Epouvante - Horreur

Epouvante - Horreur

N°12

Iris ou Anaïs

     Si les histoires d'horreur te font peur, si la nuit, tu fais vite des cauchemars, si tu es seul dans ta chambre à lire ces lignes et que l'orage dehors menace, alors ne va pas plus loin et sélectionne une autre histoire.

Si le craquement d'une armoire dans le silence pesant te fait sursauter puis rire, si les morts-vivants t'amusent, si tu aimes avoir un peu peur, continue...

     Christine était invitée par son ami Mathieu. Ils ont tous deux dix ans et ne se voient qu'aux vacances. Elle vit dans la grande forêt et lui habite en ville.

Le garçon passait quelques jours chez sa tante Rosa, la maman d'un petit Quentin âgé de cinq ans que notre amie rencontre parfois. Cette dame habite un village, près de grands bois. Nos amis y vont souvent en balade avec le petit bonhomme.

Un matin, ils décidèrent, avec l'accord de tante Rosa, de partir pour toute la journée. Il faisait très beau et même très chaud, presque trop chaud. Mathieu proposa de se rendre à un grand étang où ils pourraient se baigner.

Ils partirent donc dans la forêt, emportant leur pique-nique de midi. Quentin ne les accompagnait pas ce jour-là.


Après avoir marché près de deux heures, ils aperçurent le petit lac. Le temps d'ôter leurs baskets, ils y plongèrent tous les deux. Ils jouèrent longtemps dans l'eau froide. Puis ils se partagèrent leurs provisions en séchant au soleil.

Au retour, ils firent un détour car le garçon voulait montrer un joli point de vue à son amie.

Tout à coup, après l'arrêt au panorama, le chemin se divisa en deux et Mathieu hésita. Fallait-il prendre à gauche ou fallait-il prendre à droite? Il choisit la droite.

-Tu es sûr? interrogea Christine.

Son copain ne savait pas vraiment, mais devant son amie, son honneur lui semblait en jeu. Il ne voulait pas donner l'impression de ne pas être capable de retrouver la maison de sa tante Rosa. Pourtant, il est bien naturel, pour un garçon comme pour une fille, d’hésiter parfois sur la route à prendre.

-C'est par là, dit-il.

Plus loin, la route se terminait en lettre « T ». Il fallait de nouveau prendre à gauche ou à droite. Il opta pour la gauche cette fois.

-Je pense que c'est un raccourci, fit-il.

Le sens de l'orientation de notre amie lui murmurait tout bas que ce n'était pas la bonne direction, mais elle n'insista pas.

À force de se tromper, ils finirent par se perdre tout à fait dans la forêt...


L'après-midi touchait à sa fin. Le soir tombait à présent. Le ciel se couvrit. Un orage menaçait.

Tout à coup, un éclair aveuglant déchira le ciel, suivi d'un coup de tonnerre assourdissant qui les saisit très fort. Quelques grosses gouttes de pluie s'écrasèrent sur le sol, suivies très vite par des torrents d'eau qui les trempèrent en un instant et changèrent le chemin en ruisseau.

Ils marchaient l'un près de l'autre, vraiment pas rassurés, perdus sous les sapins. Ils pataugeaient avec leurs tennis dans la boue. Ils dégoulinaient de pluie. Leurs vêtements collaient, mouillés, à la peau. Christine sentait l'eau couler le long de ses tresses brunes. Ils frissonnaient.

Mathieu était désolé. Il reconnaissait ses erreurs, mais maintenant, revenir en arrière serait trop long. Il fallait continuer et aller de l'avant.

Ils avançaient donc le long de ce chemin dont les ornières se remplissaient de plus en plus. Ils approchèrent d'un mur de briques assez vieux, en mauvais état, lézardé, envahi de lierre et de branches. Ils le longèrent. De l'autre côté, on apercevait des grands arbres.

Après avoir encore marché trois ou quatre cents mètres, ils arrivèrent près d'une vieille grille rouillée, entrouverte. Les sculptures qui en décoraient les barreaux ébauchaient des formes étranges, sinistres, à la lueur des éclairs.

Ils allaient la dépasser quand ils remarquèrent une allée qui menait vers une grosse bâtisse, une sorte de manoir, où nos deux amis distinguèrent une petite lumière.

-Quelqu'un habite là, dit Mathieu. Allons nous renseigner, on nous dira la route.

-Peut-être, répondit Christine, mais tu sais, quand on est perdu dans les bois et qu'on voit une petite lumière, on tombe souvent sur une sorcière, un loup-garou, des bandits, un ogre... enfin, voilà ce que l'on raconte dans les histoires...

-Tu préfères qu'on continue? demanda Mathieu.

-Non, allons voir, répondit notre amie, plus curieuse qu'inquiète.

Ils entrèrent à l'intérieur de la propriété par la grille entrouverte.


Ils passèrent d'abord sous des grands arbres morts qui, sous la pluie et les éclairs, semblaient tendre leurs branches vers le ciel comme des monstres géants et hurler leur silence muet. 

S'approchant de la maison, ils traversèrent une grande prairie. L'herbe était coupée. Au milieu de cette pelouse se dressait un chêne énorme, ou peut-être était-ce un hêtre. À une grosse branche de cet arbre, pendaient deux cordes formant une balançoire. Elle oscillait dans le vent et dans la pluie.

-Voilà un bon signe, se rassura Christine. Des enfants vivent ici. Viens, on va frapper à la porte. On sera bien accueillis.

Ils s'approchèrent de cette construction assez grande et haute. Ça ressemblait à un manoir du siècle passé, avec son perron de trois marches, ses hautes fenêtres, des sculptures bizarres en fer forgé sur le toit et le long de la façade. Il leur apparut sinistre, dans la lumière des éclairs et balayé par la pluie.

En observant le bâtiment, ils calculèrent que la lumière aperçue en venant, brûlait au deuxième étage, à droite, devant.


Ils gravirent les trois marches. Notre amie frappa timidement à la porte. Elle ne reçut aucune réponse. Ils ne virent ni sonnette ni aucune bobinette à tirer pour agiter une cloche quelconque.

Mathieu redescendit les trois marches et choisit une pierre. Il revint et frappa avec force contre la porte. Les coups du garçon résonnèrent dans le hall puis le son diminua et disparut, emporté par le tonnerre.

La pluie redoubla. Nos amis, trempés, sans veste, tremblaient de froid.

La lumière au deuxième étage à droite, devant, s'éteignit!

-Eh bien, ils sont accueillants! commenta notre amie.

-C'est vexant, s'indigna son copain.

Il frappa à nouveau et encore plus violemment contre le portail.

Quelques instants plus tard, la porte s'ouvrit.


Une fillette un peu plus jeune qu'eux apparut sur le seuil. Elle tenait à la main une bougie allumée. Des longs cheveux blonds encadraient son visage. Elle portait une robe blanche. Elle était pieds nus.

-Que faites-vous là? demanda-t-elle à voix basse.

-Bonjour. Je m'appelle Christine, et lui c'est Mathieu. On s'est perdu dans la forêt. Tu habites ici?

-Je m'appelle Iris. Que voulez-vous?

-On est trempés par la pluie, on est fatigués, on a faim, on a froid et surtout, on est perdus.  Pouvons-nous téléphoner pour qu'on vienne nous chercher?

-Nous n'avons pas de téléphone, répondit Iris.

-Pourrais-tu nous indiquer le chemin pour retourner chez nous, demanda Mathieu, en donnant le nom du village où habite tante Rosa.

-Ce nom ne me dit rien.

-Et si tu demandais à tes parents?

La fillette resta un moment en silence.

-Mes parents sont morts, dit-elle tout à coup.

-Excuse-nous, murmura Christine. On ne voulait pas te faire de la peine.

-Cela ne fait rien, répondit Iris. Je vis ici avec ma grand-mère, mais elle dort à présent. Sa chambre se situe au deuxième étage. Je ne veux pas la déranger.

-Tu sais, vraiment, on a très froid, on ne sait plus comment aller à notre village. Si tu pouvais nous accueillir... demain on partira. Il fera clair et on se débrouillera, proposa Mathieu.

-Il vaut mieux pas rester dans cette maison la nuit, fit la fillette presque tout bas.

Nos amis se turent, de plus en plus étonnés, et inquiets. Ils l'observaient.

-Bon, tant pis, concéda Iris. Entrez.


Ils passèrent dans le hall et elle referma la lourde porte derrière eux.

-Suivez-moi, dit-elle tout bas. Ne faites pas de bruit.

Ils montèrent, tous les trois, un escalier en bois bien ciré. Ils arrivèrent au premier étage. Iris ouvrit la porte d'une chambre au milieu de laquelle se trouvait un grand lit ancien et une armoire très sombre.

-Voilà, vous pouvez dormir là.

-Merci, dit Christine.

-Merci, ajouta Mathieu.

-Écoute, Iris, enchaîna notre amie. On n'a rien mangé ce soir. On a faim. Pourrais-tu nous apporter quelque chose?

-Fermez la porte de la chambre à clé pendant que je descends à la cuisine.

-Si tu veux, s'étonna Christine.

-Quand je reviendrai, je frapperai trois coups, puis deux coups, puis un coup. Alors, vous m'ouvrirez. Sinon, n'ouvrez pas. Je vous apporte à manger.

Elle partit. Ils fermèrent la porte à clé et attendirent.


Dehors, ils apercevaient les éclairs de l'orage. Ils illuminaient de temps en temps la pièce de leurs reflets bleuâtres. Ils entendaient siffler le vent. La pluie frappait contre les vitres. Des vagues d'eau tombaient du ciel.

-" Toc,toc,toc... Toc, toc... Toc..."

-C'est elle, affirma Mathieu.

Il tourna la clé dans la serrure. Iris apparut avec un plateau où se trouvait une assiette, avec deux tranches de pain garnies de jambon et de fromage jeune. Et deux verres de lait.

-Voilà ce que j'ai trouvé, dit la fillette. Écoutez-moi bien... Vous allez refermer la porte, à clé. Cachez la clé dans votre poche. Ne la laissez pas dans la serrure.

-Si tu veux, répondit Christine.

-Promettez-moi de ne pas sortir avant le matin. Et n'ouvrez plus, même si c'est moi, même si je frappe trois fois, deux fois, une fois... même si je pleure... même si je vous supplie... même si vous entendez quelqu'un d'autre parler ou appeler... Gardez votre porte fermée jusqu'au lever du soleil. Vous promettez?

-Si tu veux, je le promets, dit notre amie.

-Oui, moi aussi, ajouta Mathieu, je te le promets.

-Voulez-vous que je vous laisse la bougie?

-D'accord, répondit le garçon.

Iris se retourna et s'éloigna en leur laissant la bougie, mais pas d'allumettes.


Mathieu ferma la porte. Christine tourna la clé, puis l'ôta de la serrure. Elle la glissa dans la poche avant de sa salopette. Ils frissonnaient encore de froid dans leurs vêtements humides.

Les deux enfants mangèrent chacun leur tranche de pain et burent leur verre de lait.

-Juste de quoi ne pas crever de faim, affirma le garçon qui était affamé.

Ils ôtèrent leurs tennis sales et mouillées mais gardèrent jean, salopette et t-shirt. Ils se glissèrent sous les couvertures. Ils écoutèrent...

La maison était tout à fait silencieuse. On n'entendait que la pluie.

-Drôle d'endroit, murmura Christine.

-Oui, je trouve aussi, dit son copain.

-Ce manoir est triste et froid. Je n'aimerais pas y vivre.

-Tu peux le dire, ajouta le garçon. J'arrive à peine à me réchauffer.

-Moi aussi, fit notre amie. Je tremble un peu, mais c'est de froid. Enfin, ici il ne pleut pas, on a eu à manger, c'est déjà quelque chose.

-C'était pas un grand festin, fit son copain. J'ai faim... Tu ne trouves pas Iris un peu bizarre?

-Moi aussi, j'ai faim, répondit Christine. Oui, elle est bizarre... Mais si mes parents étaient morts, je serais sans doute comme elle.

-Demain, on partira à l'aube, dit Mathieu.

-Oui, dors bien, chuchota son amie.

-Tu n'es pas fâchée? On se trouve ici par ma faute.

-Non, je ne suis pas fâchée, promit Christine. Mais ta tante Rosa s'inquiète peut-être.

-Oui, et on ne peut pas l'avertir hélas... Mais je sais qu'elle nous fait confiance.

Ils se donnèrent un petit bisou sur la joue et s'endormirent.


La pluie crépitait sur les vitres. L'orage s'éloignait un peu, mais les éclairs illuminaient encore la chambre et le grand meuble noir de leur étrange lueur éphémère. Le silence…

"Bang. Bang. Bang. Bang. Bang. Bang".

Les deux enfants sursautèrent.

-Que se passe-t-il ? chuchota Christine.

-Tais-toi, murmura Mathieu. Écoute.

-Ouvrez la porte, s'il vous plaît, ouvrez.

-C'est Iris, dit notre amie, je reconnais sa voix.

-S'il vous plaît, ouvrez la porte.

-Il faudrait peut-être y aller, souffla le garçon.

-Non, fit sa copine. Elle a bien dit que même si elle appelait au secours, même si elle suppliait, il ne fallait pas ouvrir.

Les deux amis ne bougèrent pas de leur lit. Leurs cœurs battaient la chamade. Ils se prirent par la main et écoutèrent encore. Ils n'entendirent plus rien.


Mathieu se leva. Il regarda sa montre. Une heure du matin. Il s'approcha de la fenêtre.

-Christine, viens voir, vite.

Elle se précipita près de son ami.

-Regarde, là, dehors, en-dessous du chêne.

Iris était assise sur la balançoire, sous le grand arbre, dans la pluie. Elle se balançait doucement.

-Elle est folle, suggéra le garçon.

-Moi, j'aime bien aller sur les balançoires, répondit son amie, mais pas à une heure du matin ni sous la pluie et l'orage! En plus, avec la foudre, c'est dangereux.

-Quelle fille étrange! murmura Mathieu.

-Mais alors, qui a frappé à notre porte? demanda Christine...

Les deux enfants se regardèrent en silence.

-On ne s'est pas levés tout de suite, elle a eu le temps de descendre...

Puis ils se recouchèrent et finirent par se rendormir.


Plus tard, dans la nuit, ils furent de nouveau réveillés.

"Toc, toc, toc, toc, toc".

Un peu moins fort que tantôt.

Ils se saisirent une nouvelle fois!

-Ouvrez la porte, dit une voix forte. Ma fille vous a accueillis dans la maison.

-Il ne faut pas y aller, dit Christine.

-Mais c'est le papa, insista Mathieu.

-Rappelle-toi, chuchota notre amie. Iris a dit que son père était mort et sa mère aussi. Ses parents sont morts. Elle l'a dit. Ce n'est pas son père derrière la porte.

-Mais alors, dit le garçon, qui c'est? Et cette voix grave...

-Je n'en sais rien, répondit Christine. Je préfère essayer de ne pas y penser. C'est peut-être Iris. Je sais aussi faire une grosse voix, si je veux. Je sais aussi imiter une voix d'homme, ajouta-t-elle en grognant.

-Pourquoi ferait-elle cela? Pourquoi, surtout, vient-elle tout le temps frapper à notre porte. Elle sait quand même bien qu'on est là.

La question demeura sans réponse. Trois heures du matin. De nouveau, la maison retomba dans un silence pesant, sinistre.


Notre amie se rendormait difficilement.

Elle se tournait et se retournait sans cesse dans le lit. Le temps passait. On n'entendait rien. L'orage était loin. II ne pleuvait plus. De temps en temps, entre les nuages, la lune apparaissait et éclairait la chambre de sa lueur blafarde.

Christine tourna la tête vers l'entrée et ouvrit les yeux.

-Mon Dieu...

La porte de la chambre était grande ouverte!

Le cœur de notre amie se mit à battre très fort. Elle glissa sa main vers son copain. 

-Mathieu!

-Oui?

-Réveille-toi. Regarde, la porte est ouverte.

Je ne sais pas si cela t'est déjà arrivé d'aller te coucher en fermant ta porte avec soin, puis de te réveiller dans la nuit, et la voir ouverte sur le couloir noir, silencieux, effrayant... 

Ils se redressèrent tous les deux.

-Qui a ouvert? demanda le garçon.

Christine posa ses mains sur sa salopette et sentit dans sa poche la présence de la clé.

-J'ai toujours la clé. Alors, qui a ouvert? Et avec quoi?

-Je n'en sais rien. Un passe-partout sans doute. On s'en sert souvent dans ces vieilles demeures.

-Mais alors, songea notre amie avec angoisse, ça veut dire que quelqu'un est entré doucement dans la chambre, s'est approché, et profitant qu'on dormait, nous a observés. Quelle horreur! C'est une maison de fous, ici.

-On s'en va, dit Mathieu.

-Oui, d'accord, sortons. Il ne pleut plus. Je préfère encore marcher dans les bois. Quelle heure est-il?

-Cinq heures trente.

Ils se levèrent tous les deux.

-Et notre promesse de ne pas quitter la chambre, interrompit Christine.

-Tant pis, répondit son copain, elle n'avait pas à ouvrir la porte...

-Oui, tu as raison. Allons-y...


Les deux enfants entrèrent dans le couloir obscur.

-On monte ou on descend?

-Montons, proposa Christine. Allons saluer la grand-mère d'Iris. Elle nous dira par où retourner chez ta tante Rosa.

En arrivant, Iris avait expliqué que sa grand-mère dormait là-haut, où nos amis avaient aperçu la lumière, en venant. Au deuxième étage avant-droit.

-Oui, allons la voir, d'accord, répondit Mathieu. Bonne idée.


Ils montèrent l'escalier qui craqua un petit peu sous leurs pas. Il faisait encore sombre mais ils préféraient ne pas allumer. Ils arrivèrent à la porte de la grand-mère. Ça battait comme par l'action d'un courant d'air. Ils la poussèrent prudemment après avoir frappé.

Ils entrèrent.

La fenêtre était grande ouverte et, à cause de la pluie, une flaque d'eau inondait le tapis.

À la lumière de l'aube, ils aperçurent le lit. II n'était pas défait. Et personne n'y dormait !

Nos amis firent demi-tour et ressortirent de la pièce très inquiets.


Ils descendirent le grand escalier dans l'obscurité.

Il leur restait une dizaine de marches pour arriver dans le hall d'entrée, quand ils virent une porte s'ouvrir. La fillette apparut toujours dans sa robe de nuit blanche et les pieds nus.

Elle s'arrêta et les observa. Elle semblait étonnée.

-Qui êtes-vous? dit-elle.

Mathieu ouvrit la bouche pour répondre, mais Christine lui donna un coup de coude pour qu'il se taise. Elle observait la fillette, intriguée.

-Tu connais mon nom? demanda notre amie.

-Non.

-Je m'appelle Christine et mon copain, Mathieu. Et toi, comment t'appelles-tu?

La fillette les regarda un moment en silence.

-Anaïs, dit-elle.

-Ça alors, souffla le garçon, des sœurs jumelles! Je n'y avais pas pensé...

Elle gravit l'escalier lentement et passa à côté d'eux, en les frôlant.

Elle atteignit le premier étage et, sans se retourner, disparut dans une chambre en refermant la porte derrière elle.


Christine et Mathieu descendirent et se retrouvèrent dans le hall. Ils sortirent de la maison par la grande porte qu'ils refermèrent derrière eux.

Les lueurs de l'aube apparaissaient. La balançoire accrochée au grand chêne bougeait au vent.

Ils suivirent l'allée en terre et arrivèrent aux grilles. Une voiture s'arrêta juste à ce moment sur la route et un homme encore jeune, vingt-cinq ans peut-être, en sortit. Il regarda nos amis.


-Que faites-vous là? demanda-t-il.

-On s'est perdus, répondit Mathieu.

-Oui, et Iris a bien voulu nous accueillir pour la nuit, ajouta Christine. Vous êtes peut-être son papa.

-Non, je suis son grand frère, répondit le jeune homme. 

-Excusez-nous, dit Mathieu. Saluez et remerciez votre grand-mère de notre part.

-Ma grand-mère? Mais... elle est morte il y a dix ans!

-Ah, et vos parents aussi, je pense, ajouta Christine.

Le jeune homme les regarda, en silence.

-Dites au revoir pour nous à Anaïs, ajouta Mathieu.

Le jeune homme les observa encore, droit dans les yeux.

-Anaïs… murmura-t-il dans un souffle...

-Par où arrive-t-on au village monsieur?

-Suivez ce chemin à droite. Vous entrerez après une heure dans un grand bois de sapins. Prenez la deuxième, non la troisième allée à gauche, et après une autre heure de marche, vous atteindrez le village que vous cherchez.

-Merci, dirent nos amis.


Ils s'éloignèrent de la maison étrange.

Après quelques minutes, Mathieu se tourna vers son amie.

-Iris et Anaïs...

-Non, répondit Christine. Iris ou Anaïs.

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ÉPILOGUE
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Mathieu reprit :

-Iris et Anaïs...

-Je ne crois pas, réfléchit Christine. Tu penses à deux filles. Moi je crois qu'il n'y en avait qu'une.

-Comment cela? insista Mathieu.

-Une seule fillette habite ce manoir. Avec son frère.

-Et complètement folle, ajouta le garçon.

-Peut-être que, à la mort de ses parents, suite au choc terrible dans sa tête, sa personnalité s'est dédoublée. Dans la journée, elle est Iris, et la nuit, elle devient Anaïs. Iris sait qu'elle devient Anaïs, mais Anaïs ne sait rien d'Iris. D'où son étonnement en nous voyant et son insistance pour entrer cette nuit dans notre chambre. Et Iris ne veut pas qu'on découvre qu'elle devient Anaïs. Et donc elle a essayé de nous dissuader de passer la nuit chez elle, hier soir. Et elle nous a demandé de garder notre porte fermée et de ne pas sortir.

-Je vois, poursuivit Mathieu. Iris croit avoir une grand-mère. Tandis qu'Anaïs croit avoir encore ses parents.

-En tout cas, "elles" ont leur grand frère, ajouta Christine.

-Alors, pas Iris et Anaïs, mais Iris ou Anaïs?

-Oui, Iris ou Anaïs.

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P.S. Ce trouble, le dédoublement de personnalité existe vraiment. Certains cas sont célèbres. Renseigne-toi, si cela t'intéresse.