Béatrice et François

Béatrice et François

N°39

La maison dans la lande (Partie 1)

     Quand Béatrice sonna à la porte de la maison de François, trois visages radieux l'accueillirent. Son copain d'abord. Il a sept ans et demi. Elle et lui sont en deuxième année primaire, dans la même classe de la même école. Et puis les petites sœurs du garçon. Olivia, cinq ans et demi et Amandine, trois ans et demi.

- Tu viens jouer avec nous? demandèrent les petites filles.

- Oui, répondit Béatrice... enfin, avec François, si vous voulez bien.

- Allons à la pleine de jeux, proposa le garçon.

- Quelle bonne idée !

- On veut vous accompagner, crièrent ensemble Olivia et Amandine.

- Non, les petites sœurs, répondit le grand frère. Pas aujourd'hui. Ne restez pas toujours dans les pieds des aînés.

Les deux fillettes se mirent à pleurer. Les parents intervinrent.

- Mon chéri, il faut parfois jouer avec ses petites sœurs.

- Maman, je suis avec mon amie.

- Béatrice est très gentille. Elle a un petit frère, un bébé, Nicolas. Elle comprendra très bien. Emmenez les petites. Pour vous aider, je vais vous conduire jusqu'à la plaine de jeux en voiture. Par contre, il faudra la quitter à cinq heures, continua la maman, car vous devrez revenir à pied, et je ne veux pas que vous traversiez le bois. Vous passerez par les villas.

- Mais, insista François, c'est beaucoup plus long.

- Je viens de te le dire, mon grand. Tu ne va pas avec elles dans la forêt. Comme elles marchent lentement, il faut compter trois quarts d'heure pour le chemin du retour. Et je veux que vous soyez à la maison avant six heures.

- D'accord, maman, soupira le garçon.

- Ne t'en fais pas, cela se passera très bien, se réjouit Béatrice. Je jouerai avec elles dans le grand bac à sable. Elles sont très gentilles.

- Insupportables, tu veux dire, ajouta leur grand frère.

 

La mère de notre ami conduisit les quatre enfants jusqu'à la plaine de jeux.

Ils passèrent tous un très bon moment sur les toboggans, les carrousels, le cube en métal dans lequel on grimpe, les parcours aventureux aux planches qui bougent et dans le bac à sable.

Béatrice se consacra ensuite à la construction d'un beau château-fort pour les petits. Elle fut bientôt entourée par une ribambelle de bambins, heureux de voir une grande fille s'occuper si bien d'eux, sous le regard ravi de leurs mamans et de leurs papas.

 

Tout à coup, elle se tourna vers son copain.

- François!

- Oui, répondit le garçon.

- Tu n'oublies pas l'heure du départ, je n'ai pas de montre.

- Ah oui !

Il se pencha sur la sienne.

- Mon Dieu! déjà cinq heures trente passées.

Les deux plus grands se regardèrent. Ils avaient complètement oublié le temps au milieu de leurs jeux.

- Si on retourne par les villas, on n'arrivera pas avant six heures à la maison. Il faut passer par le bois. C'est la seule manière de rattraper le temps perdu.

Les quatre enfants, les deux aînés donnant la main aux deux plus jeunes, quittèrent la plaine de jeux et s'éloignèrent sous les grands arbres.


Lorsque la route se divisa en deux, il fallait prendre à droite, mais François prit à gauche. Lorsqu'ils arrivèrent à un carrefour en lettre T, le garçon espéra rattraper son erreur en prenant à droite cette fois, mais ce chemin s'enfonçait dans la forêt.

Vers six heures et demie du soir, ils atteignirent la lisière des grands arbres. Une étendue de champs et de prairies apparut à leurs yeux.


- Zut, s'inquiéta François. Nous sommes du mauvais côté. Le village n'est pas par ici. Et si on retourne d'où on vient, ça ne nous avancera pas.

- J'avoue que je suis épuisée, dit Béatrice.

- Moi, fit Amandine, trois ans et demi, je suis trop fatiguée.

Elle s'assit par terre.

- Moi, je ne marche plus, gémit Olivia en s'asseyant à son tour.

- Olivia, supplia François, tu es la plus grande. Montre le bon exemple et reste debout. Nous sommes en difficulté. Tu dois nous aider.

 

Pendant qu'il s'occupait de ses petites sœurs, Béatrice observa les environs et aperçut une maison entourée d'arbres à quelques centaines de mètres, au-delà des grandes prairies et des champs cultivés.

- François, indiqua la fillette, regarde là-bas. On pourrait aller sonner chez ces gens, téléphoner à tes parents ou aux miens et demander qu'ils viennent nous chercher en voiture.

- Oui, tu as raison. Bonne idée. Allez, en route.

À tour de rôle, les deux amis portèrent sur leur dos la petite Amandine qui ne voulait plus marcher. Olivia accepta de continuer à avancer pour montrer son courage, mais à condition de donner la main.

Ils durent se glisser sous plusieurs clôtures, traverser deux zones boueuses, et enfin, ils atteignirent les abords de cette maison.


Vue de près, elle apparut un peu étrange et même sinistre. Sur l'une des façades se trouvaient les veines d'une ancienne vigne, mais qui était morte. Des branches poussaient même sur les volets qui protégeaient les fenêtres. On n'avait plus dû les ouvrir depuis très longtemps, des années peut-être.

La maison semblait vraiment abandonnée. Un volet de bois pendait de travers. L'herbe haute envahissait l'allée et la haie mal taillée ressemblait à des buissons touffus.

Les enfants traversèrent le jardin et s'arrêtèrent devant la porte. Ils frappèrent d'abord timidement, puis plus fort, mais personne ne répondit. Lorsque François frappa pour la troisième fois, la porte s'ouvrit d'elle-même.


Se donnant la main et le cœur battant, ils entrèrent dans la maison sombre et silencieuse.

L'intérieur contrastait. C'était meublé. D'une façon fort simple et vieillotte, mais c'était rassurant. Sur la table de la salle à manger se trouvait une  assiette avec deux biscuits de couleur foncée. Ils ressemblaient à des spéculoos.

- On peut manger les biscuits? demanda Amandine. J'ai très faim.

- Moi aussi je voudrais un biscuit, enchaîna Olivia. Je suis en train de mourir de faim.

- Tu n'es pas en train de mourir de faim, répondit François.

Après avoir interrogé son amie du regard, il permit à ses petites sœurs de prendre chacune un biscuit et de le manger. Après tout, ce ne serait pas une bien lourde perte pour les occupants de ce lieu.

Le garçon fit ensuite remarquer que les deux aînés, sa copine et lui, avaient également faim et qu'ils se privaient pour elles.

Olivia fit un sourire et Amandine vint leur donner un bisou.

 

Pendant que les petites mangeaient leur biscuit, Béatrice et son copain cherchèrent après un téléphone, mais ils n'en trouvèrent pas. Pas de portable dans les tiroirs non plus. Ils envisagèrent de quitter cet endroit qui ne leur était d'aucun secours et de retourner vers leur maison.

Au moment de sortir, ils appelèrent les deux petites filles. Ils ne les voyaient pas.

- Olivia, Amandine.

Pas de réponse.

Tout à coup, ils entendirent une petite voix timide.

- On est ici...

- Où cela? demanda leur frère en regardant partout autour de lui.

- Au-dessus de l'armoire.

Béatrice et son copain levèrent les yeux. Ils aperçurent deux écureuils au-dessus d'un meuble.

- Qu'est-ce que cela veut dire? s'écria le garçon, soudain très inquiet.

- Je crois que ce sont les biscuits, expliqua Olivia. Ils n'étaient pas très bons. Ils avaient un drôle de goût. Et quand on les a mangés, on est devenues des écureuils.

- Oh! non, s'exclama le grand frère épouvanté. Je ne peux pas ramener deux écureuils à la maison au lieu de mes petites sœurs.

- François, murmura Béatrice en baissant la voix d'un ton, je crois que c'est pire que cela. Nous sommes dans la maison d'une sorcière !

 

À ce moment-là, nos deux amis entendirent des voix à l'extérieur. Une femme et une fillette se parlaient en marchant vers la maison abandonnée.

- Maman, que mange-t-on pour le souper?

- De la salade, Odile.

- Toujours de la salade le samedi soir! J'en ai marre ! Je voudrais autre chose.

- Odile, tu auras de la salade. On est samedi, tu l'as dit. Ce soir il faut rester légères pour aller cette nuit au bal des sorcières.

 

La porte de la maison s'ouvrit. François se cacha près de sa copine, derrière une armoire. Ce n'était pas une bonne cachette, ils le savaient bien, mais ils n'avaient rien trouvé d'autre.

- Oh, maman, s'écria Odile en entrant. Regarde au-dessus de l'armoire. Deux écureuils! Tu vas les préparer avec une sauce aux noisettes. C'est tendre des écureuils. Ce sera mieux que de la salade.

- Attrape-les et enferme-les, mais ce soir il n'est pas question que je te prépare ces deux écureuils. Tu les mangeras demain.

- Maman, s'il te plaît !

Tout en ronchonnant, la fillette, avec une agilité remarquable, saisit les deux écureuils, Olivia et Amandine. Elle les mit dans une cage qu'elle referma avec soin.

La sorcière fit quelques pas dans sa maison. Elle découvrit aussitôt François et Béatrice.

- Et vous deux, que fabriquez-vous là?


Elle les empoigna avec force et leur fit descendre un escalier vers la cave. Elle alluma la lumière.

C'était une grande cave qui occupait tout le bas de la maison. Une seule pièce, mais divisée en deux parties égales.

Dans l'une des meubles, des caisses, et toutes sortes d'objets se trouvaient empilés. De l'autre côté, c'était vide. Les deux parties de la cave étaient séparées par des hauts barreaux bien serrés, une sorte de herse. Une véritable prison!

La sorcière saisit une grosse clé qui pendait à un clou au mur et se dirigea vers une ouverture habilement découpée au milieu de la grille. Elle ouvrit et poussa les deux enfants dans la cage. Elle referma aussitôt avec soin et accrocha la clé sur le mur en face, au clou prévu pour la recevoir.

- Voilà, restez là. Je n'ai pas le temps de m'occuper de vous ce soir. Je reviendrai demain.

- S'il vous plaît, madame, on n'a rien fait, s'écria François.

- S'il vous plaît, supplia à son tour Béatrice, libérez-nous. Laissez-nous retourner chez nous...

- Il ne fallait pas entrer dans ma maison, hurla la sorcière.

La vieille femme remonta l'escalier.

 

- Odile !

Nos amis entendirent la sorcière parler à sa fille.

- Va t'habiller. Nous allons au bal.

- Maman, je ne veux pas aller au bal des sorcières. Ce sont toutes des vieilles « ronrons ». Ça m'embête. Je n'ai pas envie de parler avec elles. Il n'y a aucun enfant de mon âge, ni des filles et encore moins des garçons.

- Cesse de discuter. Achève ta salade et on y va.

- Maman, je préférerais manger un des écureuils.

- Je t'ai dit Odile que tu n'auras pas d'écureuil aujourd'hui. Je te les préparerai demain, avec une sauce aux noisettes. Si tu refuses de m'accompagner, reste là. Mais je ne reviendrai pas avant l'aube. Tâche par contre de t'occuper des prisonniers... Tu vois ce que je veux dire?

- Oui, maman. Je vais leur donner un de tes biscuits à chacun et ils deviendront des rats. Tu pourras les cuire demain avec une sauce piquante en même temps que les écureuils.

- Très bien, Odile, je vois que tu m'as comprise.

La sorcière monta dans sa chambre, ouvrit une armoire, choisit une robe noire bien déchirée et effrangée, prit son balai magique et s'envola par une fenêtre ouverte.

 

Béatrice et François, enfermés à la cave sentaient des larmes couler le long de leurs joues. Ils entendirent Odile chantonner dans la pièce au-dessus d'eux.

- Qu'allons-nous devenir? s'inquiéta le garçon. Mes parents doivent être bouleversés.

- Les miens aussi, renchérit Béatrice. Et puis, il y a tes petites sœurs.

- Je préfère ne pas y penser, soupira François. Il faut qu'on sorte d'ici. Il faut qu'on réussisse à se sauver.

- Mais comment faire? hésita la fillette.

- Chut, tais-toi, interrompit François. Odile arrive.

La fille de la sorcière descendait l'escalier. Elle s'approcha de nos amis.

- Tenez. Vous devez avoir faim. Je ne crois pas que vous ayez reçu à manger ce soir. Je vous apporte un biscuit pour chacun.

Elle les leur jeta comme on donnerait des cacahouètes à des singes.

- Bon appétit, fit Odile en riant.

Elle remonta l'escalier.

 

- Si on mange ce biscuit, Béatrice, on va devenir des rats.

- Je pense aussi.

- J'ai peut-être une idée, chuchota François. Écoute-moi bien. Je mange le biscuit et je deviens un rat.

- Oui, convint la fillette.

- Bon. Quand je serai un rat, je pourrai sortir de la prison en passant entre les barreaux.

- Tu as raison! s'écria Béatrice.

- Chut. Ne crie pas si fort, continua François. Je passerai à travers les barreaux et je me dirigerai vers le fond de la pièce. Regarde, entre les deux caisses, là, parmi plusieurs bâtons et brosses, j'ai repéré une canne à pêche.

- Je la vois.

- En enfonçant mes dents dans la poignée, je réussirai à la faire tomber et à la traîner jusque près de toi. Une fois que toi, Béatrice, tu auras la canne à pêche en main, tu n'auras plus qu'à tenter d'attraper la clé avec le hameçon. Tu nous libéreras et tu te débrouilleras avec Odile pour nous retransformer en enfants mes sœurs et moi.

- Tu mangerais ce biscuit et tu deviendrais un rat, s'inquiéta Béatrice.

- Je le ferai parce que j'ai confiance en toi. Et pour sauver mes petites sœurs, ajouta le garçon.

- Je vois ça autrement, dit motre amie. Je vais manger le biscuit.

- Pourquoi? s'étonna François.

- Je vais manger le biscuit et je deviendrai une souris. Je passerai entre les barreaux.

- À condition que tu ne deviennes pas un gros rat, se moqua le garçon.

- Et pourquoi deviendrais-je un trop gros rat? répondit son amie. Tes petites sœurs sont transformées en jolis écureuils. Moi, je deviendrai une petite souris.

François se tut.

- Donc, devenue une petite souris, je passerai entre les barreaux de la prison. J'attraperai la canne à pêche et je l'approcherai de toi. Tu ouvriras la grille avec la clé et tu sortiras. J'aime autant que ce soit toi qui t'occupes d'Odile. Elle est plus grande que nous. C'est toi le garçon. Tu as plus l'habitude de te battre que moi. 

François ne répondit rien. Au fond de lui il était d'accord.


- J'ai encore mieux, expliqua notre ami. Je vais chatouiller sa curiosité. Je vais m'y prendre avec elle comme avec mes petites sœurs.

François raconta tout bas à sa copine que parfois Olivia et Amandine s'enferment dans leur chambre et empêchent leur grand frère d'y entrer. En tant qu'aîné il ne supporte pas cela. Alors il éveille leur curiosité en créant un bruit dans le couloir derrière leur porte. Il ne faut pas trois minutes pour que les petites curieuses ouvrent et viennent voir ce qui se passe.

Puis il ajouta :

- Je vais faire venir Odile dans la cave.

- Et ensuite?

- Lorsqu'elle arrivera au bas de l'escalier, poursuivit son ami, j'attendrai qu'elle se place devant la grille que j'aurai pris soin de refermer, mais pas à clé. Toi, Béatrice, en petite souris, tu attireras son attention en couinant au milieu de la cage. Alors je bondirai hors de ma cachette et je la pousserai de toutes mes forces derrière les barreaux que je refermerai aussitôt avec la clé. Tu n'auras plus qu'à te glisser auprès de moi.

- Et surtout, ajouta Béatrice très perspicace, n'oublions pas de détruire le second biscuit-rat, sinon, elle pourrait s'échapper.

Le plan semblait bon, ils passèrent à son exécution. Ils commencèrent par mettre l'autre biscuit en miettes et à les disperser un peu partout.

 

Notre amie ramassa l'autre biscuit-rat jeté à terre dans la prison lors d'un geste de colère tantôt. Elle le mangea. En un instant elle se transforma en une petite souris blanche. Elle passa sans difficulté à travers les barreaux. Après quelques efforts, elle réussit à traîner la canne à pêche jusqu'à portée de main de son copain.

François s'en empara et parvint, après plusieurs essais infructueux, à accrocher la clé à l'hameçon. Deux secondes plus tard, il ouvrit la porte de leur cage. Le garçon se dirigea vers l'escalier en bois menant au rez-de-chaussée où Odile chantait en se balançant sur un rocking-chair.

- Béatrice, chuchota son copain, mets-toi bien en vue derrière les barreaux pour attirer son attention quand elle descendra.

Il voulait à présent tenter d'amener la fille de la sorcière dans la cave et réussir à l'enfermer. Il serait alors en position de force pour l'interroger et obtenir d'elle le moyen de conjurer la métamorphose de ses petites sœurs et de son amie.


Le garçon empoigna un seau en fer vide et un long tournevis, puis frappant l'un avec l'autre, il émit une série de petits sons.

- Ça marche, Béatrice. Tu entends, elle ne chantonne plus. Elle écoute.

François fit trois bruits supplémentaires puis se cacha rapidement derrière des caisses dans un coin sombre, prêt à bondir sur Odile au moment qu'il jugerait le plus opportun.

L'escalier grinça. La fillette tombant dans le piège de la curiosité, descendait doucement. Elle parvint sur les briques rouge et humides du sol et observa la cage.

- Maman sera contente. Elle aura un rat demain pour son dîner... Mais, où est l'autre?

Elle fit un pas en avant et posa ses mains sur la grille. François bondit comme un tigre hors de sa cachette et la poussa de toutes ses forces dans le dos. La fillette bascula dans la cage, ouvrant la grille dans sa culbute.

Elle se tenait encore d'une main à un des barreaux. Notre ami lui donna un coup de pied au poignet. Odile cria de douleur et roula sur le sol. Le garçon claqua la grille derrière elle, ferma à clé, qu'il refixa au clou. Il saisit ensuite la canne à pêche et la glissa à un endroit inaccessible, derrière une rangée de caisses.

Prenant la petite souris Béatrice en main, il éteignit la lumière et s'apprêta à gravir l'escalier pour aller au rez-de-chaussée.

 

- Non, hurla Odile. S'il te plaît, ne me laisse pas dans l'obscurité. J'ai peur du noir.

- C'est incroyable, déclara François, en se retournant. Ta mère est une sorcière et tu as peur dans le noir. Tu es vraiment la fille la plus minable que je connaisse!

Notre ami ralluma la lumière. Une idée géniale venait de lui traverser l'esprit.

- Ta mère est partie toute la nuit. Si tu ne m'expliques pas immédiatement ce que je dois faire pour transformer mes petites sœurs et ma copine en filles, je te laisse la nuit entière seule dans le noir.

- Je n'ai pas le droit de le dire.

- Tant pis, rétorqua François, j'éteins.

- Non, hurla la fillette. Va dans la chambre de ma mère. Tu trouveras un coffre sous son lit. Ouvre-le. Les biscuits magiques y sont rangés. Les biscuits-garçon avec un G, les biscuits-filles avec un F, les biscuits-rat avec un R et les biscuits-écureuil avec un E. Tu n'as qu'à leur donner un biscuit-fille à chacune.

 

Laissant la lampe allumée, François quitta la cave et entra au salon. Dehors, la nuit était tout à fait tombée.

Il commença par délivrer ses petites sœurs, les deux écureuils, dont les yeux étaient remplis de larmes. Il les caressa tendrement un moment.

Puis, tenant toujours la petite souris Béatrice entre ses mains et faisant sauter les écureuils devant lui dans l'escalier, il se rendit à la chambre de la sorcière. Il tira un grand coffre noir situé sous le lit. Impossible de l'ouvrir. Il y avait une serrure, mais il ne disposait pas de la clé.

Furieux, laissant les petits animaux en haut, il redescendit à la cave.

 

- Tu es une menteuse, Odile. J'éteins la lumière.

- Que se passe-t-il? supplia la fillette.

- Tu m'as menti.

- Non, je te jure.

- Où se trouve la clé du coffre à biscuits?

- C'est un secret, je ne peux le révéler à personne.

- Tant pis pour toi.

François éteignit.

- Attends ! Maman la range dans une petite boîte rouge, dans sa grande armoire.

Odile sanglotait.

Le garçon remonta en laissant la lumière allumée. Il ouvrit la garde-robe. Il vit des vilaines jupes et des robes noires déchirées et effrangées. Des vêtements normaux pour une sorcière.

Il trouva la boîte rouge, saisit la clé et réussit à lever le couvercle du coffre. Il prit trois biscuits et en tendit un à la souris et deux autres  aux écureuils... qui se transformèrent en trois garçons !

Dans sa précipitation, notre ami s'était trompé. Il leur proposa aussitôt trois biscuits-fille, mais Olivia refusa.

- Je préfère rester un garçon, déclara la fillette en souriant.

- Pas question, dit François. J'ai quitté la maison tantôt avec deux petites sœurs, je ramène deux filles aux parents.

- Tu dis cela parce que tu veux être le seul garçon de la famille, cria Olivia. Ce n'est pas juste.

- Ça suffit, se fâcha notre ami. Avale ton biscuit et tais-toi. On a perdu assez de temps.

Pendant qu'il descendait avec ses petites sœurs, Béatrice referma le coffre, le rangea et remit la clé en place.

 

Ils sortirent de la maison. François laissa la lumière allumée à la cave. Odile, si malheureuse, lui faisait pitié.

Les enfants observèrent des lumières au loin le long du bois. C'étaient celles des dernières villas du village. Ils s'y rendirent bien vite. Des gens répondirent à leurs appels et les reconnurent. On venait de donner leur signalement à la télévision.

Vingt minutes plus tard, les parents affolés, purent les serrer dans leurs bras.


Retrouve tes amis... et Odile! dans Béatrice et François 40 "Fille ou garçon".