Christine

Christine

N°12

La Maison de la sorcière. La maison au fond de la forêt : Partie 1.

     -Sais-tu qu'une sorcière vit dans la forêt? dit Chachou le hibou.

-Les sorcières, cela n'existe pas, répondit Christine.

Depuis trois jours, il pleuvait. Une véritable tempête. Des bourrasques de vent tordaient les branches des arbres et la pluie ruisselait le long du toit de la petite maison en bois, au milieu de la grande forêt où habite notre amie. 

Mais ce matin-là, très tôt, un rayon de soleil éveilla la jeune fille. Elle se leva. Elle passa son t-shirt, sa salopette, une vieille salopette en jean bien usée, délavée, recousue plusieurs fois. Sa maman veut l'éliminer, mais Christine y tient beaucoup. Elle se sent bien à l'aise dedans et ne craint pas de se salir dans les bois. Elle chaussa ses baskets, arrangea ses deux longues tresses brunes et descendit l'escalier.

Vu l'heure matinale, Papa n'était pas encore parti. Elle embrassa ses parents. Et puis, comme d'habitude, elle prit sa tartine et son verre de lait.

-Ma grande, dit papa, j'aimerais que tu me rendes un service.

Christine, agée de dix ans, aime rendre service à son père. Parfois, elle part avec lui très tôt le matin, dans la forêt, et elle travaille toute la journée pour l'aider. Elle empile, le long du chemin, les bûches qu'il coupe avec sa tronçonneuse ou bien elle les range sur une remorque. Le soir, elle revient épuisée, morte de fatigue, mais très fière et très heureuse de l'aide efficace apportée à son père.

Notre amie ne va pas en classe. Il faut deux heures à pied pour atteindre l'école du village. Tous les matins et parfois l'après-midi, elle étudie avec sa maman, à la maison.

-Je voudrais que tu ailles jusqu'au grand lac. Va voir si la barque a résisté aux intempéries de ces derniers jours.

-D'accord, répondit Christine, j'y vais.

Il faut marcher trois heures pour aller jusque-là. Pas possible de s'y rendre à vélo, la route n'est qu'une mauvaise piste en terre, souvent boueuse, surtout après la pluie. Un jour notre amie y avait roulé un peu vite, elle glissa et revint à la maison couverte de boue.

Donc ce matin-là, elle se fit une tartine pour midi et l'emballa. Elle la mit à côté de son canif dans la poche bavette de sa salopette. Elle accrocha une gourde à sa ceinture et partit. Une belle randonnée en perspective. Elle aime ça.

Christine souriait sous le soleil. Elle espérait rencontrer, en chemin, l'un ou l'autre de ses amis. En effet, Christine a un don particulier. Elle possède celui assez rare de savoir parler avec les animaux et de les comprendre. Pas tous. Les quatre pattes, les deux pattes et les serpents. Un hibou, qu'elle appela Chachou quand elle avait deux ans, lui révéla son don et lui apprit à l'utiliser. 

 

Soudain, elle entendit les fougères remuer derrière elle. Elle se retourna et aperçut un de ses grands amis, son renard.

-Salut, où vas-tu ?

-Je vais au lac, raconta la jeune fille. Papa me demande d'aller voir si la barque a résisté à la tempête.

-Tu vas au grand lac ? 

-Oui.

-Tu viens de dépasser le sentier qui y mène.

-Pourquoi ne l'ai-je pas aperçu? demanda Christine, tournée vers son ami.

-On ne le voit plus. J'y suis allé ce matin. Un arbre déraciné en cache l'entrée. Tu as dû passer devant sans t'en apercevoir.

-Oh zut, lança la jeune fille. Bon, je fais demi-tour.

-Pas la peine de courir jusque-là, affirma le renard. La barque est à l'abri sous les sapins. Je viens d'y passer la nuit bien au sec.

-Merci! Et peux-tu me dire où mène ce chemin?

-Sur une route de terre. Si tu la suis à droite, tu parviens à une maison, la maison de la sorcière.

-La maison de quoi? s'étonna Christine.

-De la sorcière, répéta le renard.

-Chachou m'en a justement parlé hier soir. Je ne suis jamais allée si loin. Tu crois vraiment qu'une telle femme habite là?

-Peut-être, hésita le renard. Je ne sais pas à quoi ressemble une sorcière. Mais cette bâtisse a l'air abandonnée, isolée au milieu des bois. Va voir par toi-même, si tu oses. Moi, je te quitte. Je dois aller chasser pour nourrir mes cinq petits. Adieu.

Il partit.

Christine pouvait retourner chez elle. Inutile d'aller au lac contrôler la barque. Mais d'un autre côté, la elle est très curieuse. Deux de ses amis animaux venaient d'évoquer la présence d'une maison mystérieuse. Cela ne lui quittait plus l'esprit.

Evidemment, une maison de sorcière, ça fait un peu peur. Mais elle se dit qu'elle pourrait s'en approcher et la regarder de loin. Elle ne risquerait rien. Elle pourrait toujours s'encourir ou se cacher, en cas de besoin...

Donc, elle poursuivit sa route.

 

Elle parvint assez vite au croisement de son chemin et la route en terre. Une demi-heure encore et elle s'arrêta dans une clairière au milieu de laquelle se trouvait une habitation.

Elle comportait, au rez-de-chaussée, une porte et deux fenêtres, une à gauche et une à droite. Au-dessus se trouvait un grand toit de chaume surmonté par une petite cheminée.

À l'entrée, gisait une grille à travers laquelle poussaient pêle-mêle des fleurs et des orties.

Notre amie s'appuya contre un arbre. Elle regarda attentivement la porte fermée et les deux fenêtres closes par des volets. Aucune fumée ne sortait par la cheminée un peu penchée.

-Que faire? se demanda-t-elle.

Elle observa le jardin. Enfin le jardin… Des haies pas taillées poussant à la diable. Des rosiers devenus des églantiers sauvages. Des herbes hautes, partout. On ne les avait plus coupées depuis des mois. Des ronces envahissaient l'allée de gravier. Tout semblait à l'abandon et depuis longtemps.

Elle avança doucement. De gros nuages traversaient le ciel et des bourrasques de vent levaient la poussière de la route. Un corbeau crassa.

La jeune fille s'avança jusqu'à la porte. Elle la toucha puis saisit la poignée. C'était fermé et, bien sûr, elle ne possédait pas la clé.

Elle longea la façade. Elle tira sur un volet, mais il était bien verrouillé de l'intérieur de la maison. Elle revint sur ses pas et frappa à la porte. Personne ne répondit. Elle colla son oreille pour écouter. Elle ne perçut aucun bruit.

Elle passa sur le côté gauche de la chaumière. Une autre fenêtre s'y trouvait cachée elle aussi par un volet.

Notre amie longea le mur arrière de la bâtisse. Il ne comportait aucune ouverture.

Revenant vers la façade avant par le côté droit, elle observa la margelle d'un puits. Un puits comme autrefois, entouré par un mur rond en pierre, un grand trou au fond duquel stagnait de l'eau. Christine s'en approcha.

À un anneau pendait une corde qui descendait jusqu'au fond. Notre amie se pencha pour regarder. Elle n'aperçut que le reflet de la lumière du soleil, à la surface de l'eau. Très curieuse, elle remonta la corde en tournant une manivelle en fer. Elle vit un coffret attaché au bout de la corde.

Elle voulut le saisir, mais la corde céda. Plongée depuis trop longtemps dans l'humidité du puits, elle était pourrie. Le coffret tomba au fond de l'eau.

- Oh zut... murmura Christine.

 

En regardant mieux, elle remarqua une échelle. Une vieille échelle en fer, rouillée, fixée à l'intérieur du puits. Elle allait jusqu'au fond.

Le ciel devenait sombre. Pourtant, l'après-midi ne faisait que commencer. Les nuages semblaient de plus en plus menaçants. La jeune fille sentit deux ou trois gouttes tomber sur elle.

-Dépêchons-nous, se dit-elle tout haut pour s'encourager.

Elle enjamba la margelle du puits et tout doucement, descendit le long de l'échelle en fer. Quinze échelons, froids et humides. Elle arriva au niveau de l'eau.

-Des tennis en toile, ça sèche vite, songea Christine. Et puis tant pis.

Elle entra dans l'eau et descendit encore. Elle en eut bientôt jusqu'à la ceinture. Elle toucha le fond. Elle lâcha l'échelle, se tourna et plongea ses mains dans l'eau froide. Elle en sortit le petit coffret. Elle le plaça sous son bras et remonta les échelons.

Arrivée au bord du puits, elle le posa sur la margelle. Juste à ce moment-là, l'orage éclata. Un éclair déchira le ciel noir et la pluie se mit à tomber à verse. En quelques instants, ses vêtements encore à moitié secs furent trempés.

Christine essaya de lever le couvercle du petit coffret, mais il résistait. Elle saisit son canif dans sa poche, sortit la grande lame et la glissa dans la fente entre le bord en bois et le couvercle. Le coffret céda et s'ouvrit. À l'intérieur, elle découvrit une clé.

Serait-ce la clé de la bicoque ?

Notre amie la prit en main et se dirigea vers l'habitation sous la pluie battante. Elle introduisit la clé dans la serrure. Elle tourna, et, saisissant la poignée, elle ouvrit la porte de la maison de la sorcière. Elle entra.

 

II faisait tout noir à l'intérieur. La seule lumière venait des éclairs qui illuminaient parfois, pendant une seconde, comme un flash d'appareil photo. Christine frissonna, trempée dans ses vêtements mouillés.

Un ou deux éclairs lui suffirent à apercevoir une énorme cheminée très sombre. Tout près, elle distingua deux vieux fauteuils, une table, des chaises et une autre pièce à droite, une cuisine. Au fond, un escalier montait le long du mur vers le grenier.

Elle laissa la porte d'entrée entrouverte. Elle dégagea un volet. Puis, elle visita la cuisine. Les armoires contenaient des assiettes, des tasses, des casseroles, des couverts.

Pas de sorcière en vue.

La jeune fille frissonna de nouveau de froid dans ses vêtements trempés. Elle avait encore peur. La sorcière pouvait venir d'un instant à l'autre. Elle ferma la porte d'entrée puis ouvrit les autres volets. Elle voyait plus clair ainsi.

Christine habite au milieu de la forêt avec ses parents. Chez elle, un feu brûle dans la cheminée toute l'année. Elle prit quelques petites branches et aperçut une boîte d'allumettes. Elle alluma, mit des bûches de plus en plus grosses et se fit un grand feu. Tout en séchant et en se réchauffant, elle regardait la lumière des flammes danser sur les murs.

Pendant qu'elle séchait, elle entendit, à l'étage, une sorte de grincement, peut-être un gémissement. Comme si on marchait dans le grenier.

Un instant, elle pensa sortir de la maison et se sauver, mais la curiosité l'emporta. Elle emprunta l'escalier qui mène au grenier. Il était fermé par une trappe, une porte horizontale dans le plafond. Elle la poussa de toutes ses forces, la soulevant de dix centimètres et regarda.

Elle aperçut deux lucarnes par lesquelles un peu de lumière entrait. L'orage s'éloignait. Il pleuvait encore, mais il faisait plus clair. On ne voyait pourtant pas très bien. Elle regarda à gauche, elle regarda à droite. Elle leva la trappe plus haut et la posa contre le mur. Christine entra dans le grenier.

Elle vit à gauche une grande armoire, et à côté, un porte-manteau. II y pendait des habits de sorcière. Une espèce de long manteau noir tout à fait déchiré et une robe noire effrangée elle aussi, se trouvaient juste à côté d'un balai.

Tu connais ces longs balais que ces étranges créatures emportent pour se rendre autour de la lune, et y danser, paraît-il, avec le diable.

Oui, sûrement elle se trouvait dans une maison de sorcière. Il fallait partir, et vite. Pourtant, elle continua la visite.

Qui ou quoi venait de causer le bruit qu'elle avait entendu il y a trois minutes, depuis le salon ? Notre amie fit encore deux ou trois pas dans le grenier et aperçut un chat.

-Bonjour, sourit Christine.

-Tu sais parler avec les chats, toi ?

-Oui, répondit la jeune fille. Dis-moi, une sorcière vit dans cette maison ?

-Je n'en sais rien, déclara le chat. Je m'abritais ici depuis trois semaines environ, en attendant que mes petits naissent. Ils sont ravissants. Tu veux les voir?

-Oh oui! avec plaisir.

Christine les prit l'un après l'autre et les caressa. Ils étaient mignons. Ça la rassurait de tenir un instant les chatons dans les bras. Cela gommait un peu sa peur.

-Personne n'est venu dans cette maison depuis ton arrivée ?

-Non, affirma le chat. Personne.

Dans un autre angle du grenier reposait un très grand coffre en bois qu'elle venait de repérer. Notre amie l'ouvrit. Elle y trouva un costume bleu nuit avec des boutons dorés, un costume de capitaine de bateau. Elle vit un képi. Elle aperçut des cartes géographiques. Christine en ouvrit une, mais elle ne la comprit pas. Une carte maritime. Elle saisit une bouteille dans laquelle se trouvait un bateau à voiles, comme fabriquent les marins en Bretagne.

Elle remarqua des couvertures bien pliées. Puis un sac, un grand sac en grosse toile brune. Elle l'ouvrit. Il était écrit "Pour Déborah. Dix ans." À l'intérieur, elle découvrit une magnifique poupée. Elle la sortit et l'examina. Elle avait un visage fin, en porcelaine, de beaux yeux bleus, des longs cheveux, une robe en velours rouge et des chaussures brunes. Christine ne joue pas à la poupée. Pourtant elle était si belle qu'elle la prit dans ses bras et redescendit les marches qui conduisent au salon.

Elle posa la poupée dans un des fauteuils. Puis elle retourna se réchauffer près du feu qu'elle avait allumé dans la cheminée. Elle ajouta une bûche. Dehors, il pleuvait encore. Le bois crépitait dans l'âtre.

 

À cause de ces bruits, la jeune fille n'entendit pas une voiture s'arrêter devant la maison. Elle n'entendit pas les deux portes s'ouvrir et l'homme et la femme en sortir. Ce qu'elle entendit, c'étaient les deux claquements quand ils fermèrent les portières. Quelqu'un allait entrer dans la chaumière.

Trop tard pour sortir. Se cacher, oui, mais où ? Dans le grenier. Elle monta bien vite les marches, entra là-haut et referma la trappe derrière elle. Elle se coucha par terre, dans un coin sombre près du coffre. Elle colla son oreille contre le plancher et écouta. Elle les entendit passer dans le salon et parler.

-Tiens, tu avais ouvert les volets ce matin?

-Non, je ne suis pas venu.

-Et le feu dans la cheminée?

-Je ne comprends pas.

-Oh, regarde. La poupée pour Déborah là, assise dans le fauteuil. C'est toi qui l'as posée ainsi ?

-Je te jure que je n'y suis pour rien.

-Mais qui alors?

-Aucune idée. Il faut croire que quelqu'un a trouvé la clé et est entré dans la maison.

À ce moment-là, sans le faire exprès, Christine bougea en rampant en arrière pour se dissimuler encore mieux derrière le coffre. Son pied fit glisser un bâton qui créa un grand bruit en tombant sur le plancher. Elle se redressa. On l'avait sûrement entendue.

-Ça vient du grenier, s'inquiéta la femme en bas.

-Je monte voir, décida l'homme.

Il fallait réagir, et vite. Notre amie observa la lucarne entrouverte. Elle poussa une chaise et y monta. Elle ouvrit la fenêtre oblique un peu plus, et, s'accrochant avec les mains, elle tira de toutes ses forces sur ses bras. Elle réussit à se hisser à l'extérieur. Elle se laissa glisser sur la paille du toit et tomba dans une corniche près d'une gouttière. Il pleuvait toujours. Elle aperçut un gros massif de plantes. Il fallait fuir. Alors, elle sauta.

Elle se blessa près du genou en se recevant au sol. Elle vit une longue égratignure d'environ dix centimètres qui saignait. La jambe droite de sa salopette était déchirée.

-Maman va encore se fâcher sur moi, se dit-elle. Tant pis.

Elle se releva. Se cacher ! Où ça ? Le puits. Oui, le puits.

Elle y courut, enjamba la margelle et descendit quelques échelons pour laisser juste passer sa tête. Elle profitait d'une très bonne vue sur la maison. Elle attendit.

 

Pendant un moment, elle ne remarqua rien et n'entendit rien. Après quelques minutes, tandis que la pluie lui tambourinait sur le dos et la trempait à nouveau, la porte s'ouvrit. Pour la première fois, elle les vit. Un homme et une femme. L'homme embrassa la dame, mais pas comme on embrasse son épouse ou sa compagne. Plutôt, comme on embrasse sa sœur. II lui donna un bisou sur la joue.

-Tu es sûre que ça ira ? demanda l'homme.

-Oui, affirma la dame, je vais m'en sortir. II le faut.

-À dimanche.

L'homme entra dans la voiture et partit.

La dame regarda un instant à gauche, à droite. Christine se baissa. Quand elle releva la tête, la porte était fermée.

 

La jeune fille attendit quelques minutes, puis elle sortit du puits. Elle se demanda ce qu'elle allait faire. II y avait deux possibilités: ou bien elle retournait chez elle ou bien elle frappait à la porte de la maison de la sorcière.

Qu'aurais-tu fait, toi ?

Vous le savez, notre amie est une curieuse. Elle risqua. Frissonnant encore dans ses vêtements trempés de pluie, elle s'avança timidement. Elle frappa trois coups. Comme on ne répondait pas, elle frappa plus fort. La porte s'ouvrit. La dame la regarda.

-Que fais-tu là, petit fille ? Entre, il pleut. Tu es toute mouillée.

Notre amie n'osa rien dire. Elle entra.

-Assieds-toi près du feu, tu vas te réchauffer. Si tu veux, enlève tes habits. On les mettra à sécher. Comment t'appelles-tu ?

-Christine, madame.

Son cœur battait à toute vitesse.

-Christine, serait-ce toi qui aurais trouvé la clé de ma maison dans le puits ?

Notre amie ne sait pas mentir. Elle rougit, honteuse.

-Oui, madame.

-Serait-ce toi qui as ouvert les volets ?

-Oui, madame.

-Serait-ce toi qui as allumé le feu dans la cheminée?

-Oui, murmura Christine.

-Tu es montée au grenier, tu as ouvert le coffre et tu as descendu la poupée ?

Notre amie tremblait. De peur plus que de froid à présent.

-Oui, madame, excusez-moi.

La dame regarda Christine droit dans les yeux, en silence.

-C'est merveilleux, dit-elle. Tu es un petit ange !

-Comment cela ? murmura notre amie, un rien rassurée.

-Reste près du feu, assieds-toi. Tu veux manger quelque chose ?

-Ma tartine de midi est encore dans ma poche, madame.

-Mange-la. Tu aimes les biscuits au chocolat ?

-Oh oui, se réjouit Christine.

-Que veux-tu boire ?

La dame lui donna une limonade bien fraîche.

-Je vais tout te raconter et t'expliquer. Tu vas comprendre ce qui se passe. 

 

-Tu as vu, dans le coffre, un habit de marin. Mon mari, capitaine de bateau, voyage à travers le monde et nous habitons ici. Nous avions une petite fille qui s'appelait Déborah. Elle allait avoir dix ans. Et toi?

-Dix ans tout juste, déclara notre amie.

-Notre Déborah, continua la dame, tomba très malade il y a six mois. Une terrible maladie. Les docteurs ne purent pas la sauver. Elle mourut à l'hôpital. À ce moment-là, mon mari repartit sur son bateau. Je ne l'ai plus revu.

"J'ai beaucoup pleuré. J'avais perdu ma petite fille que j'aimais et mon mari ne revenait pas. J'ai fait ce que les grandes personnes appellent une dépression. On m'a soignée dans une maison de repos et maintenant je vais mieux. On m'a permis hier de revenir habiter chez moi.

"Et voilà. J'arrive avec mon frère, tu l'as peut-être vu. Je pense que je vais trouver une maison noire, froide, sinistre. J'ouvre la porte et je vois que les volets sont ouverts, un bon feu brûle dans la cheminée et une poupée, qui me rappelle ma Déborah, m'attend assise dans le fauteuil. Tu es un petit ange, Christine ! Un merveilleux petit ange. Tu m'as réservé, sans le savoir, un chaleureux accueil.

Notre amie sentit des larmes couler sur ses joues.

La dame serra notre amie dans ses bras.

-Mais alors, affirma tout à coup Christine, vous n'êtes pas une sorcière ?

-Evidemment que non ! Qui te parle d'une sorcière ?

-Mon hibou dans la forêt et mon renard préféré. Je sais parler aux animaux et comprendre ce qu'ils disent. Votre maison délaissée depuis longtemps, ressemble un peu à celle d'une sorcière.

 

Ainsi, notre amie rencontra la dame qui habitait dans la maison au toit de chaume.

Il était temps de repartir chez elle. Une longue marche l'attendait.

-Tu reviendras, Christine ?

-Oui, je reviendrai, se réjouit la jeune fille. Promis.

-Préviens tes parents. Tu pourras loger chez moi si tu veux. Cela t'évitera deux longs trajets un même jour.

Christine revint chez la dame de la maison de la sorcière, comme elle l'appelle. Mais cela, c'est une autre histoire …

Lis vite la suite: La maison de l'homme fou. Christine 13.