John et Gun

John et Gun

N°6

La planète verte

     L'an 2254.

Le gouverneur de la base aérospatiale convoqua son ami et collègue, le savant John F. Goldberg à son bureau au 121è étage du bâtiment administratif.

Les deux savants John F. Goldberg et Gun S. Broken, que nous connaissons bien, sont, vous le savez, les inventeurs d'un appareil qui permet de voyager dans le temps.

Après l'avoir testé en allant timidement chercher le journal du lendemain (épisode 1), puis s'être éloignés de notre époque en se rendant au Moyen Âge (épisode 2), puis au temps du Christ (épisode 3), ils assistèrent, à leurs dépens, à l'assassinat du Consul Sylla à Rome en l'an 86 avant Jésus-Christ. John a bien failli y mourir. (épisode 4).

Enfin, ils reculèrent, défiant la prudence la plus élémentaire, en visitant la fameuse cité de Thaor-Liq, cinquante mille ans avant Jésus-Christ. (épisode 5).

Mais leur passion, c'est le futur. Les voici donc installés en l'an 2254. Grâce à leurs compétences très appréciées à la base aérospatiale, ils font partie du personnel scientifique et disposent de laboratoires, d'appareillages et de financements à la hauteur de leur génie.

 

John entra dans le bureau du gouverneur.

- Vous m'appelez, Monsieur.

- Asseyez-vous, John. Je vous fais venir car nous avons enfin reçu des nouvelles de votre collègue Gun.

Le grand physicien et ami de John est parti, voici plus d'un mois, à la tête d'une mission exploratrice. Des astronomes venaient en effet de repérer une étrange planète, située à quelques années-lumière de la Terre, une planète entourée d'une bonne couche d'atmosphère, probablement respirable, et encore inconnue.

Après un long parcours hors du système solaire, ils se posèrent sur l'étrange planète inconnue. Depuis, on restait sans nouvelle de l'expédition.

- On vient de m'avertir que des messages mystérieux ont été captés sur Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne, où se trouvent, vous le savez, des bases qui servent de relais à nos voyages dans l'espace. Hélas, le texte, chaque fois très court, pour ne pas dire lacunaire, semble incompréhensible. Par précaution, ces quelques lettres ne m'ont pas été transmises. Elles sont à votre disposition sur les planètes que j'ai citées.

Le gouverneur se tut un instant.

- Je vous propose de partir à la recherche de cette expédition. Je mets à votre disposition un vaisseau spatial et son équipage. Retrouvez votre collègue, monsieur, et ramenez-le avec son équipe, tous sains et saufs sur notre bonne vieille Terre.

John remercia avec chaleur et emprunta, songeur, l'ascenseur qui menait au rez-de-chaussée. Une navette l'attendait pour le conduire au tarmac de la piste quatre. Il rejoignit le groupe d'hommes et de femmes qui s'affairait autour d'un vaisseau spatial de dernière génération, conçu pour les voyages à grande distance.

Ils s'envolèrent en direction du soleil, vers Mercure, leur première étape.

 

Ils arrivèrent en vue de l'étrange planète après un vol de douze heures à peine.

Mercure se trouve en moyenne à cinquante-huit millions de kilomètres du soleil. Elle tourne lentement sur elle-même. Une rotation complète dure cinquante-neuf jours terrestres. Sur le côté exposé au soleil, la température avoisine les 400 degrés centigrades. Du côté nuit, elle descend à moins 180 degrés. Invivable!

Le vaisseau spatial se posa sur le toit de la base, un vaste bâtiment, monté sur des larges et puissantes chenilles qui permettent de se déplacer sans cesse, à la vitesse de la rotation de la planète, et de rester ainsi en permanence entre la partie brûlante et la partie glaciale de ce monde inhospitalier.

Le commandant de l'équipe locale accueillit John dans son bureau. Les visiteurs, trop rares à son goût, apportent toujours des fruits et des fleurs de la Terre, pour leur plus grand plaisir.

Il présenta à notre ami le document reçu trois jours auparavant. Le texte semblait incompréhensible.

 NOECETESZCHAV 

John le lut à l'endroit, à l'envers, mêla les lettres, rien n'apparaissait de logique ou de sensé dans ce texte.

- J'espère que c'est vraiment envoyé par mon ami et son équipe, que ceci ne résulte pas du hasard, ou d'élucubrations de quelque monstre ou extraterrestre qui se serait emparé d'eux et de leur moyen de communication.

- Rendez-vous sur les autres planètes où d'autres messages vous attendent, monsieur. Peut-être y découvrirez-vous la solution de l'énigme, suggéra le commandant de la base.

Le savant et son équipe s'envolèrent vers Vénus.

 

La planète se situe à la deuxième place de notre système solaire.

Vénus tourne en orbite à cent huit millions de kilomètres du soleil environ. Une journée y dure deux cent quarante-trois jours terrestres. Il y règne une température infernale de 400 degrés centigrades. Elle est couverte par une épaisse couche gazeuse tout à fait irrespirable.

Nos amis se posèrent sur la piste d'accueil de la base, au pied du mont Maxwell, qui s'élève à plus de onze mille mètres. On dépasse largement notre Everest, toit du monde, dans la chaîne de l'Himalaya.

Un autre message attendait John, tout aussi étrange que celui reçu sur Mercure.

 OMNLMRRVNHENE 

- Je m'inquiète, murmura notre ami. Ces lettres m'apparaissent tout à fait inexplicables, et vraiment déconcertantes.

- Vous m'en voyez désolé, affirma le commandant de la station. Pour nous aussi, ce texte paraît indéchiffrable. Je crains le pire pour Gun et son équipe. Je vous certifie cependant que ce mot obscur provient du vaisseau piloté par votre collègue.

 

La planète suivante fut Mars. La première après notre Terre. Elle orbite à deux cent vingt-huit millions de kilomètres du soleil. La durée d'un jour sur Mars ressemble fort à la nôtre: vingt-quatre heures et demie.

La base aérospatiale, installée au sommet du mont Olympe, accueillit John et son équipe à près de vingt-deux mille cinq cents mètres, la hauteur de cette prodigieuse montagne. La température y varie de -3 degrés centigrades, le jour, à -133 degrés la nuit.

L'équipe installée là-haut remit le message venu de l'espace à nos amis.

 UMCEOEOEOERER 

Incompréhensible... Le mystère demeurait entier.

John et son équipe remercièrent leurs hôtes et s'envolèrent vers Jupiter, la plus grosse planète de notre système solaire.

 

Ils l'aperçurent après avoir franchi la ceinture très dangereuse des astéroïdes.

La masse de Jupiter fait trois cent vingt fois celle de notre Terre. Elle se situe à sept cent septante-huit millions de kilomètres du soleil. Un vaste ouragan, grand comme l'Asie entière, composé de vents épouvantables, pires qu'une tornade, soufflent à six cents kilomètres-heure d'un pôle à l'autre. La température avoisine les -150 degrés.

Jupiter possède soixante-neuf lunes et satellites naturels, dont les fameuses Io et Europe. La surface d'Io s'encombre de plus de quatre cents volcans. Le centre aérospatial installé sur le satellite Europe, reçut notre ami et ses compagnons.

- Nous sommes heureux d'avoir de la visite, déclara le commandant de la base, mais j'aurais préféré que ce soit en d'autres circonstances. Voici le message reçu avant-hier. Il provient à coup sûr de la fusée pilotée par votre collègue Gun et son équipe.

 SEESNSCNURPTT 

Une fois encore tous se penchèrent sur le mystérieux document. Chacun s'interrogeait, cherchant à découvrir un sens à ces lettres.

Nos amis remercièrent pour le chaleureux accueil, puis s'éloignèrent vers Saturne où ils allaient recevoir le cinquième et dernier texte.

 

L'approche de la planète Saturne étonne et émerveille toujours les visiteurs. Elle possède soixante-deux lunes, mais surtout, elle est couronnée d'anneaux de glace qui sont de toute beauté. Cela fait penser à des centaines d'arcs-en-ciel recourbés sur eux-mêmes en forme de bagues gigantesques.

Saturne se situe à un milliard cinq cents millions de kilomètres du soleil. Une journée n'y dure que dix heures quarante-sept minutes. La température qui règne à la surface stagne à -189 degrés centigrades. Un enfer glacé.

Nos voyageurs y reçurent le dernier texte envoyé depuis la fusée de Gun. Le plus récent, mais hélas, aussi opaque que les autres.

 SSRDSFEESCLEE 

Les quelques membres de l'équipe vivant sur ces terres perdues aux confins de notre système solaire (il n'y a pas de base sur Uranus et Neptune) réfléchissaient, devant les lignes posées sur une table...

Toi qui découvres ce récit, as-tu une idée? Arrête-toi quelques minutes avant de lire la suite... 

 

John tout à coup s'écria: "Euréka, j'ai trouvé"!

- Regardez, dit le savant: en glissant les feuilles l'une en-dessous de l'autre, la solution apparaît.

 N O E  C E  T E  S Z  C H A V 

 O M N L M R R V N H E N E 

 U M C E O E  O  E O E R E R 

 S E  E  S N S C  N U R P T T

 S S R  D S F  E  E  S C L  E E 

- Il faut lire de haut en bas en sautant d'une ligne à l'autre, s'écria notre ami.

" Nous sommes encerclés de monstres féroces. Venez nous chercher. Planète verte. "

- Ils ont divisé le message en cinq parties, pour que ceux qui les menacent ne le comprennent pas ou ne puissent pas l'intercepter.

- Où se situe cette planète verte ? demanda John.

- À douze années-lumière, répondit la commandante de la base. Votre fusée peut parfaitement vous y mener en un temps assez bref, environ trois jours. Ces nouveaux véhicules spatiaux, équipés du système de contraction espace-temps, dont vous êtes d'ailleurs les inventeurs, votre collègue et vous, sont basés sur la théorie de la relativité d'Einstein. Ils vous y conduiront sans problème.

- Alors, décida John, allons-y sans tarder. Les membres de l'expédition dirigée par Gun courent sans doute un grand danger à cet endroit.

Ils remontèrent dans leur vaisseau spatial et disparurent dans les espaces sidéraux infinis.

- Je suis inquiète, murmura la commandante de la base de Saturne, après leur départ. Je me demande ce qui les attend sur cet astre inconnu...

 

Trois jours terrestres plus tard, nos amis et leur équipe abordèrent l'étrange planète verte. Elle s'accompagne d'un soleil lointain autour duquel elle tourne en environ six cents jours, ce qui suffit pour maintenir une température de 10 à 12 degrés sous la lumière. L'autre face est glaciale. Une journée, sur ce monde perdu, dure plus de six mois terrestres.

Ils s'approchèrent avec le vaisseau spatial et entreprirent d'observer avec soin le sol, allant et venant au-dessus de sa surface hérissée de roches.

Ils ne virent aucune plante, aucun animal, aucun être vivant. Ils survolaient une succession de déserts de sable et de terres rouges à l'infini.

- Cela ressemble un peu à notre planète Mars, dit John.

- Oui, reprit l'un des trois pilotes. Je me demande ce que votre collègue espérait découvrir ici. Je ne vois que silence, solitude et désolation.

- Je n'aperçois pas leur fusée, fit John, inquiet.

Lentement, le vaisseau spatial plana au-dessus de vastes cratères, arides, jonchés de rochers, et séparés les uns des autres par des crêtes acérées de quelques centaines de mètres de haut. Nulle part on ne voyait la moindre trace d'eau.

- Là, s'écria le copilote. Leur fusée se trouve juste là, au sol, un peu sur notre gauche, entourée de blocs de pierre brune.

- Je ne comprends pas, murmura le commandant de bord. Leur appareil ne peut pas atterrir à la verticale comme le nôtre. Il lui faut une piste plane de cinq cents mètres au moins pour se poser. Or je le vois encerclé de rochers.

- Pourtant, reprit John en scrutant le véhicule avec soin par le hublot, il ne semble pas endommagé. Peut-on se poser pas trop loin ?

- Oui, je m'approche d'un espace plat situé à trois cents mètres environ.

Le vaisseau spatial de nos amis atterrit, soulevant un nuage de poussière rouge.

Les analyses confirmèrent la bonne qualité de l'air tout à fait respirable sur cette planète. John et deux de ses équipiers passèrent une veste et quittèrent l'habitacle du vaisseau spatial. Un vent assez froid les accueillit.

Ils s'éloignèrent en passant entre les rochers rouges et bruns qui parsemaient le sol de leurs formes menaçantes.

 

Ils s'arrêtèrent devant la fusée. Elle semblait intacte. La porte était grande ouverte. John entra le premier et appela par trois fois son ami. Aucune réponse ne vint.

L'intérieur du vaisseau spatial leur parut en parfait état. Ils ne découvrirent aucune trace de lutte. On pouvait croire que l'équipage venait de quitter les lieux pour une balade exploratrice. Mais alors, pourquoi ce message d'appel au secours ? Et où se trouvaient-ils pour le moment ?

- Monsieur, dit un des membres de l'expédition, quelque chose d'inexplicable s'est produit ici. Les appareils sont en parfait état, mais aucun d'eux ne fonctionne. Cette fusée est vidée de son énergie. Toutes ses batteries sont à plat.

 

Un message parvint par le casque d'écoute de nos amis.

- Revenez d'urgence au vaisseau spatial, lançait le commandant de bord. Dépêchez-vous, nous courons tous un grand danger.

John et ses collègues quittèrent la fusée de Gun. Ils repassèrent dans la poussière du désert rouge, en se faufilant entre les rochers.

- Que se passe-t-il ? demanda le savant au pilote qui venait d'émettre l'appel.

- Rejoignez-nous vite, je vous expliquerai. Surtout ne vous attardez pas en chemin. Courez.

Tous remontèrent dans le vaisseau spatial.

 

- Regardez, dit le commandant. Nous nous sommes posés voici deux heures environ. J'avais choisi un espace dégagé de rochers. Or observez bien ceux qui nous entourent. Ces pierres énormes se déplacent! Elles s'approchent, lentement, de notre fusée. Regardez surtout là, à votre droite. Ces rocs laissent, en glissant, une trace derrière eux, une empreinte creusée dans le sable.

Incroyable! Sidérant! Mais il fallait se rendre à l'évidence, ces rochers glissaient lentement sur le sol, et peu à peu, encerclaient le vaisseau spatial de nos amis. Ils créaient derrière eux une empreinte, parfois profonde, comme le sillage d'un navire.

Un des militaires chargés de la protection de nos amis, pointa son révolver à laser vers le rocher le plus proche, situé à cinq pas. Il tira par une étroite ouverture de la porte. Le roc n'explosa pas, au contraire, il grandit et grossit. Comme si le rayon dirigé sur lui le nourrissait.

- Arrête, commanda John. Tu l'alimentes. Il se fortifie, il grossit. Il se nourrit de l'énergie de ton arme à laser. Il vaut mieux s'éloigner. Décollons.

Le vaisseau spatial s'éleva lentement et se mit en orbite à faible hauteur, mais hors de portée des mystérieuses pierres vivantes.

- Je crois comprendre, murmura notre ami à l'intention de ses équipiers. Gun a atterri ici, il y a quelques jours. Puis il a quitté le vaisseau avec son équipe pour aller explorer la planète. Et pendant ce temps, des rochers vivants ont entouré leur fusée, empêchant tout décollage, puisque cet engin a besoin d'une piste d'envol de cinq cents mètres. Ils ont juste eu le temps d'envoyer leurs messages avant que les êtres rocheux n'aspirent toute l'énergie de leur véhicule.

Puis après un instant de silence, il ajouta:

- Mais où se trouvent-ils à présent ?

 

Le vaisseau spatial survolait de nouveau à basse altitude le désert rouge du cratère. Il s'approcha peu à peu d'une crête rocheuse qui en dessinait la limite.

John réfléchissait en observant le paysage désolé. Il scrutait le sol avec attention, à la recherche de la moindre trace, d'un objet, d'un signe, que son ami aurait pu laisser ou dessiner derrière lui.

- Là, dit-il, droit devant. Je vois une anfractuosité, une sorte de crevasse dans la falaise titanesque qui cerne ce désert. Posez-nous au sol, pilote. Deux volontaires avec moi. Nous allons explorer cette fissure. Moi, à la place de mon ami, je me serais réfugié là.

John et deux équipiers, bien armés, mais n'était-ce pas plus nuisible qu'utile de s'encombrer de ces armes, quittèrent le vaisseau spatial.

- Remontez en orbite, commanda le savant. Inutile d'attirer les êtres rocheux du coin. On vous appellera si l'on trouve quelque chose. Vous reviendrez alors nous reprendre.

Ils entrèrent en file indienne dans la faille aux allures de canyon étroit. La crevasse se terminait assez vite en cul-de-sac, par une vaste caverne.

 

John appela.

- Gun, Gun, quelqu'un ?

- Par ici !

Trente secondes plus tard, les deux amis se serrèrent les mains. L'équipage de la fusée se trouvait là au complet et en bonne forme.

- Nous craignions que notre message ne vous parvienne pas, dit Gun. Ces maudits rochers vivants pompaient toute l'énergie de notre fusée et l'encerclaient quand nous sommes revenus de notre expédition. Nous nous demandions même s'ils pouvaient l'intercepter ou le brouiller. Mais vous êtes là! Merci à tous.

- Le vaisseau spatial nous attend en orbite, enchaîna John. Venez, on retourne sur notre bonne vieille Terre.

- Surtout n'employez pas vos armes, conseilla Gun. Voyez ces petits cailloux ronds sur lesquels vous marchez sans y faire trop attention. Ce sont leurs bébés, si j'ose dire. Nous sommes dans le nid de ces étranges créatures.

- Vous n'avez pas réussi à communiquer avec eux ?

- Non, une autre expédition, un jour, peut-être. À moins que...

 

Le vaisseau spatial atterrit près de l'entrée de la fissure de la falaise. Tous pénétrèrent dans le sas, abandonnant leurs chaussures dans la poussière du désert rouge. Personne ne voulait risquer d'emmener un de ces êtres de pierre sur Terre.

La fusée s'éleva, majestueuse, vers le ciel noir, et fila vers notre système solaire.

La poussière du désert rouge recouvrit les chaussures abandonnées sur son sol. La fusée de Gun et son équipe demeura là, entourée d'êtres étranges, qui l'observaient peut-être, mais ne savaient qu'en faire sans doute.

 

- Tantôt, parlant de contact avec ces êtres étranges, Gun, tu as dit: à moins que..., fit John, qui était assis, une tasse de café à la main, parmi les membres des deux équipages.

- Oui, répondit le savant. Je pense à quelque chose. Un phénomène étrange, insolite, que l'on peut observer à la frontière du Nevada et de la Californie, dans la fameuse Vallée de la Mort, aux USA. Des blocs calcaires, hauts d'un mètre environ et pesant jusqu'à 320 kilos, se déplacent seuls, dans le désert de boue séchée, laissant derrière eux de longues traces de leur passage. Le trait, souvent complexe, n'est pas rectiligne, ni une conséquence d'une chute depuis les collines voisines. Cette migration est très lente. On ne la voit pas, mais on peut la mesurer, par GPS, entre autres.

Un membre de l'équipage ouvrit un ordinateur -tu peux le faire aussi toi qui lis ce récit- et fit apparaître des photos de ces rochers et leur empreinte dans la boue sèche du désert. 

Ni les vents, ni les courants telluriques, ni des tremblements de terre n'expliquent ce phénomène.

Serait-ce des êtres venus de la planète Verte ?

 

*************

Revenus sur Terre, ils passèrent quelques jours de repos pour se remettre de leurs émotions. Puis le gouverneur de la base les convoqua dans son bureau. John et Gun s'y rendirent avec leur pilote principal et sa seconde.

- Écoutez, dit-il, je vous demande d'aller récupérer le vaisseau spatial resté sur l'étrange planète verte.

- Hélas, dit le pilote, ce vaisseau a besoin d'une piste d'envol de plus de cinq cents mètres pour décoller. Or ces étranges rochers l'encerclent...

- Vous pourriez tenter de les déplacer ou simplement, les dynamiter ?

- Oui, mais ce sont peut-être des êtres vivants, des sortes d'animaux d'un genre tout à fait inconnu. Essayons de les respecter.

- Alors, emmenez une pelle mécanique ou un bulldozer et poussez-les...

- J'ai une idée, fit John. Nous pourrions apporter des batteries bien chargées d'électricité et les placer à quelque distance des rochers vivants qui entourent la fusée. Comme ils sont friands d'énergie, ils s'approcheront de ce " repas "et s'éloigneront du vaisseau spatial. On dégagera ainsi la piste et on en profitera pour décoller.

- Votre proposition me semble très élégante, répondit le gouverneur. Je vous donne mon plein accord. Partez dès que possible. Restez prudents. Nous ne connaissons pas les réactions possibles de ces " êtres "mystérieux. Bonne chance.

 

Le voyage dura trois jours. Le vaisseau spatial qui les emmenait, John, Gun, les deux pilotes et cinq militaires chargés de protéger l'équipe, était un de ces nouveaux modèles, capables de se déplacer à une vitesse proche de celle de la lumière, soit près de 300.000 kilomètres à la seconde.

Ils survolèrent la planète verte après trois jours de voyage et retrouvèrent sans difficulté le vaisseau immobilisé. Tout semblait figé dans une étrange immobilité. Les rochers n'avaient pas bougé. 

- Passez dans la navette avec les collègues chargés de ramener le vaisseau sur Terre, fit le pilote principal. Je reste en orbite et je surveille la zone.

John, Gun, les cinq militaires et l'équipe prirent place dans la navette qui se détacha du vaisseau principal et descendit lentement vers le sol vert. Elle se posa par prudence à quelques centaines de mètres des rochers qui entouraient la fusée immobilisée au sol.

Nos deux amis et un des militaires posèrent les pieds à terre. Le soleil, vert lui aussi, brillait dans le ciel dont la couleur ressemblait à celle de la fin d'un coucher de soleil sur notre bonne vieille Terre.

Ils s'approchèrent des rochers. Certains atteignaient trois mètres de haut, mais la plupart ne mesuraient que un mètre ou deux. Tous avaient des formes étranges qui évoquaient des monstres figés, immobiles, pour l'instant...

- Sortons les batteries, commanda John, et disposons-les en ligne, là-bas, à notre droite, pour attirer ces êtres le plus loin possible et libérer une piste d'envol pour le vaisseau immobilisé.

 Les batteries étaient à peine placées à terre, qu'un mouvement se déclencha. Les rochers bougèrent et lentement, à la manière de tortues géantes, ils se déplacèrent et s'avancèrent vers ces bornes d'énergie.

 

Soudain, un étrange phénomène se produisit. Un nuage vert apparut à l'horizon. Le vent se leva, soulevant de la poussière. Une sorte de tempête sèche approchait.

- Revenez, vite, lança un des militaires restés dans la navette. Revenez, il faut décoller et retourner en orbite dans le vaisseau principal. Cet orage me semble vraiment très menaçant et vous met en danger.

- Trop tard, lança Gun dans son talkie-walkie. Nous ne pourrons pas vous rejoindre avant d'être pris dans cet ouragan. Je vois une grotte située à deux cents mètres. Nous allons nous y réfugier en attendant que cette furie se calme. Prenez la navette et rejoignez le vaisseau. Attendez nos ordres pour revenir nous chercher.

Nos deux amis et le militaire coururent vers cette grotte qu'ils avaient déjà repérée lors de leur voyage précédent.

La tempête faisait rage à présent. Les vents violents et chargés de poussière verte les entouraient et chacun tentait de se protéger le visage, surtout les yeux, en courant vers la caverne.

La poussière verte collait à leurs vêtements et s'accumulait sur eux.

- Secouez-vous, bougez les bras, remuez la tête, cette poussière crée une gangue qui tente de nous changer en rochers, cria John.

Ils atteignirent la grotte et s'y réfugièrent. Chacun se secoua une fois encore pour se débarrasser de cette étrange poussière.

Dehors, le vent et les nuages verts passaient à grande vitesse. Nos amis ne voyaient plus rien, comme plongés dans un épais brouillard. 

 

Hélas, cette poussière, portée par le vent violent, entrait dans la grotte où les trois hommes s'étaient réfugiés.

Une seule solution s'offrit à eux. S'enfoncer plus loin dans cette caverne inconnue.

Ils suivirent une sorte de long tunnel qui descendait doucement dans les profondeurs. 

Ils parvinrent au bord d'un lac souterrain assez vaste.

La brume chargée de poussière verte les suivait, envahissant à son tour le tunnel qu'ils venaient d'emprunter.

- Entrons dans l'eau, proposa Gun. Nous y serons à l'abri, quitte à plonger la tête sous la surface de temps en temps.

Il y glissa la main.

- Elle me paraît douce, peut-être un rien fraîche.

Ils s'y plongèrent sans hésiter.

Les grains de poussière verte s'y posaient mais fondaient aussitôt, comme des morceaux de sucre dans un tasse de thé. 

Après une demi-heure, nos amis sortirent de l'eau et marchèrent vers la sortie de la grotte. La tornade s'était calmée. Le ciel redevenait clair.

 

- Que fait-on ici ? murmura John en se tournant vers ses compagnons.

Puis, s'adressant à son ami Gun:

- Qui êtes-vous monsieur ? Je ne vous ai jamais rencontré que je sache. Et où sommes-nous ? 

- Je me demande, répondit Gun. Et nous ne sommes pas seuls. Qui êtes-vous monsieur, ajouta-t-il en s'adressant au militaire qui le regardait étonné.

- Je ne sais pas, répondit l'homme. Quel endroit étrange...

 

Tous trois erraient à présent, chacun de son côté, entre les rochers qui peut-être les observaient en silence. Aucun de nos amis ne se rappelait la mission confiée par le gouverneur sur Terre, ni le lieu où ils se trouvaient à présent, ni même leur nom.

L'eau dans laquelle ils venaient de se plonger pour échapper à la poussière verte était l'eau de l'oubli, une eau étrange qui stagnait au creux de ce lac, un lac volcanique de cette mystérieuse planète verte. 

Le pilote principal du vaisseau spatial situé en orbite les observait étonné. Les voyant ainsi errer sans but, chacun de son côté, il tenta de communiquer avec eux, mais sans succès. Ils ne répondirent pas dans les talkie-walkie.

En accord avec les militaires, il prit le risque de faire atterrir la navette pas trop loin d'eux, mais à distance des rochers.

Les militaires descendirent de l'appareil et les appelèrent. Ils s'approchèrent d'eux.

- Venez, chers collègues, entrez dans cette navette. Nous vous conduisons sur Terre. Monsieur, votre nom est John F. Goldberg. Vous dirigez cette mission. Bienvenue à bord.

Il salua les autres, en les appelant eux aussi par leurs noms.

L'équipe chargée de ramener le vaisseau sur Terre quitta l'appareil principal à son tour et se dirigea aussitôt vers l'autre vaisseau en portant des batteries chargées pour lancer les moteurs de l'appareil.

Un heure plus tard, les deux vaisseaux volaient vers la Terre où l'on attendait John, Gun, et leurs collègues pour les soigner et les aider à récupérer leur mémoire, heureusement seulement endormie.

Ils retrouvèrent d'ailleurs leurs esprits après quelques heures de vol, le temps que se dissipent les effets de l'eau étrange de l'oubli dans laquelle ils s'étaient plongés pour échapper à la tornade qui les avait surpris.

Ils arrivèrent sur Terre sains et saufs, prêts pour accomplir une autre mission...