Juliette

Juliette

N°23

L'âne de Juliette

     Juliette venait de recevoir un bien joli cadeau de sa bonne-maman pour ses trois ans et demi: une belle promenade à dos d'âne.

Elle était très impatiente, mais il fallut pourtant attendre le samedi suivant pour aller à la foire avec papa et maman.

Enfin le grand moment arriva.

Elle s'approcha de deux adorables petits ânes. Ils semblaient doux et paisibles. Une jeune fille proposait une balade autour du parc. Les parents de notre amie s'adressèrent à elle et le marché fut conclu.

La demoiselle installa Juliette sur le dos d'un des deux.

- Ne bouge pas, dit-elle, on part dans un instant.

Puis elle se tourna vers une autre famille. Un petit garçon allait accompagner notre amie pour la promenade. Ses parents le hissèrent sur l'autre âne.

 

Pendant que la jeune fille s'occupait de sangler le petit garçon, une voiture passa tout près. Un bolide de course tout rouge.

Il arrivait à grande vitesse. Le moteur rugissait comme un lion en cage. Cela effraya l'âne sur lequel Juliette se trouvait.

L'animal, terrorisé, partit au galop, emmenant notre amie, tout autant terrifiée, sur son dos.

 

L'âne courait. Juliette pleurait. Personne ne l'accompagnait. Elle craignait surtout de tomber.

Il courait, il courait toujours.

- Arrête-toi, suppliait la fillette. Fais demi-tour. Retourne chez mon papa et ma maman.

Mais l'animal n'écoutait pas. Il continuait sa course folle.

Ils sortirent de la ville. Les dernières maisons disparurent loin derrière eux. Plus personne dans les rues, plus personne en vue. Notre amie était toute seule. Elle n'osait pas bouger ni desccendre.

 

Les heures passaient.

Ils longeaient maintenant un chemin de campagne. À gauche, des vaches broutaient l'herbe en paix dans un grand pré. À droite, se trouvait un vaste champ de blé. Assez loin, devant, Juliette aperçut la lisière de la forêt.

L'âne continuait sa course et s'en approchait de plus en plus.

La petite fille caressa le cou de l'animal et le supplia, une fois encore, de s'arrêter. Mais il ne voulut rien entendre.

Ils entrèrent dans le grand bois.

 

- Où me mènes-tu? J'ai peur. Je suis fatiguée.

L'âne ralentit enfin sa course. Il se mit au pas.

Juliette regardait, inquiète, autour d'elle. Elle ne voyait que des grands arbres partout. Et il faisait de plus en plus sombre.

Ils s'approchèrent d'un ruisseau. L'âne s'arrêta et se pencha pour boire.

Juliette hésita à descendre. Elle ne savait pas où elle se trouvait. Elle ne connaissait pas ce chemin. Elle ne voulait pas se retrouver toute seule au milieu des bois.

Ils se remirent en route.

 

Le soir couvrit peu à peu la forêt de son ombre incertaine et inquiétante. Le soleil venait de se coucher.

Notre amie entendit un bruit, un hululement.

- Un hibou! dit tout haut la fillette.

Puis ce fut un cri de renard.

Elle sursautait à chaque bruissement de feuille, à chaque cri de bête, à chaque branche morte qui craquait brisée par les sabots de sa monture.

Maintenant, c'était la nuit. Notre amie sentit de nouveau des larmes couler sur ses joues.

 

Enfin, ils sortirent du bois.

Juliette aperçut des lumières au loin. L'âne se dirigeait vers elles.

La fillette approchait d'une grande tente bleue et rouge. Un cirque! Oui, un cirque était installé dans ce village et l'âne marchait tout droit vers lui. Il s'arrêta à l'entrée, près d'une roulotte verte.

Trois personnes accoururent. Un gentil clown, une belle dame acrobate voltigeuse, et un dresseur de tigres.

- Que se passe-t-il, petite fille? Pourquoi pleures-tu?

- Ma bonne-maman m'a offert une promenade à dos d'âne, mais le mien a eu peur d'une voiture de course qui passait tout près à grande vitesse, en faisant rugir son moteur. Mon âne s'est sauvé au galop. Il m'a fait traverser une forêt et maintenant, je ne sais plus où se trouvent mes parents.

Le dresseur de tigres saisit notre amie par la taille et la posa à terre.

- Comment t'appelles-tu? dit-il.

- Juliette.

- Et où habites-tu? demanda la belle dame acrobate.

- Je ne sais pas. De l'autre côté du grand bois.

- Nous allons retrouver tes parents, promit le gentil clown. On va avertir la police que tu es avec nous ce soir. Tu as faim?

- Oui, répondit notre amie. Et soif.

- Viens, dit la dame acrobate en donnant la main à Juliette. Regarde, voici ma roulotte. Entre. Je vais te donner à manger. On a juste le temps avant le début du spectacle.

 

Un garçon, à peine plus grand que la fillette s'approcha.

- Bonjour, dit-il, je m'appelle Marko. Et toi?

- Juliette.

- Tu as perdu tes parents?

- Oui, à cause d'un âne.

- Viens avec moi, la représentation va commencer. On va se mettre dans un coin de la grande tente et regarder le show. Puis ton papa et ta maman arriveront pour te reprendre et te reconduire chez toi.

 

Notre amie accompagna Marko et escalada les gradins. Elle vit beaucoup de monde autout d'elle. Le garçon se glissa parmi les gens en tenant notre amie par la main. Ils se retrouvèrent tout en haut.

- D'ici on verra très bien, dit-il en s'asseyant au bord d'un escalier en bois.

Le spectacle commença.

L'acrobate fit un numéro de voltige qui impressionna Juliette. Plusieurs fois, la fillette crut que la jolie dame allait tomber.

Puis vint le tour du clown qui fit bien rire tout le monde.

On installa ensuite des grilles et le dompteur arriva en compagnie d'un tigre majestueux. Il le fit sauter, danser, passer à travers un anneau en feu. Ce fut salué par des tonnerres de bravos.

D'autres artistes présentèrent leurs tours. Juliette ne pensait plus à son âne ni à ses parents. Elle admirait le spectacle et applaudissait à deux mains.

 

Puis tous les gens retournèrent chez eux. Papa et maman n'étaient pas encore arrivés.

Marko prit la main de notre amie et l'emmena vers la roulotte qu'il occupe avec ses parents.

- Viens, dit-il. Il y a deux lits dans ma chambre. Tu pourras dormir près de moi.

Les parents du garçon eurent beau cajoler Juliette, ce soir-là, elle demeura inconsolable. Elle finit par s'endormir en pleurant.

 

Quand elle ouvrit les yeux lendemain, le gentil clown l'attendait devant la porte de la roulotte. Avec une bonne nouvelle! Les parents de notre amie allaient arriver dans une demi-heure.

Juliette bondit de joie en voyant la voiture de son papa. Elle sauta dans les bras de sa maman et la serra très fort.

Puis, rassurée par leur présence, elle courut remercier la jolie dame acrobate, le dompteur de tigres et le gentil clown qui l'avaient si bien accueillie.

Elle embrassa Marko puis s'installa dans la voiture.

Elle leur fit signe longtemps d'un geste de la main en se retournant.

Mais quelle aventure!