de Noël.


Juliette ouvrit la porte de la maison et appela son ami.

L'oiseau de Noël entra au salon. Il se posa au sommet du sapin décoré de boules et de guirlandes pour la fête. Et là, il se mit à chanter, à chanter, et à chanter encore.

Il chanta pour tous son chant joyeux d'espérance et de lumière.