Isabelle

Isabelle

N°9

Les Papillons

     Isabelle n'allait pas à l'école ce jour-là. Avec la permission de ses parents, elle se rendit chez Frédéric. C'est un bébé très joyeux, drôle, et en plus, sa mère fait d'excellentes galettes. Et puis, quand on a trois grands frères comme Isabelle, on aime pour une fois se comporter comme une grande sœur.

Elle sonna à la porte et la maman du petit vint ouvrir.

-Bonjour Isabelle.

-Bonjour, madame. Je peux jouer avec Frédéric ?

-Quelle bonne idée! Il sera très heureux. Il t'adore.

La maman regarda dehors. Il faisait beau.

-Si tu allais le promener? Je l'installerai dans la poussette et tu iras faire un petit tour. Je sais bien que tu n'as que cinq ans et demi, mais tu fais toujours très attention.

-Oh oui! se réjouit la fillette. Vous pouvez vraiment me faire confiance, madame. Je m'occuperai de lui comme une grande sœur. Je le surveillerai tout le temps et je vous le ramènerai bientôt.

-Bon, dit la maman de Frédéric en attachant son petit bonhomme dans sa poussette.

Le bébé était habillé tout en rouge. 

Isabelle portait une salopette jaune, un t-shirt blanc et des sandales de toile bleue. Ses longs cheveux blonds longeaient son visage en deux tresses qui dansaient sur ses épaules.

-Ne va pas dans la forêt, demanda la maman.

Notre amie promit.

Sitôt le petit installé dans sa voiturette, elle s'éloigna de la maison et suivit le petit chemin qui passe le long du mur du cimetière et puis qui va à travers champs. Elle avait promis à la maman de Frédéric de ne pas amener le bébé dans la forêt, elle comptait faire demi-tour avant le petit pont de bois qui enjambe la rivière.


Suivant la route le long des prés fleuris, elle aperçut un très beau papillon bleu, qui voltigeait près d'elle. Elle n'en avait jamais vu un si joli.

Le papillon s'éloigna en survolant un petit sentier qui longeait l'arrière des jardins et menait vers le bas du village. Isabelle tourna la poussette et l'emprunta. Il n'était pas bien large, mais les roues passaient tout juste.

Bientôt des hautes haies bordèrent l'étroit chemin. Vers la gauche, s'étendaient des champs cultivés, jusqu'à la rivière. À droite, des vergers fleuris et les jardins des maisons du village.

Le sentier, coincé entre les haies, offrait un coude vers la gauche et là commençait une longue ligne droite, de plus de trois cents mètres.

Quand elle y arriva, elle aperçut un gros chien noir, tout au bout. Il observait notre amie en grondant et en bavant. Il la menaçait de ses crocs. Une bête effrayante. Elle en eut tout de suite peur.


Isabelle voulut faire demi-tour avec la poussette, mais le chemin était tellement étroit entre les deux haies qu'on ne pouvait qu'avancer ou reculer. Elle tenta de reculer d'un pas ou deux. Le chien s'approchait lentement. Il grondait fort et bavait de plus en plus en aboyant.

Elle craignait pour elle et pour le bébé. Le chien pouvait mordre Frédéric. Ce serait terrible. Pauvre petit. Et elle ne voulait pas être mordue non plus. Elle se demanda ce qu'elle allait faire pour échapper à cet animal qui maintenant courait vers elle.


Le papillon bleu se posa sur l'oreille de notre amie.

-Écoute-moi, petite fille. Tu vois les petits fruits bleus là, le long de la haie ? Prends-en un. Mange-le vite. Donnes-en un au bébé. Vous allez devenir tous les deux des papillons. La vilaine bête ne pourra pas vous attaquer, car vous vous envolerez.

La fillette n'hésita pas. Elle cueillit un petit fruit bleu et le mit en bouche. Elle le croqua. Quel mauvais goût, sûr, acide! Mais elle l'avala.

Elle donna la moitié d'un autre au bébé. Il en recracha une partie sur sa grenouillère rouge.

Le chien approchait en courant.

Isabelle et le bébé se transformaient peu à peu. Notre amie devint un petit papillon jaune, sans doute à cause de sa salopette jaune. Le bébé se changea en un mignon papillon rouge car il portait un vêtement rouge.

Ils s'envolèrent tous les deux derrière le joli papillon bleu et échappèrent au chien qui bondissait vers eux, mais qui ne put les attraper.

Le terrible animal se vengea et mordit plusieurs fois les roues de la poussette. Puis il s'en alla et disparut près du bois.


-Ouf, souffla Isabelle. Merci papillon bleu. Tu nous as sauvés. Ce chien était vraiment agressif. Il aurait mordu Frédéric. Merci. Maintenant tu peux nous retransformer en bébé et en petite fille.

Le papillon bleu ne répondit pas.

-Que faut-il faire pour redevenir des enfants ? insista la fillette.

-Je ne sais pas, murmura le papillon.

-Comment tu ne sais pas! s'affola notre amie. Je ne veux pas rester un papillon toute ma vie, moi.

-Je ne sais pas, répéta le papillon bleu.

-Que vais-je devenir ? Et puis je dois reconduire le bébé chez lui. Je ne vais tout de même pas rapporter un papillon à sa mère. Mon Dieu, sanglota Isabelle, que faut-il faire ?

Elle tournait sur elle-même en voltigeant à gauche, à droite. Elle aperçut sa maison.

-Je vais aller demander conseil à maman.


Trois papillons passèrent au-dessus des haies fleuries. Le jaune, Isabelle. Le rouge, le bébé Frédéric. Et le vrai bleu. Ils survolèrent le jardin de notre amie.

-Attendez-moi sur la barrière, dit elle. J'arrive.

Le papillon jaune entra dans la cuisine. Ses parents préparaient le dîner. Comme cela sentait bon!

La fillette voltigea autour de la tête de sa mère en l'appelant. Mais la maman n'écouta pas le papillon. Au contraire, elle le chassa.

-Je te trouve bien joli tout jaune, mais dehors. Je ne te veux pas dans la cuisine.

Elle le fit sortir et ferma la porte.

Isabelle toute triste, se rendit compte que sa maman ne l'avait pas reconnue.

Elle monta en volant dans la brise jusqu'à sa fenêtre. Elle espérait entrer dans sa chambre, mais elle était fermée.

Elle aperçut son frère Benjamin à travers la vitre. Il avait ouvert l'un des tiroirs de sa petite sœur. Il tenait quatre caramels en main, et mâchait un cinquième en bouche.

-Voleur, s'indigna notre amie, furieuse. Attends que je redevienne une petite fille, je te règlerai ton compte. Tu profites de mon absence pour chiper mes bonbons!

Elle revint vers le bébé papillon rouge et le papillon bleu.

-Allons à ta maison, Frédéric, peut-être qu'on pourra s'approcher de ta maman à toi.


Les trois papillons volèrent au-dessus des haies près des maisons. Le rouge le bébé, le jaune Isabelle et le vrai en bleu.

La maman de Frédéric pendait du linge dans son jardin. Le papillon rouge se posa délicatement sur la tête de sa mère. Il l'appela. Mais elle le chassa doucement d'un geste de la main et des doigts.

-Pas dans mes cheveux, s’il te plaît, papillon...

Le bébé Frédéric revint en larmes près de notre amie.

-Maman dit que je ne peux pas me poser dans ses cheveux... Elle ne m'écoute pas...

-Elle ne sait pas que tu es devenu un papillon rouge, expliqua Isabelle.


-Papillon bleu, supplia notre amie, tu n'as vraiment aucune idée ? Il fait gris. Que ferons-nous s'il pleut ?

-En cas d'orage, expliqua le bleu, on s'abrite en-dessous d'une feuille ou contre une branche d'arbre.

Je n'ai pas envie de butiner des fleurs toute ma vie, songea notre amie. Je veux retourner chez mes parents.

-Peut-être que Pimpanica, notre roi, pourrait faire quelque chose pour toi, suggéra le papillon bleu.

-Où demeure-t-il ? demanda Isabelle.

-Dans la forêt.

-Je ne peux pas aller dans les bois avec le bébé.

-Oui, mais le roi ne viendra pas jusqu'ici, affirma le bleu.

-Alors, il faudra bien que je m'y rende, décida la fillette.


Trois papillons volèrent vers le bois. Le vrai en bleu, le jaune Isabelle et le rouge Frédéric.

Au pied d'un grand sapin, sur de la jolie mousse verte, se trouvait un papillon noir et jaune. Somptueux!

Le bleu s'inclina devant son roi. Le monarque le regarda et le salua. Puis il observa le jaune et le rouge.

-Vous n'êtes pas de vrais insectes, affirma le roi Pimpanica.

-Non, moi je suis une petite fille, expliqua Isabelle. J'ai cinq ans et demi et lui, ajouta-t-elle en montrant le papillon rouge, c'est un bébé. Nous sommes devenus des papillons pour échapper à un méchant chien. Mais notre ami bleu ne sait pas comment nous faire redevenir des enfants.

-Vous ne voulez pas rester en papillons ? demanda le roi.

-Non, on ne veut pas, confirma notre amie.

-Bien, dit le roi. Cela peut se faire. Mais pour cela vous devez d'abord tous les deux passer une épreuve.

-Ça veut dire quoi ? demanda Isabelle.

-Ça signifie que je vais vous demander de faire un travail. Si vous le réussissez, alors, vous pourrez redevenir, toi, une petite fille, et lui, un bébé.

-Mais lui, supplia Isabelle, il ne pourra pas faire un travail, c'est un bébé, il est trop petit.

-Alors, fit le monarque, je vais te transformer toi en petite fille, et lui restera un papillon.

-Pas possible! s'écria notre amie. Je dois reconduire Frédéric à sa maison. J'ai promis de le protéger. Je ne peux pas apporter un papillon à sa mère à la place de son bébé. Si tu veux, roi des papillons, je puis peut-être passer les deux épreuves. Mais ne me demande pas des choses trop difficiles, je ne suis qu'une petite fille.


-D'accord, accepta le monarque. Entendu. Ton courage me plaît. Voici ta première épreuve. Tu vas aller chercher mon dîner. Observe ce grand sapin.

-Oui, je le vois.

-Tout en haut, tu découvriras des nouvelles pommes de pin, toutes tendres. Elles viennent de s'ouvrir. Ces pommes de pin possèdent des tout petits filaments entre leurs écailles. Tu m'en ramènes trois.

-D'accord, accepta Isabelle.


Facile, se dit-elle en s'envolant. Si j'étais une petite fille, je ne pourrais évidemment pas monter au sommet du sapin, mais puisque je sais voler comme un papillon, ce sera vite fait.

Le bleu s'approcha.

-Fais attention là-haut car, si un corbeau te voit, il peut te manger.

-Oh, mon Dieu, s'inquiéta notre amie. Les corbeaux me font peur… Pourvu qu'il n'en vienne pas.

Elle voltigea toujours plus haut, mais alors qu'elle s'approchait de la cime du sapin, elle entendit un croassement sinistre.

Un corbeau se trouvait sur un arbre, juste à côté du sien.

Isabelle eut terriblement peur. Elle se cacha derrière une branche, replia ses ailes jaunes et ne bougea plus.

L'oiseau noir s'envola et vint se poser sur la branche où elle se tenait cachée. Elle crut qu'elle allait mourir dévorée.

Un second corbeau vint se mettre à côté du premier. Ils entamèrent une conversation, enchaînant des croassements.

-Croa, dit le premier.

-Croa, répondit le second.

Les deux corbeaux s'envolèrent un instant plus tard et partirent au loin. Notre amie ne les entendit plus.

Elle sortit de sa cachette et vola jusqu'au sommet du sapin. Là, elle prit trois petits brins jaunes entre ses pattes, comme l'avait demandé le roi. Puis elle redescendit le plus rapidement possible auprès de ce beau monarque.

-Voilà, présenta Isabelle.

Il mangea les trois petits brins et les trouva délicieux.


-Maintenant le travail du papillon rouge. Tu vas m'apporter mon dessert.

-Que veux-tu?

-Remonte la rivière jusqu'à l'étang.

-Oh! oui, je le connais. J'y vais souvent pour voir les libellules bleues parce que je les aime bien.

-Parfait. Tu vas te rendre là-bas. Tu apercevras sûrement quelques feuilles mortes sur l'étang. Elles viennent des arbres qui poussent aux alentours et flottent à la surface de l'eau. Sur certaines de ces feuilles, tu trouveras un peu de moisissure rouge ou jaunâtre. Tu m'en ramènes trois grains. Ce sera mon dessert.


Le papillon Isabelle s'envola, accompagné du vrai papillon bleu et du rouge Frédéric. Ils se posèrent tous les trois sur des roseaux qui bordaient l'étang.

Elle observa la surface de l'eau et repéra une feuille qui semblait porter des moisissures rouges.

-Facile à faire! se réjouit notre amie. Je me pose sur la feuille, puisque je ne suis qu'un papillon. Je ramasse les trois grains de moisissure et je les apporte au roi. Si j'étais une petite fille, je devrais entrer dans l'eau sale et boueuse. Ce serait moins drôle.

-Fais attention, prévint le papillon bleu. Les crapauds et les grenouilles sont friands de papillons, ils pourraient te manger.

-Je n'avais pas pensé à ça, soupira la fillette. Je ne veux plus être un papillon. On risque sans cesse d'être mangé.

Les grenouilles chantaient.

-Je les entends, dit-elle. Comment vais-je faire ?

Une libellule bleue se posa à côté de notre amie.

-Bonjour, dit la libellule.

-Bonjour, murmura Isabelle.

-Quelle drôle de petite voix. Tu es un vrai papillon, toi ?

-Non, je suis une petite fille.

-Tu es la fillette en jaune ou en bleu qui vient souvent nous donner des morceaux de biscuit.

-Oui!

-Merci. Que fais-tu là ?

-Je dois aller chercher un peu de moisissure sur la feuille qui flotte là sur l'eau, mais j'ai peur des grenouilles.

-J'y vais à ta place. Nous les libellules, nous volons tellement vite que ces animaux ne réussissent pas à nous attraper. Reste ici, je vais chercher ce qu'on te demande. Ne bouge surtout pas.

Elle partit. Elle se posa sur la feuille et ramassa les trois morceaux de moisissure rouge. Elle les apporta à Isabelle. Au moment où elle prenait son envol, un gros crapaud quittant son nénuphar plongea dans l'eau, mais la libellule revenait déjà.

-Voilà les grains.

-Merci, dit notre amie en souriant. Quand je serai redevenue une petite fille, je t'apporterai des biscuits et des morceaux de sucre.


Elle retourna chez le beau grand monarque noir et jaune, en compagnie du papillon bleu et du rouge Frédéric.

-Voilà, dit Isabelle, voici ton dessert.

Il mangea les trois brins de moisissure et les trouva délicieux.

-Bien, conclut le roi. Tu as réussi les deux épreuves. Je vais vous transformer, toi en petite fille, et lui, en bébé. Toi, le papillon bleu, il faut que tu partes à présent, car tu ne peux pas nous accompagner là où nous nous rendons.

Isabelle salua le bleu, et le remercia encore de les avoir sauvés des crocs du chien. Le papillon s'éloigna en voltigeant.


Les deux enfants changés en papillons jaune et rouge suivirent le monarque. Il leur fit remonter le cours de la rivière. Ils arrivèrent au pied d'une cascade au milieu des bois.

-Voilà. Nous allons nous faufiler derrière cette chute d'eau.

-Comment cela ? s'inquiéta Isabelle.

-On peut passer derrière le rideau d'eau, affirma le roi Pimpanica. Suivez-moi et faites très attention. Des gouttes d'eau giclent un peu partout et si l'une d'entre elles tombait sur vous, vous pourriez être entraînés dans la cataracte et mourir noyés.

Notre amie fut très prudente et protégea de son mieux le papillon rouge Frédéric. Elle arriva fort heureusement derrière la cascade à l'entrée d'une grotte assez sombre. Elle y découvrit des flaques d'eau de toutes les couleurs.

-Vous devez boire une goutte dans chacune d'entre elles. Suivez bien l'ordre que je vais vous dire. Blanc, rouge, orange, vert, noir, bleu, jaune, blanc.

Nos amis buvaient. Le roi continua ses explications.

-Voilà, vous redevenez des enfants. Courez vite sous la chute d'eau. Restez-y jusqu'à ce que tout le rouge sur le bébé et tout le jaune sur toi Isabelle, disparaisse. Sinon, la couleur vous collera sur la peau pour toujours. Adieu.

-Au revoir roi des papillons et merci, cria Isabelle, tout heureuse de se retrouver déjà en fillette.

Elle saisit Frédéric redevenu bébé et fila se mettre sous la cascade. L'eau était froide. Frédéric pleurait tout trempé. Il avait froid. Elle le tint sous le rideau d'eau, jusqu'à ce qu'il n'ait plus du tout de couleur rouge.

Elle s'inspecta aussi avec soin. Elle retrouvait sa salopette jaune, son t-shirt blanc, ses sandales de toile bleue. Il ne restait aucune trace de couleur sur elle ni sur le petit.


Elle quitta la chute, et portant le bébé dans ses bras, elle courut le plus vite qu'elle pouvait en direction du village. Mais le petit était lourd. Et le chemin fort long. Enfin, elle sortit du bois.

Elle envisagea de reprendre la poussette, là où elle l'avait laissée. Le chien devait être loin à présent. Mais quand elle arriva entre les haies du sentier, elle n'était plus là. Rassemblant ses forces, elle repartit avec le bébé.

Isabelle arriva enfin chez les parents de Frédéric.


Elle fut accueillie par la maman et le papa du petit. On lisait l'inquiétude sur leurs visages. Ses parents à elle, et même son frère Benjamin étaient présents. Un policier observait notre amie en silence.

-Isabelle! cria maman. Tu avais promis de bien t'occuper du bébé et tu le ramènes tout mouillé. Tu es allée jouer dans la rivière avec lui ?

-Non, maman, et je l'ai bien protégé. J'ai fait tout ce que je pouvais pour lui. Un gros chien nous menaçait. On a eu peur. Un papillon bleu m'a proposé de nous transformer en papillons en mangeant des fruits bleus. On est devenus des papillons. On est allé chez le roi Pimpanica. J'ai fait deux épreuves, une pour moi et une pour Frédéric. J'ai failli être mangée par un corbeau, puis par une grenouille. Et enfin on a dû se mettre sous la cascade pour nous laver de nos couleurs.

La maman s'approcha de sa fille.

-Ma chérie, tu m'inventes une belle histoire. 

-Mais c'est la vérité! D'ailleurs, rappelle-toi... Dans la cuisine, un papillon jaune s'est approché de toi.

-Je me souviens, affirma la maman.

-Tu m'as chassée parce que tu ne m'as pas reconnue.

-Je suis désolée, ma chérie. Je ne savais pas...

-Et puis, madame, continua Isabelle, en se tournant vers la maman du bébé, souvenez-vous. Vous avez eu un papillon rouge dans vos cheveux pendant que vous pendiez du linge dans votre jardin.

-Je me rappelle. C'était mon bébé ?

-Oui.

Elle embrassa son enfant.

-C'était toi mon bébé et maman ne t'a pas reconnu. Mon pauvre petit.

-Bon, interrompit le policier. Je crois que tout s'arrange pour le mieux. Je retourne au commissariat.

-Attendez, monsieur, lança notre amie. Vous pouvez emmener mon frère Benjamin avec vous. Il me vole mes bonbons. Il les chipe dans mon tiroir quand je ne suis pas là. Je l'ai vu quand, petit papillon jaune, je regardais par la fenêtre de ma chambre.

-Mon garçon, dit le policier, dois-je te prendre avec moi et te conduire en prison?

-Non, monsieur, répondit le grand frère. Je ne le ferai plus. Je vous le promets.

-Bien. 

-Je te fais confiance. Mais ne recommence plus.

-Promis, murmura Benjamin.


Revenant à la maison, il regarda Isabelle d'un air étonné et surpris et songea que décidément, même quand elles sont sous la forme d'un papillon, les petites sœurs savent tout sur leurs grands frères. On ne peut vraiment rien leur cacher…