Béatrice et François

Béatrice et François

N°63

La boîte équivoque

       Samedi neuf heures du matin, au milieu des vacances. 

François sonna à la porte de son amie Béatrice. Elle l'accueillit avec une tartine à la main.

- Entre, dit-elle.

Puis elle se tourna et lança :

- Maman, je vais à la plaine de jeux avec François.

- D'accord, mais sois de retour avant midi, ma chérie.

- Promis.

 

Ils partirent. Mais en chemin, ils s'arrêtèrent devant une maison aux portes grandes ouvertes pour une vente de garage.

C'est comme une brocante de rue. Les habitants, avant de déménager par exemple, vendent des vêtements devenus trop petits, des vieux jouets, des vieux livres qu'on ne lira plus, des bibelots de toute sorte. On y trouve parfois des choses intéressantes et pas chères.

Nos deux amis de sept ans s'approchèrent.

Béatrice venait de repérer une boîte en bois, ronde, et bien étrange. Sur le couvercle une peinture en couleur représentait des squelettes qui dansaient avec des sorcières.

- Bonjour madame, dit notre amie en montrant l'objet du doigt. Combien coûte cette boîte ?

- Tu peux l'emporter pour un euro.

- Oh oui ! Je la prends.

La fillette sortit un euro de sa poche et paya. 

Puis ils s'éloignèrent en souriant.

 

Parvenus à la plaine de jeux, ils s'assirent sur un banc et ouvrirent le coffret.

Ils furent bien étonnés d'y découvrir un billet de dix euros.

- Quelle chance ! lança Béatrice. Viens François, allons au magasin du coin acheter des sucettes.

Elles coûtaient deux euros pièce, mais on en recevait une en cadeau si on en prenait cinq.

Nos amis payèrent et se les partagèrent équitablement. Trois pour l'une, trois pour l'autre.

- Je vais en donner une à chacune de mes petites sœurs, dit François. (Olivia a cinq ans et Amandine trois). Il m'en restera une.

-  Tu es un très gentil grand frère, fit Béatrice. Tiens, je t'en donne une de plus. Ainsi il nous en reste deux chacun.

Ils jouèrent ensuite sur les balançoires puis revinrent à la maison.

 

Ils ne surent jamais que le lendemain, quand la vendeuse du magasin fit au matin sa comptabilité, elle remarqua qu'il lui manquait dix euros. Pourtant je me rappelle que hier, se dit-elle, deux enfants sont venus m'acheter des sucettes et m'ont payée avec un billet. Bizarre, je ne le trouve plus...

 

Le même jour, le lendemain donc, François revint chez son amie en début d'après-midi. Ils ouvrirent la boîte et furent bien étonnés d'y voir un billet de vingt euros, cette fois.

Très heureux, ils filèrent au magasin et achetèrent une bande dessinée chacun, à neuf euros. Ils payèrent avec le billet de vingt et la vendeuse leur rendit la monnaie, une pièce de deux euros.

- Je crois que cette boîte est magique, fit Béatrice. Mais du coup, elle me fait un peu peur...

- Moi, je la trouve géniale, claironna François.

 

Le jour suivant, la vendeuse ne revit pas le billet. Par contre, la pièce de deux euros était encore sur la table, dans la chambre de notre amie.

Elle attendit l'arrivée de son copain pour ouvrir la boîte.

En soulevant le couvercle avec prudence, ils découvrirent un billet de cinquante euros !

Après avoir réfléchi quelques minutes, ils décidèrent de se rendre chez le fleuriste et de demander deux jolis bouquets à vingt-cinq euros, un pour chacune des mamans.

Ce fut une grande joie. Les parents interrogèrent les deux amis pour savoir où ils avaient découvert cet argent. Ils ne comprirent pas vraiment les explications concernant l'étrange boîte.

 

Le lendemain, le fleuriste ne retrouva pas leur billet... Mais ça, nos amis ne le savaient pas.

Par contre ce jour-là, un billet de cinq euros apparut dans la boîte.

Ne parvenant pas à se décider, ils choisirent d'attendre et de l'employer plus tard. Ils le laissèrent sur la table dans la chambre de Béatrice.

Le lendemain, ils eurent beau le chercher partout, il avait disparu.

 

Ce même jour, ouvrant de nouveau l'étrange boîte, ils y découvrirent un papier noir. Il y était écrit, à l'encre blanche :

Posez une mèche de vos cheveux dans la boîte puis refermez-la.

François s'empara d'une paire de ciseaux qui traînaient à la salle de bain et s'apprêta à en couper, mais son amie l'arrêta.

- Ne le fais pas, dit-elle. Ma bonne-mamy m'a un jour raconté une histoire de magie noire où des gens font cela et puis sont changés en rats, en crocodiles, en serpents, en araignées... Détruisons cette boîte, qui commence à me faire vraiment peur.

François fut d'accord, après un instant d'hésitation et un petit moment de regret. On ne trouve pas une boîte pareille tous les jours. Mais lui aussi sentait grandir une peur en manipulant l'étrange objet.

Les deux amis descendirent au salon où un bon feu brûlait dans la cheminée. Ils posèrent la boîte au milieu des flammes.

Elle noircit, mais ne brûla pas, malgré qu'elle était en bois...

Saisissant une longue pince, ils la retirèrent du brasier et la laissèrent refroidir au fond du jardin.

 

Une semaine plus tard, une brocante était organisée dans la rue où ils habitent. Ils mirent la boîte en vente pour un euro, se promettant d'avertir l'acheteur éventuel du danger à s'en servir.

Un monsieur qui passait l'acheta sans hésiter et partit aussitôt, sans écouter les explications des deux enfants.

Il paraît qu'on ne l'a jamais revu...