Quatre amis des Indes

Quatre amis des Indes

N°11

Le signe de Tassala

     Le son des tambours retentissait dans la clairière. Les danseurs tournaient en chantant et se déhanchaient autour du grand feu. Et la nuit portait en écho le bruit de la fête jusqu'à la Cité du Cobra, toute proche, endormie pour toujours dans le silence de ses ruines oubliées.

Samuel, Myriam, David et Sarah assistaient à la fête. Kapilavastu et trente gardes les accompagnaient. Myriam, Kousalamoula, reine de la cité du Cobra, était à l'honneur.

(Découvre ou relis l'épisode 1).


Le maharajah avait convoqué nos amis une semaine plus tôt dans son bureau. Il leur avait expliqué qu'une bande, armée par on ne sait qui, semait la terreur dans les villages, à la frontière Nord-Est du pays.

- Les territoires gérés par le gouverneur Cittam Nirvid, je crois, dit Samuel.

- Exact, reprit le maharajah Rabanath. Mais il semble tout à fait dépassé par la situation actuelle. Les hommes de ces bandes armées terrorisent les populations partout où ils vont. Ils volent, ils pillent, ils tuent. Puis ils laissent une signature derrière eux. Un crâne humain dans les yeux duquel un serpent empaillé se trouve placé.

- L'endroit dont tu parles, père, fit remarquer Myriam, se situe pas loin de la Cité du Cobra.

- Oui, à la frontière très imprécise, car on est en pleine jungle, avec les territoires du prince Jarayu Narada.

- Je me souviens qu'on l'a rencontré avant la guerre lors de la fête de notre intronisation, se rappela David.

- Il nous avait offert de somptueux cadeaux. Je porte encore parfois sa bague incrustée de rubis, ajouta Sarah. Je n'en ai plus jamais vu d'aussi beaux.

- Oui, reprit le maharajah, mais ce prince énigmatique et sournois peut parfois se montrer cruel, paraît-il. On raconte qu'il est immensément riche, qu'il habite un palais de rêve, mais qu'il se fait servir par des centaines d'esclaves dont la condition de vie est épouvantable.

Nos amis écoutaient en silence.

- J'en reviens au signe de Tassala et aux bandes armées. J'aimerais que vous alliez enquêter sur place. Kapilavastu et trente hommes vous accompagneront, pour vous protéger. Rahougougouenzi et sa tribu, gardienne de la Cité du Cobra, vous attendent. Je viens de leur annoncer votre arrivée à la prochaine pleine lune. Ils se mettront à votre service.


Nos amis quittèrent le palais le lendemain.

Ils passèrent d'abord par des campagnes fertiles et traversèrent des villages où la petite troupe fut chaque fois acclamée par une foule enthousiaste. Les quatre enfants, héros de la guerre de Chine, libérateurs du pays, suscitent l'admiration et le respect des populations.

(Découvre ou relis les épisodes 8, 9, 10).

Puis ils pénétrèrent dans la jungle. Ils empruntèrent la piste peu fréquentée et presque à l'abandon qui mène à la Cité du Cobra.

Rahougougouenzi, chef de la tribu gardienne de la ville en ruines, les reçut à bras ouverts. Il rappela à Myriam son titre de Kousalamoula, reine de cette Cité perdue.

Au soir, il organisa une fête en son honneur. Toute la tribu se réunit autour d'un grand feu. On mangea, on but. Des musiciens frappaient les tambours, jouaient de la flûte. Des véritables acrobates dansèrent autour du feu, puis invitèrent nos amis à se joindre à eux avec les autres jeunes présents.

Cela dura jusque tard dans la nuit.


Myriam, épuisée, quitta la fête sous les étoiles et se dirigea vers la tente qu'elle partageait avec Sarah. Elle y entra.

Elle vit un crâne humain posé sur son sac de couchage. Un serpent cobra, mort, empaillé, passait par le creux des yeux. Gueule ouverte, crochets acérés, il semblait prêt à mordre et menaçait la jeune fille en silence.

Le signe de Tassala!

Notre amie poussa un cri.

Des hommes de Kapilavastu arrivèrent en courant quelques instants plus tard mais ne trouvèrent pas la princesse... On la chercha dans le campement, mais elle n'y était plus.


Affolement chez les gardes. Agitation chez les hommes et les femmes de la tribu. Samuel et Rahougougouenzi, persuadés que Myriam venait d'être kidnappée par une de ces bandes armées qui déstabilisent la région, pensèrent qu'elle ne devait pas encore être bien loin. Et le meilleur endroit pour la cacher était, bien sûr, la Cité du Cobra voisine.

Ils s'y rendirent au pas de course.

L'immense champ de ruines leur apparut sinistre sous la lumière de la lune. Le volcan qui la borde, dressait sa masse sombre et menaçante, barrant l'horizon. On apercevait l'enfilade de colonnes de l'ancien palais à ses pieds. Un temple dominait la Cité en ruines, silencieuse et morte, domaine des lézards, des serpents et des araignées.

Sarah remarqua des lueurs entre les colonnes du palais.

Le chef de la tribu fit aussitôt déplacer deux cents guerriers pour encercler la ville, tandis que Kapilavastu fonçait à toute allure vers le vaste bâtiment avec ses trente hommes. Samuel et Sarah l'accompagnaient. David resta auprès de Rahougougouenzi.

Les autres traversèrent les ruines en silence, puis entrèrent dans l'édifice monumental. Ils passèrent entre les hautes colonnes et firent irruption dans la salle du trône. Sur ce dernier, situé en haut d'une estrade de treize marches, une étrange lueur verte attirait l'attention.

Samuel y monta et y découvrit un signe de Tassala. Un crâne et un serpent mort reposaient sur l'ancien siège royal.


Au même moment, une clameur retentit au dehors. Les guerriers venaient de capturer une bande d'individus armés qui tentaient de fuir en passant par les maisons en ruines. Myriam, prisonnière, se trouvait parmi eux. 

Il manquait David et Rahougougouenzi.

Le chef de la tribu venait de s'arrêter en compagnie du petit garçon qu'il protégeait, devant ce temple qui servait autrefois de repaire à Raban Razi.

Pensant y découvrir Myriam enfermée, et ne sachant pas encore que ses hommes venaient de la libérer, il y entra avec le jeune prince.

Quelque chose d'un peu angoissant émanait de ce bâtiment sombre et vide.

Craignant que la bande armée tente de se sauver par le souterrain qui relie le temple au palais, il le parcourut avec David et six de ses guerriers. Un long corridor plongé dans une totale obscurité.

Ils le suivirent en tenant des torches allumées à la main.

Ils dépassèrent, tous les quarante mètres, des statues qui se faisaient face et semblaient menacer les audacieux qui osaient emprunter ce passage.

Rahougougouenzi expliqua que chacune d'entre elles contient un piège destiné à arrêter les aventuriers ou les curieux qui visitent parfois la Cité à la recherche de son légendaire trésor.

Tout le monde se retrouva entre les colonnes du palais.


Les vingt-cinq bandits, membres de la bande armée, furent ligotés puis interrogés avant d'être conduits, sous bonne garde, vers les prisons du palais du maharajah.

Un des hommes de Rabanath, originaire des forêts du Bengale, reconnut deux prisonniers. Il confia à son chef que ces individus étaient à la solde de Jarayu Narada.

L'énigmatique prince de la jungle serait-il mêlé d'une manière ou d'une autre à cette bande de pillards?

Une femme avertit Rahougougouenzi qu'un des bandits était un proche du gouverneur.

Nos amis découvrirent ainsi une complicité entre le prince et Cittam Nirvid.


Tous passèrent la nuit au campement, près du feu, où la fête avait été organisée puis interrompue.

Le lendemain, les quatre princes et princesses s'apprêtaient à repartir avec Kapilavastu lorsque le chef de la tribu les appela.

- Kousalamoula, tu mérites de connaître la vérité concernant le trésor de la Cité du Cobra, dit-il. Je te propose de me suivre. Je vais t'enseigner le chemin de l'initié qui mène au lieu secret.

- Mes frères et ma sœur peuvent-ils se joindre à nous? demanda Myriam.

- Tu es la reine de la Cité morte. Tu décides ce que tu veux, répondit Rahougougouenzi.

- Alors ils m'accompagnent, déclara la jeune fille.

Ils partirent à cinq vers le temple dont la masse dominait la place carrée au centre de la ville en ruines.


Rahougougouenzi leur fit descendre un large escalier de cinquante marches situé derrière les épaisses tentures qui couvraient les murs de la grande salle à deux étages du temple.

De ce côté se cachait autrefois, le fameux cobra dressé par Raban Razi. Par là aussi, le terrible fakir s'était enfui après l'échec de la confrontation entre Myriam, le serpent et lui.

(Découvre ou relis l'épisode n°1.)

Ils arrivèrent dans un hall carré assez vaste, sombre, éclairé par quatre flambeaux, un à chaque coin. Quatre corridors partaient de ce lieu. Celui qu'ils avaient suivi en venant du temple, celui qui menait au palais, celui de gauche et celui de droite.

- Celui de droite est un piège et conduit au volcan, dit le chef de la tribu. Nous allons aller à gauche, mais avant cela, regardez.

Quatre statues d'animaux, placées le long de chacun des quatre murs, décoraient la salle carrée.

Un tigre, gueule ouverte, montrait ses crocs, un vautour déployait ses ailes, un crocodile semblait prêt à courir, une mygale géante et noire complétait la galerie des monstres.


- Chacune de ces statues symbolise une énigme, expliqua Rahougougouenzi. Il faut les résoudre toutes avant d'aller plus loin. Les quatre mots représentent les quatre clés du passage initiatique qui mène au cœur de la Cité du Cobra.

La première était écrite sur une patte du tigre.

"Je fais le tour du bois sans jamais y entrer".

Toi qui lis ce récit, ne va pas trop vite. Prends le temps de réfléchir, avant de lire la suite. Quel mot prononcerais-tu si tu étais à la place de nos quatre amis?

- Une clôture, lança David.

- Non, prince, dit le chef de la tribu.  Ce que tu dis est vrai, mais j'attends autre chose.

- L'écorce, suggéra Myriam. L'écorce fait le tour du bois, le tronc de l'arbre.

- Bravo! Voyons ce que demande le vautour, à présent.

"Je suis plus grand qu'une montagne, mais plus léger qu'une plume".

- Son ombre, murmura Samuel.

- Bien. Très bien. Voici l'énigme du crocodile.

"Vivante, je reste à la même place, mais sitôt morte, je commence à voyager".

Il y eut un moment de silence.

- La feuille d'un arbre, affirma Sarah. Quand on vivait à l'orphelinat, en Angleterre, un gentil conteur venait de temps en temps nous faire rêver avec ses récits passionnants. Il avait posé cette devinette.

- Magnifique! reprit Rahougougouenzi. Et la question de la mygale?

"On ne peut ni m'entendre, ni me voir, ni me toucher, ni me sentir. Pourtant j'existe. Et si on m'appelle par mon nom, je disparais".

- Le silence, fit David presque tout bas. À l'école, notre instituteur nous le répétait souvent.


Sitôt le prononcé haut et fort des quatre mots terminé, écorce, ombre, feuille, silence, une large dalle glissa sur le sol, au milieu de la pièce carrée, faisant apparaître un escalier de quinze marches. Ça menait vers un long couloir humide.

- Par ici, dit le chef de la tribu. Suivez-moi. Votre initiation continue. Nous allons à présent devoir ouvrir sept portes et traverser sept salles. Chacune représente un piège mortel.

- Le secret de la Cité du Cobra est bien gardé, fit remarquer Samuel.

- Tu vas découvrir qu'il en vaut la peine, et jamais aucun aventurier n'a réussi à atteindre le lieu vers lequel nous marchons.

 

Ils suivirent le couloir sombre et s'arrêtèrent devant un premier portail.

- Voici la porte de la renaissance sans fin. Approchez. Vous ne risquez rien. Vous apercevez un berceau sculpté dans le bois clair. Il contient un bébé taillé dans de la pierre sombre. Il faut glisser les mains dans le dos de l'enfant et le bercer doucement de gauche à droite. Ça ouvre le passage.

Nos amis virent apparaître une assez vaste salle inondée par une pluie battante et bouillante qui ruisselait sur le sol inégal et le long des murs vers une crevasse profonde où l'eau s'engouffrait.

- Il faut traverser cette pièce, une ancienne grotte, dès que la pluie cesse et espérer que l'averse ne reprendra pas avant que nous ayons atteint l'autre côté. Nous nous trouvons au pied d'un volcan, ne l'oubliez pas, ajouta Rahougougouenzi. L'eau bouillante vous tuerait. D'habitude, un espace de trente à quarante secondes se crée entre deux averses.

Ils s'avancèrent au pas de course, évitant les flaques d'eau fumante, dès que les dernières gouttes cessèrent de tomber. Çà et là, gisaient les squelettes de quelques aventuriers imprudents ou malchanceux. Ils les enjambèrent et atteignirent l'autre côté.


- Nous voici devant la porte des noircis, reprit leur guide. Son bois est noir à cause des flammes qui remplissent parfois l'espace qui suit. Pour l'ouvrir, il faut approcher d'elle une torche allumée afin de la chauffer.

Une ouverture étroite apparut. Les enfants sentirent un courant d'air brûlant, comme lorsqu'on ouvre un four. Ils se faufilèrent à tour de rôle et s'arrêtèrent devant une mare de boue presque noire et large d'un mètre, qui gênait le passage.

- Elle n'est pas profonde, décrivit Rahougougouenzi. En la traversant, la vase tiède nous arriverait à peine au-dessus des chevilles. Mais malheur à celui ou celle qui passe sans se rouler là-dedans. Des flammes naissent souvent par les anfractuosités des parois de cette grotte. Nous traversons le cœur du volcan. Couverts de cette boue, nous sentirons à peine ces feux et nous échapperons aux brûlures.

- L'enfer doit ressembler à cela, songea tout haut Myriam.

Ils se roulèrent dans la boue puis franchirent la grotte sans encombre. L'un ou l'autre squelette traînait encore sur le sol. Les plus audacieux chercheurs de trésor, sans doute. Puis ils n'en virent plus. Jamais un aventurier ne réussit à aller au-delà.


- Voici la porte des massacres. Le travail en bois sculpté représente une bataille. Pour ouvrir, il faut lancer des pierres, avec force, sur ce bas-relief, comme si on le bombardait.

Une fente apparut, peu à peu, entre deux lourds panneaux qui glissaient en s'écartant l'un de l'autre.

- Continuez, commanda le chef de la tribu. Jetez encore quelques cailloux et nous pourrons nous faufiler dans la troisième grotte.

Ils passèrent l'un derrière l'autre entre les battants entrouverts.

Le sol était jonché de boucliers ronds ou carrés, comme ceux qu'auraient laissés derrière eux les soldats d'une armée en déroute.

- Prenez chacun un bouclier et soyez prêts à vous en servir. La salle comporte des ouvertures, qu'on appelle des gueulards, par où passent parfois des pierres de lave propulsées par les gaz du volcan. Les boucliers nous serviront à éviter d'être touchés ou blessés par ces projectiles.

Ils traversèrent la pièce sans difficulté et s'arrêtèrent devant la quatrième porte.


- Voici celle qu'on appelle les hurlements, expliqua leur guide.

Nos amis virent une centaine de bouches ouvertes, sculptées dans le bois, comme autant d'appels ou de cris, qui suggéraient au passant de fuir. Il fallait les apaiser, les rassurer, en jouant un air avec la flûte à bec posée sur cette table étroite. La porte s'ouvrirait par la même occasion.

- Qui a installé ces mécanismes, ces pièges? demanda Myriam.

- La Cité du Cobra fut riche et prospère. Les rois qui régnaient sur elle étaient à la fois craints par leurs ennemis, jaloux de leurs fastes, et appréciés par leurs amis. Elle se situe au croisement de deux routes très fréquentées autrefois par les marchands. Ceux qui descendaient des montagnes du Nord, qui se rendaient vers le Sud et les Indes, ou qui en revenaient. D'autres allaient d'Est en Ouest, et vice versa, venant des villes du Moyen-Orient et se rendant au Cambodge et dans les pays qui bordent la mer de Chine.

Rahougougouenzi ajouta que la ville était florissante en ces temps-là et les rois et les habitants immensément riches. Ils accumulèrent un trésor grandiose, monumental, caché sous le temple.

- Nous en sommes, nous les initiés de la tribu, et bientôt toi, Kousalamoula et tes frères et ta petite sœur, les gardiens fidèles. Ils installèrent les portes et mécanismes que nous allons franchir.

- Que s'est-il passé pour que la ville se retrouve ainsi en ruines? demanda Samuel.

- Les rois défièrent le volcan en construisant leur somptueux palais le long de ses flancs. Il s'est vengé. Un jour, les cobras, symbole de la ville, gardés jalousement dans une fosse située à l'arrière du grand temple, disparurent. C'était un avertissement, mais les habitants n'y firent pas attention. Les serpents avaient pourtant perçu l'arrivée du désastre avant les humains.

Le chef de la tribu ajouta que déjà, deux cents ans auparavant, les cobras s'étaient enfuis une nuit. Le volcan se réveilla le lendemain. Sa lave et ses cendres détruisirent un quartier de la ville. Les habitants tentèrent de fuir, épouvantés. Beaucoup d'entre eux moururent. Puis on reconstruisit, sans plus y penser…

- Enfin, il y a trois mille ans, l'eau devint soudain empoisonnée. La montagne se mit à fumer. Des gaz toxiques envahirent la ville. Les gens partirent, abandonnant leurs maisons. Le roi de l'époque, pensant revenir un jour, confia à mon ancêtre la mission de garder le trésor. Il n'a jamais été pillé. Seuls les initiés peuvent y accéder. Le secret des sept portes se passe de génération en génération depuis trois mille ans. Ceux et celles qui tentèrent de forcer le passage le payèrent de leur vie.


Ils jouèrent de la flûte devant la porte des hurlements et elle s'ouvrit.

- Attention, dit Rahougougouenzi. Nous allons traverser une vaste salle où sifflent des sons qui ressemblent à des voix humaines. Ne les écoutez pas. Elles vous attireront, mais sont produites par des gaz nocifs qui peuvent vous tuer si vous vous arrêtez et leur prêtez l'oreille.

Ils avancèrent groupés.

Plusieurs fois Myriam se retourna, croyant que quelqu'un la suivait et l'appelait.

Sarah voulut aller voir, pensant entendre la voix d'un petit enfant qui pleurait. Mais Samuel lui tenait la main avec fermeté. Ils ne s'arrêtèrent pas.


Ils atteignirent la cinquième porte, celle du grand hurlement.

Un bouche énorme, monstrueuse, entrouverte, semblait figée en un beuglement éternel.

- Il faut crier plusieurs fois, très fort, vers cette gueule horrible. Les panneaux se déplaceront.

Ils entrèrent dans la cinquième salle. L'air y était irrespirable. On devait la traverser le plus vite possible en fermant la bouche et en se pinçant le nez. Les gaz du volcan qui emplissaient la pièce étaient mortels.

Il fallait quarante-cinq secondes pour atteindre la zone de sécurité, près de la sixième porte.

Et toi, tu sais courir quarante-cinq secondes sans respirer?

Ce fut éprouvant, particulièrement pour les plus jeunes, surtout qu'en courant, il fallait en plus faire attention à ne pas glisser.


L'avant-dernière porte était celle du chauffant. Ils évitèrent de toucher le bois presque brûlant. Pour ouvrir, ils prirent de l'eau au creux de leurs mains dans un vase en pierre où elle coulait goutte à goutte le long d'une stalactite. Ils lancèrent cette eau sur la porte.

Elle se décala peu à peu et un espace apparut.

La vaste caverne contenait un lac de lave incandescente. Il régnait une chaleur étouffante, suffocante, à cet endroit.

Ils sautèrent de roche en roche entre les coulées de lave qui les effrayaient. Le moindre faux pas aurait été mortel. Il fallait en plus éviter de s'appuyer sur les pierres brûlantes.

Ils atteignirent la septième porte à secret, la dernière.


- Elle s'ouvre facilement, avoua Rahougougouenzi. Mais faites attention à ce qui nous attend derrière. On l'appelle le sans intervalle. Et pourtant, il y en a un. Vous allez comprendre.

Ils avancèrent en se donnant la main. On entendait un effroyable grondement, comme si un dragon se tenait caché là.

Un large passage en forme de U apparut après un tournant. Une énorme pierre ronde dévala le mur gauche, passa à toute vitesse devant nos amis, puis remonta le long du mur droit. Après une courte pause, la pierre revint en sens inverse. Le monstreux rocher passait et repassait sans cesse, tel un terrible balancier, mû par un mécanisme invisible, mais très impressionnant.

- Il faut franchir le défilé en courant entre deux passages de cette masse ronde, dit Rahougougouenzi. Elle ne s'arrête jamais. Si elle vous touche, elle vous écrase.

C'était à la fois effarant et prodigieux.

- On va passer un par un, chacun et chacune à son tour.

Leur guide franchit l'obstacle. Samuel puis Myriam coururent. David eut un instant d'hésitation qui faillit lui coûter la vie. Restait la petite sœur.

- Ne te laisse pas impressionner, lança Samuel, fonce quand je te le dirai. Voilà. Vas-y! 

Sarah n'osait pas avancer. Elle était paralysée de peur, au bord des larmes.

Myriam repassa l'obstacle en sens inverse. Elle prit la main de la petite dans la sienne avec fermeté.

- Un, deux, trois, dit-elle, on court.

Elles réussirent.


Nos quatre amis se trouvaient à présent devant une porte en pierre grise, monumentale, haute de plus de trois mètres, large de quatre, et couverte de lignes faisant penser à des serpents.

- Deux panneaux coulissent latéralement, expliqua Rahougougouenzi. Pour les ouvrir, il faut en connaître le secret, sinon cette dernière barrière reste infranchissable. Il ne sert à rien de pousser ou de tirer quoi que ce soit. Chaque panneau pèse plus de dix tonnes.

- Mais là, dit Sarah, en montrant un grand vase bien en vue, qui contenait des pièces d'or et des pierres précieuses, ce n'est pas le trésor?

- Non, petite princesse. Ce vase est un leurre. Il sert à tromper ceux qui arriveraient jusqu'ici - il n'y en a jamais eu – et leur faire croire qu'ils touchent au but. Certes, ce récipient contient de quoi rendre celui qui l'emporte aussi riche qu'un roi, mais le vrai trésor se trouve de l'autre côté.

Nos amis écoutaient, silencieux, impressionnés.

- Pour que cette porte s'ouvre, il faut déposer un objet en or dans ce vase, justement. Il faut donner au lieu de prendre. Voilà le secret.

Le chef de la tribu sortit une pépite de la poche de son vêtement et la posa avec délicatesse sur le tas de pierres précieuses.


Un grondement retentit, semblable à celui que feraient dix dragons qu'on éveille, et la double porte s'ouvrit lentement.

Nos amis poussèrent un cri d'admiration.


Là se trouvait une vaste salle au plafond haut et aux murs couverts de carrelages en faïence rouge. Cette caverne immense, rectangulaire, contenait une centaine de tonneaux en terre cuite, peints chacun d'une couleur différente, allant du blanc au noir en passant par le jaune, l'orange, le rouge, les bleus, violets ou mauves, les nuances de verts. Tous, hauts et larges d'un mètre possédaient leur propre teinte.

Chacun, je dis bien chacun, débordait de pièces d'or, de diamants d'une pureté parfaite, de rubis rouge foncé, de saphirs bleus, d'émeraudes vertes, de colliers de perles au lustre velouté, à l'orient, leur effet nacré, remarquable, de diadèmes rehaussés de pierres précieuses, de couronnes de rois. Tout cela scintillait à la lumière des torches que portaient nos amis.

Les plus beaux bijoux du maharajah Rabanath ou de Copal paraissaient ternes, médiocres, en comparaison avec ce trésor hallucinant.


- À qui appartient tout cela? demanda Myriam.

- Tout cela est la propriété de la Kousalamoula, vous, princesse Myriam Rabanath.

- Tout?

- Oui.

- Je peux choisir une pierre ou un collier et l'emporter si je veux?

- Prenez ce que vous voulez, dit Rahougougouenzi. La Kousalamoula emmène le trésor avec elle où elle veut, ou elle le laisse là, protégé par les sept portes plus une auxquelles je viens de l'initier avec ses frères et sa sœur.


Nos amis revinrent au campement, sans rien prendre, les yeux éblouis par ces merveilles.

Puis ils retournèrent au palais de leur père et de leur mère.

Plus aucun signe de Tassala ne terrorisa la province. La bande de voleurs se trouvait derrière les verrous. Les villages vivaient à nouveau en paix.