Les quatre amis
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L'espion malgré lui (L'espion Partie 1)

     Un quartier résidentiel. Une rue tranquille. 17 H 30. Fin novembre. Les réverbères sont allumés. Une jolie maison, entourée de jardins.

Dans sa chambre, Jean-Claude, onze ans, tentait de terminer un devoir de mathématiques. 

Sa sœur Christine, dix ans, cinquième primaire, les leçons achevées, était assise devant la télévision. Elle venait d'aider sa maman à mettre la table.

Le papa finissait un travail délicat. Il ouvrit une grosse enveloppe brune et y glissa des documents qu'il venait d'imprimer. Il ferma et timbra.

- Christine, puisque tu n'as rien à faire, semble-t-il, dit-il en sortant de son bureau, j'aimerais que tu ailles porter cette enveloppe à la boîte aux lettres. La dernière levée se fait un peu avant dix-huit heures. Tu as encore le temps.

- D'accord, papa. J'y cours, répondit la jeune fille.

- N'y va pas, cria Jean-Claude. Je vais m'en charger moi-même. Je dois aller chez Philippe. Je ne comprends rien à mon devoir de mathématiques. Il va m'expliquer. Je passerai par le parc.

Le garçon enfila ses baskets, sa veste en jean bleu, prit l'enveloppe brune de son père et sortit de la maison.

Il venait de pleuvoir. Les pavés du trottoir, mouillés, luisaient. Ils reflétaient les lampes des réverbères. Le vent soufflait encore. Il faisait tomber quelques gouttes, en secouant les feuilles des arbres. L'automne. 17 H 50.

Arrivé à cent mètres de la boîte aux lettres, Jean-Claude parvint à la hauteur d'une grosse voiture américaine. Notre ami, amateur de belles automobiles s'approcha pour l'observer à son aise, mais il aperçut quatre occupants. Un peu de fumée de cigarette s'échappait par la fenêtre arrière entrouverte. Du coup, Jean-Claude dépassa la voiture sans s'arrêter.

 

Revenons le même jour à quinze heures à l'ambassade des Etats-Unis, au centre-ville.

Deux hommes se trouvent dans le bureau de l'ambassadeur. Deux spécialistes des affaires d'espionnage et de contre-espionnage américains, issus de la CIA, Central Intelligence Agency.

- Je résume la situation, dit l'ambassadeur en prenant la parole. Vous demandez mon assistance parce qu'un espion que vous n'avez jamais vu, va, pensez-vous, poser à 17 H 55 précisément, dans une boîte aux lettres située au coin du parc ici derrière nos bureaux, un paquet brun qui est destiné à X. Et vous voulez l'intercepter et vous emparer de son contenu.

- Exactement, répondit l'homme de la CIA. Il faut saisir ce document excessivement important avant que le fourgon postal ne l'emporte pour Dieu sait où. Nos ennemis, les agents du service du contre-espionnage d'un pays du Moyen-Orient bien connu, seront sans doute sur place. Ils tenteront de récupérer ces papiers. Ils veulent éviter de laisser filer vers le monde de la presse des preuves accablantes concernant leurs recherches sur les armes chimiques.

- Bien, ajouta l'ambassadeur. Vous pouvez compter sur mon aide. Mon chauffeur est un tireur d'élite. Je vais vous adjoindre un garde du corps, choisi parmi mes Marines. Ils vous conduiront dans ma voiture personnelle aux environs de la boîte aux lettres. Vous y ferez le guet et vous pourrez sans doute intervenir à temps.

Les deux hommes se levèrent et remercièrent. Tous se serrèrent la main. 15 H 17.

 

Jean-Claude venait de dépasser la voiture américaine, où le chauffeur tireur d'élite, le Marine et les membres de la CIA attendaient l'arrivée de l'agent secret. 17 H 52.

Il restait au garçon environ cinquante mètres à parcourir avant d'atteindre la boîte aux lettres. Son regard fut attiré par un appartement situé de l'autre côté de la rue, au deuxième étage. Il observa un instant les fenêtres bizarrement grandes ouvertes alors que toutes les lumières étaient éteintes. Notre ami crut apercevoir l'extrémité, les derniers centimètres, d'un canon de fusil sur l'appui de fenêtre. Ça luisait à la lueur des réverbères.

Il n'avait pas tort.

 

Revenons à 15 H 30 à l'ambassade d'un pays du Moyen-Orient particulièrement belliqueux. Bureau de l'ambassadeur.

- Je vous écoute, Monsieur Korbokov.

Alexeï Korbokov se leva. Ancien colonel du KGB, reconverti en chef du département d'espionnage de ce pays, il est toujours accompagné par son fidèle et inséparable Vladimir, surnommé le sadique, surnommé le coupeur de tresses, surnommé le charmeur aux mains d'acier, surnommé le monstre. Il curait ses ongles avec un long couteau.

- La situation semble claire, reprit Korbokov. Nous avons acquis la certitude qu'à 17 H 55, un espion d'envergure internationale, un agent double, que nous ne connaissons pas, va déposer dans une boîte aux lettres, située à l'angle du parc, derrière l'ambassade américaine, un document emballé dans une enveloppe brune. Ce document est de la plus haute importance. Les Américains sont sur le coup. Nous devons récupérer ce dossier avant que le fourgon postal ne l'emporte, ou au moins le détruire.

L'ambassadeur du pays du Moyen-Orient réfléchit un instant.

- Ça tombe très bien. Des amis habitent juste en face de cette boîte aux lettres, un appartement situé au deuxième étage. Je vais leur demander de nous prêter leurs fenêtres sur rue dès dix-sept heures. Vous pourrez vous y poster avec vos armes.

 

Jean-Claude arriva à la boîte aux lettres à 17 H 54.

Au moment où il allait glisser l'enveloppe brune contenant les documents écrits par son père, une voiture Lamborghini rouge s'engagea dans la rue et s'arrêta à son niveau. Les pneus crissèrent. À l'intérieur, notre ami, qui admirait le bolide, aperçut un homme qui tenait sur les genoux une grosse enveloppe brune, semblable à la sienne.

Le garçon glissa le paquet de son papa dans la boîte aux lettres et fit quelques pas vers le parc. Il perçut un moment de silence, comme si le temps s'était soudain arrêté. Un instant plus tard, il entendit une détonation. La boîte aux lettres vola en éclats, se transformant en une torche de feu.

Jean-Claude, se retournant, vit les portes de la voiture américaine s'ouvrir. Deux hommes en sortirent, armés de fusils. Un deuxième coup de feu retentit, venant de l'appartement du second étage. Un des Américains tomba mort sur le sol. Une fusillade s'ensuivit.

L'homme dans la Lamborghini observait avec attention notre ami, autant que Jean-Claude le regardait, puis, écrasant le pied sur l'accélérateur, il démarra en trombe et disparut dans la nuit, emportant son précieux document.

 

Le garçon s'encourut vers le parc, le cœur battant, transpirant de peur. Il y suivit la grande allée qui traverse ce square diagonalement et conduit chez son ami Philippe. Il avait à peine fait deux cents mètres qu'il aperçut, derrière lui, des ombres qui semblaient fouiller le parc et qui se rapprochaient. Il comprit qu'on le poursuivait.

Ils croient sans doute que mon père est un espion, réfléchit Jean-Claude. Où se cacher? Derrière un arbre? Tout le monde fait cela. Dans un massif de plantes? On le repérerait aussitôt.

Il s'arrêta au bord de la grande fontaine, la pièce d'eau circulaire qui se trouve au centre du parc. Le jet d'eau était à l'arrêt, mais le bassin, bordé de fer forgé, était envahi de nénuphars et de roseaux.

Notre ami enjamba la petite balustrade et entra dans l'eau froide. Il faisait très frais. L'automne mordait déjà les feuilles des arbres. Le garçon sentit l'eau passer dans ses baskets et tremper son jean jusqu'au-dessus des genoux. Arrivé au milieu du bassin, il se baissa parmi les roseaux. L'eau froide le mouilla jusqu'au cou.

L'ombre qui le suivait apparut, revolver au poing et longea la fontaine. Jean-Claude se baissa encore. L'eau lui venait au menton à présent. Il tremblait, autant de peur que de froid, dans l'eau glacée. Sa veste, son t-shirt, son jean, ses baskets, tout lui collait à la peau.

L'homme, toujours muni de son arme, s'approcha de la pièce d'eau. Il observa en silence, puis fit demi-tour et disparut par une autre allée.

 

Notre ami ne put pas pu rester une minute de plus dans cette eau glaciale. Il se redressa, ruisselant, et sortit de la fontaine. Il quitta le parc en marchant le plus rapidement possible et s'apprêta à traverser la rue en face du building où habite son ami Philippe.

À ce moment-là, l'homme au revolver s'approcha de Jean-Claude. Il le menaçait et allait lui parler. Mais une voiture de police tourna au bout de la rue. L'homme rangea son revolver dans la poche de sa veste. Il regarda attentivement le garçon et lui murmura à l'oreille:

- Il ne faut pas confondre les fontaines des parcs publics avec des bassins de natation. Je te retrouverai.

Puis il s'éloigna d'un pas rapide.

Jean-Claude, sans demander son reste, traversa la rue, sonna chez son copain et monta au quatrième étage. Philippe lui ouvrit.

- Qu'est-ce qui t'arrive? Tu es allé nager dans la piscine tout habillé?

- Laisse-moi entrer, souffla notre ami. Il m'arrive quelque chose de terrible. Tes parents sont là?

- Non, ce soir, ils ne reviennent qu'à huit heures, affirma Philippe. Viens, tu ne vas pas rester comme ça. Tu trembles de froid. Déshabille-toi. Je vais te passer des vêtements à moi.

Quand Jean-Claude se fut changé, il raconta à son ami les aventures qu'il venait de vivre. Philippe prit la parole.

- Je vais te faire le plan du devoir de maths comme ça tu n'auras aucun problème pour terminer ton travail. Et puis je te ramène chez toi.

- Non, répondit son copain. Ça ira. Je peux revenir tout seul.

- Pas question, décida Philippe. Je te reconduis chez toi. Je ne te laisserai pas tomber.

Les deux garçons sortirent du building. Ils traversèrent le parc et arrivèrent chez Jean-Claude par un chemin détourné.

Notre ami raconta son aventure. Aussitôt, ses parents téléphonèrent à la gendarmerie. Deux inspecteurs d'Interpol - la police internationale - vinrent interroger Jean-Claude. L'affaire dépassait le cadre de la police de quartier et se trouvait déjà entre leurs mains.

Ils demandèrent au garçon de raconter en détails ce qu'il avait vu et entendu. Ils posèrent de nombreuses questions concernant la voiture américaine et ses occupants, l'appartement, le type d'arme, la boîte aux lettres, la Lamborghini, celui qui la conduisait. Bien sûr, notre ami ne put répondre à tout ce qu'ils demandaient.

Puis les inspecteurs s'en allèrent, lui laissant une carte de visite afin qu'il puisse appeler s'il se souvenait d'autre chose.

Jean-Claude termina rapidement son devoir, prit une bonne douche et alla se coucher. Les événements lui avaient coupé l'appétit. Il ne soupa pas.


Il se tournait et se retournait dans son lit, cherchant le sommeil.

Tout à coup, par la fenêtre ouverte de sa chambre, il aperçut une main gantée de noir se poser sur l'appui. Puis une seconde. Et, lentement, une tête masquée apparut, montant par une échelle sans doute posée contre le mur de la façade.

Jean-Claude, terrorisé enfonca les ongles de ses doigts dans sa couette. Il voulut appeler papa ou maman mais demeura sans voix.

L'ombre se hissa lentement sur l'appui de fenêtre puis épaula un fusil muni d'un viseur à rayon laser orange. Le point lumineux vint se placer entre les deux yeux de notre ami raide de peur.

- Toi, tu ne me dénonceras jamais. Tu ne parleras plus.

Jean-Claude entendit une détonation, hurla, et s'éveilla.

Dehors, un orage venait d'éclater. Le bruit de la foudre avait tiré notre ami de son sommeil. Il se leva et ferma sa fenêtre. Il ne vit personne dans la chambre.

Il se remit au lit après avoir éteint la lumière. Enfin, il s'endormit pour de bon.


Le lendemain, Jean-Claude et sa sœur Christine partirent pour l'école. Ils retrouvèrent leur grand copain Philippe en route. Les deux garçons vont dans la même classe, en sixième. Christine raconta les événements à son amie Véronique qui étudie en cinquième année comme elle.

Certains jours, pendant l'heure de midi, Jean-Claude, Philippe, Christine et Véronique, nos quatre amis, ne prennent pas leur repas à l'école. L'appartement de Philippe se trouve à deux pas. Ils vont manger leur pique-nique chez lui. Ils ont l'autorisation.

Comme ils sortaient de l'école et marchaient sur le trottoir, ils ne s'aperçurent pas qu'une grosse voiture américaine les suivait, roulant au pas. La voiture les dépassa et s'arrêta. Un homme en sortit. 

- Venez, dit-il. Entrez dans ma voiture. Quelques instants seulement. Je vais vous montrer un livre qui contient des photos. Celui d'entre vous qui était à la boîte aux lettres hier soir va reconnaître l'homme qui conduisait la Lamborghini rouge. Il me l'indiquera et vous pourrez continuer votre chemin.

- Non, affirma Jean-Claude. Je ne parlerai qu'en présence de mes parents et de l'inspecteur de l'Interpol.

L'envoyé des services secrets des Etats-Unis remonta dans la voiture et démarra sans insister.

Nos amis, effrayés, retournèrent à l'école et téléphonèrent aux parents et au policier de l'Interpol qui avait laissé sa carte de visite.

L'inspecteur promit une garde rapprochée pour Jean-Claude et Christine dès trois heures et demie à la fin des cours.

 

Vers trois heures, le directeur de l'école vint frapper à la porte de la classe de sixième année. Il entra.

- Jean-Claude, dit-il, prends tes affaires, et suis-moi.

Christine attendait dans le couloir. Le directeur ajouta:

-Une équipe d'Interpol vous attend à la sortie. Ils vont vous reconduire chez vous. Ils désirent vous poser quelques questions.

Jean-Claude et Christine, ayant mis leurs cartables au dos, sortirent de l'école.

Une portière de voiture s'ouvrit devant les grilles. Un homme les fit entrer, un revolver au poing. Ce n'était pas l'inspecteur de l'Interpol mais Alexeï Korbokov. Christine entra, bien obligée, suivie par son frère. Vladimir était assis à l'arrière du véhicule. La voiture démarra. Les deux hommes avaient menti au directeur de l'école de nos amis.

Vladimir pointa son couteau vers le ventre de la jeune fille, et cria à Jean-Claude:

- Tu prends le livre qui se trouve à côté de moi, tu l'ouvres, tu regardes les photos, tu reconnais l'espion à la Lamborghini ou bien ta petite sœur va commencer à souffrir.

Notre ami ouvrit le livre et tourna les pages. Il observa les nombreux portraits qui s'y trouvaient aussi vite qu'il pouvait. Ses mains tremblaient. Il voulait protéger sa sœur en bon grand frère qu'il est. Soudain, il reconnut, sans hésiter, la photo de l'homme qui conduisait la voiture de course italienne.

- C'est lui, affirma-t-il.

Alexeï Korbokov freina, se retourna et regarda la photo.

- Ennio Calzone. Ça alors! Je ne l'aurais jamais cru.

Il referma le livre, roula encore trois cents mètres et déposa les deux enfants devant une cabine téléphonique.

- Vladimir! Range ton couteau, et donne-leur une carte de téléphone.

Nos amis avertirent leurs parents. On vint les chercher aussitôt.


Vers dix-huit heures, plusieurs voitures s'arrêtèrent devant la maison de Jean-Claude et Christine. Des soldats en sortirent et envahirent le jardin. Le responsable de la CIA sonna à la porte, accompagné d'un inspecteur d'Interpol. Un vrai, cette fois. Le papa de Jean-Claude alla ouvrir. Les deux hommes entrèrent dans le hall, demandant à être reçus. Ils présentèrent un livre au garçon.

Notre ami répondit:

-Inutile, monsieur. L'homme que vous cherchez s'appelle Ennio Calzone.

Le responsable de la CIA hésita un instant.

- Tu es certain?

- Tout à fait, affirma Jean-Claude. J'ai vu le même livre dans la voiture de vos concurrents. Ils ont deux heures d'avance sur vous.

- Bien.

L'homme fit demi-tour après avoir salué et partit en emmenant ses soldats avec lui.

- Tu n'auras plus de soucis maintenant, promit l'inspecteur de police encore présent. Ils savent tous qui ils cherchent. Ils ne t'ennuieront plus.

Deux semaines passèrent.


Jean-Claude, Christine, Philippe et Véronique jouaient au parc. Une partie de football. Les filles faisaient équipe contre les garçons. Tout à coup, la balle sortit du terrain. Jean-Claude, courut pour la reprendre. Il entendit une voix derrière un buisson.

- Hé, garçon. Viens. Renvoie le ballon et passe ici derrière la haie. Ne crains rien.

Jean-Claude, intrigué, shoota et cria à ses amis qu'il arrivait tout de suite. Il se glissa dans le massif de rhododendrons. Un homme se trouvait là, qui l'observait.

- Je suis Ennio Calzone.

Notre ami le savait.

- Écoute-moi. Accepterais-tu de me rendre un grand service, à moi et au monde en même temps? J'ai besoin de toi. Je t'ai vu à l'œuvre il y a quinze jours et tu as l'air d'avoir du cran. Le parc où nous nous trouvons est entouré de faux policiers à la solde de mon ennemi, Alexeï Korbokov. Ils fouillent tout le monde.

Ennio Calzone sortit une clé USB de la poche de son veston.

- Les informations qu'elle contient sont de la plus haute importance. Il s'agit d'une base dans laquelle on fabrique des missiles atomiques dans un pays du Moyen-Orient particulièrement agressif et menaçant ces temps-ci. Cette base présente un vrai danger pour le monde démocratique. Si je sors avec ces documents, les faux policiers vont me fouiller et le prendre.

L'espion se tut un instant. Jean-Claude l'observait en silence.

- Je ne vois pas très bien où cacher cette clé, mais toi tu connais à fond le square. Accepterais-tu de la dissimuler dans l'enceinte du parc, de tenter de la récupérer jeudi ou vendredi, et de venir samedi, à 14 h 05, à la gare centrale, avec tes amis pour me la remettre?

Notre ami hésita un instant. Pris de court, il répondit :

- Oui, monsieur, si vous voulez.

- Bien. Je te remercie.

- L'homme ou la femme à qui tu devras remettre cette clé aura sous le bras un journal italien : le Corriere Della Sera. Tu devras lui dire : « Encantado », ce qui signifie : comment allez-vous... en espagnol. Il devra te répondre : "Non merci. Jamais entre les repas". C'est le mot de passe. D'accord?

- D'accord, murmura Jean-Claude, assez inquiet et sans trop réfléchir.

- Je te remercie. Et je te revaudrai cela. Promis.

Ennio Calzone s'éloigna après lui avoir confié la clé USB.

Le garçon retrouva ses amis. Il les mit au courant de ce qui venait de se passer.

- Trouver une cachette, réfléchit Christine.

- Peut-être dans le creux d'un arbre, proposa Véronique.

- Non, affirma Philippe. Tout le monde ira voir là en premier.

- J'ai peut-être une idée, reprit Christine.

- Oui, répondirent les trois autres.

- Une des statues en bronze qui se trouvent dans le parc a une main cassée. Elle tient encore, mais elle est fendue et creuse. On pourrait glisser la clé dans la fente.

- Génial, conclut Philippe. Ils n'y penseront pas. Surtout si nous réussissons à replacer la main dans sa position naturelle.

Nos amis s'approchèrent de la statue en jouant au football, mine de rien.

Véronique observa la main fendue puis fit signe à son copain. Jean-Claude prit la clé USB et l'introduisit dans le bronze de la statue creuse. Christine, en passant derrière son frère, redressa la main d'un geste rapide et précis.

Nos amis s'éloignèrent et retournèrent chez eux. On ne les  fouilla pas à la sortie du parc. De son côté, Ennio Calzone avait disparu.

 

Le jeudi et le vendredi, ils n'eurent guère le temps de se rendre au square mais ils y allèrent le samedi matin. Des joggeurs faisaient leurs exercices matinaux, d'autres promenaient leur chien. Partout, des gens semblaient fouiller les taillis, la pièce d'eau, les arbres. Ils paraissaient avoir tous des têtes d'espion. Christine crut même apercevoir Vladimir. Elle se trompait. Mais ils n'osèrent pas s'approcher de la statue.

Jean-Claude, Christine, Philippe et Véronique arrivèrent dans le grand hall de la gare centrale un quart d'heure avant 14 heures. Ils y trouvèrent une grande animation, comme toujours. Des longues files se formaient aux guichets. Des groupes munis de sacs à dos échangeaient des projets de randonnées. Des touristes passaient et repassaient. Comment retrouver leur correspondant au milieu de cette foule?

Plusieurs personnes tenaient des journaux sous le bras. Impossible de savoir si ces journaux étaient imprimés en italien ou en une autre langue. Un homme à l'air bizarre s'approcha de nos amis. Il allait les dépasser. Philippe risqua.

- Encantado?

L'homme s'arrêta.

- Je suis désolé. Je ne comprends pas cette langue.

- Excusez-moi, murmura Philippe. Je me suis trompé. Excusez-moi monsieur, répéta le garçon.

Mais le manège de notre ami attira l'attention de Vladimir et Alexeï Korbokov, postés au balcon intérieur de la gare, au premier étage. De là, ils observaient la foule en silence.

Déjà Vladimir venait de repérer Christine. Il se souvenait de l'avoir menacée avec son couteau dans la voiture, l'autre jour. Que faisaient ces enfants à cet endroit, et à cette heure précisément? Un d'entre eux avait rencontré Ennio Calzone lors de l'affaire de la boîte aux lettres. Et maintenant, ils se trouvaient là, dans ce hall, juste au moment où le contact qu'ils attendaient tous les deux et qu'ils espéraient intercepter, allait avoir lieu. Cela lui parut plus qu'étrange.

Alexeï Korbokov et Vladimir ne quittèrent plus nos amis des yeux.

À 14 H 05, une vieille femme monta péniblement les escaliers en provenance des quais souterrains. Visible à souhait dans son ample robe rouge à grosses fleurs, maquillée comme une star de music hall, elle traînait une valise à roulette et un grand sac derrière elle. Sous son bras se trouvait un journal qui pouvait être en langue italienne. Jean-Claude hésita puis s'avança vers elle.

- Encantado?

- Jamais entre les repas, répondit la femme. Les enfants, embrassez vite votre tante Irma. Vite, embrassez votre tante Irma, répéta la femme en insistant.

Philippe réagit au quart de tour avec son bagou habituel.

- Tante Irma! Alors, ces vacances au Brésil? Raconte-nous.

- Oh! Acapulco! ses plages, ses palmiers, ses petits restaurants...

- Acapulco est au Mexique, tante Irma. Parle-nous plutôt de Copacabana ou de Rio, interrompit Philippe.

- Une bonne petite glace mes chéris, cria la vieille dame, ça vous tente? Quel bonheur de vous retrouver. C'est gentil d'être venu m'accueillir après mon voyage en Amérique du Sud... Continuez à m'interroger concernant ce voyage, ajouta la femme d'un ton nettement plus bas.

Elle entraîna nos amis en direction de la taverne de la gare. Ils s'assirent autour d'une table et commandèrent des glaces et des boissons. La dame âgée parlait sans cesse de Rio de Janeiro, de ses plages, de ses ruelles, de ses restaurants, de son séjour là-bas.

Vladimir suivit nos amis tandis qu'Alexeï Korbokov continuait d'observer le hall de la gare.

L'espion les regarda et les écouta attentivement à la taverne, caché derrière une colonne. Quand il vit arriver les boissons et les glaces, il pensa que les enfants étaient vraiment venus accueillir une vieille tante un peu excentrique, et que celle-ci n'avait rien à voir avec le contact qu'Alexeï Korbokov attendait. Il rejoignit son chef. Un quart d'heure plus tard, ils retournèrent bredouilles à leur ambassade, le rendez-vous raté.

 

Après avoir dégusté leurs glaces et bu leurs boissons, après avoir écouté tante Irma parler du Brésil pendant une demi-heure environ, la vieille dame se leva prétextant un passage aux toilettes.

Ennio Calzone en revint sans masque ni perruque. Nos amis découvrirent qu'il excelle dans l'art de se dissimuler et de se déguiser. Ils étaient ébahis.

Tous se levèrent et se dirigèrent vers la sortie de la gare. Ennio héla un taxi. Ils y montèrent et donnèrent l'adresse du parc dans lequel la clé USB se trouvait cachée.

Philippe et Véronique, moins connus des ennemis, la récupérèrent dans la main de bronze de la statue.

Ennio Calzone promit aux enfants de les retrouver bientôt. Il voulait les récompenser pour leur courage, leur intelligence et leur perspicacité

L'espion remonta dans le taxi qui attendait. Il ferma la porte et disparut au coin du parc après un « arrivederci » bien sonore.

 

Retrouve Ennio Calzone et les quatre amis dans une nouvelle aventure "Un voyage de rêve". Les 4 Amis 18.