Isabelle
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Le bébé dinosaure (Partie 2)

Retrouve le premier épisode ici.

 

     Souviens-toi, Isabelle a rencontré un petit dinosaure. Il avait faim, elle lui a donné des pissenlits. Le petit animal lui a offert un œuf. Notre amie a apporté cet œuf à la maison.

Plus tard, avec ses parents, elle est allée dans une grotte déterrer des os de dinosaure. Ils les ont rangés dans le garage.

Cette nuit-là, Isabelle a fait un horrible cauchemar. Elle a cru qu'elle se levait et qu'elle collait les os, créant ainsi un terrible animal carnivore et sanguinaire, qui voulait dévorer ses grands frères. Ce n'était heureusement qu'un mauvais rêve.

Le lendemain, ils portèrent les os au musée des sciences naturelles de la ville. Mais Isabelle conserva l'œuf que lui avait offert le petit dinosaure. Elle l'avait posé sur la table de la chambre, qu'elle partage avec son frère, Benjamin.


Ce jour-là, il n'y avait personne à la maison. Papa et maman travaillaient. Bertrand, Benoît, Benjamin, étaient à l'école ou à l'université et Isabelle dans sa classe de troisième maternelle. La maison somnolait, tranquille, paisible, silencieuse.

Soudain, l'œuf que notre amie avait posé sur la table de sa chambre, remua un peu. Une fissure apparut, puis une seconde qui se divisa. Bientôt, un morceau de coquille se détacha. Aussitôt, un bec d'animal apparut et un petit bébé dinosaure sortit tout seul de son œuf.

Il sauta maladroitement sur la table et regarda autour de lui. Il semblait craintif, mais curieux quand même. Il tourna sa tête dans toutes les directions.

Il aperçut d'abord un lapin. Le lapin blanc en peluche d'Isabelle, son doudou. Le petit dino, effrayé, poussa un cri de terreur.

Observant plus haut, il découvrit le nounours de Benjamin. Notre petit dino poussa un second cri, affolé par l'étrange animal.

Tournant la tête sur le côté, il vit les trois poupées d'Isabelle au pied de l'armoire. Cette fois-ci, c'était vraiment trop. Il poussa un nouveau cri puis, cherchant à se sauver à reculons, il tomba de la table, courut sur le tapis et se glissa en dessous du lit. Il se cacha dans le coin le plus sombre près de l'angle du mur et n'en bougea plus.


À trois heures et demie, maman revint à la maison avec Isabelle et Benjamin. Les deux grands frères, Bertrand et Benoît, restent au cours plus tard. Benjamin s'assit aussitôt à sa table, près de la fenêtre, pour faire son devoir. Notre amie qui dessinait sur la sienne, près du mur, entendit un bruit, comme un petit cri.

- Ma...

- Qu'y a-t-il, Benjamin? murmura Isabelle.

- Rien, répondit le garçon. Tais-toi.

- Oh! tu as cassé mon œuf de dinosaure! Je viens de le remarquer.

- Ce n'est pas vrai, affirma Benjamin. Je n'ai pas touché à tes affaires.

 

À nouveau, les deux enfants entendirent le petit cri venu du dessous du lit.

- Ma...

Isabelle se mit à quatre pattes, puis à plat ventre sur le tapis. Elle vit bouger quelque chose près de l'angle du mur. Elle s'approcha, curieuse, en rampant et aperçut l'animal apeuré.

- Oh! mon petit dinosaure, dit la fillette d'une voix douce et toute émue.

Elle tendit la main et le prit doucement entre ses doigts. Elle se releva en le caressant.

- Regarde Benjamin. Un bébé dinosaure.

Le garçon contemplait la scène avec ravissement. Le petit ouvrit les yeux et vit notre amie. Il l'observa un instant et puis murmura.

- Ma... man...

- Oh! Il m'appelle maman! Pauvre petit dino, je ne suis pas ta maman.

- Ma... man... répéta le petit animal.

- Mon chéri, je ne suis pas ta maman, mais tu ne peux pas comprendre. Tu es trop petit.

Elle le caressait en dessous de son bec à présent. Il fixait la fillette avec ses grands yeux noirs pleins d'espoir.

- Il doit avoir faim, dit Isabelle. Je vais lui chercher à manger. Il vient de sortir de l'œuf. Il a dû naître pendant qu'on était à l'école.


Elle posa le petit animal sur le lit, près d'une de ses poupées, mais il semblait en avoir très peur. Notre amie l'ôta de sa vue en la glissant sous une couverture. Puis elle courut préparer un peu de mie de pain trempée dans du lait. Elle revint ensuite dans sa chambre et posa l'assiette sur le tapis.

- Viens, mon petit dino. Tu vas manger. C'est pour toi.

Le prenant à nouveau dans ses bras, elle lui présenta la nourriture. Le bébé en prit une bouchée, puis se retourna et la recracha.

- Bêêêk...!

- Oh! s'indigna Isabelle. Tu es un petit difficile! Essaie encore, tu verras, c'est bon.

Le petit dino goûta puis se tourna de nouveau vers Isabelle. Alors, avec une infinie tendresse, il murmura:

- Ma...man...

Notre amie joua quelques minutes avec lui, comme on joue avec un jeune chat. Elle était émue.


Après le repas du soir, elle glissa le dinosaure dans le lit de sa poupée. Elle le borda avec une couverture. Elle le caressa encore un moment en lui chantant une petite chanson qu'elle avait entendue à la télévision.

- Dors, mon petit dino. Dans le ciel s'allument les étoiles. Dors, mon petit dino. La lune ronde veillera sur toi. Dors mon petit dino... Mon tout petit, ajouta la fillette avant d'aller se coucher à son tour.


Le lendemain, Isabelle se réveilla tôt. Elle n'avait pas rêvé. L'animal était bien présent, près de son lit.

Elle enfila sa salopette jaune et ses tennis bleus et courut au jardin cueillir des pissenlits. Elle en présenta à son ami, pensant qu'il aimerait mieux cela que le pain. Mais de nouveau il murmura d'un air dégoûté:

- Bêêêk...!

Isabelle prit alors la décision de le conduire en dessous du pont de bois où elle avait rencontré l'autre dinosaure, celui qui lui avait offert l'œuf en cadeau. Elle pensait que la vraie maman, celle qui avait pondu l'œuf, finirait par revenir pour emporter son bébé avec elle.

Notre amie ne savait pas que cette maman dinosaure était morte depuis longtemps et que ses os étaient exposés au musée des sciences naturelles. 

La fillette glissa les débris de l'œuf dans un sachet et partit, emportant son ami dans les bras. Elle le caressa encore en marchant. Elle parvint au petit pont de bois où passe le chemin de terre qui va du village jusque dans la forêt.

Elle posa les écailles dans la belle herbe et força le petit dinosaure à s'y blottir.

- Quand ta maman reviendra, elle ne te reconnaîtra pas si elle ne te voit pas sortir de ton œuf.

Puis Isabelle lui donna un dernier bisou d'adieu et tout émue, revint à la maison, en essuyant les larmes qui coulaient sur ses joues.


Le petit dinosaure attendit longtemps, très longtemps, que sa maman vienne. Mais elle ne vint jamais.

Tu comprends, toi, tu le sais, sa maman est morte.

Alors inquiet et quelque peu désespéré et surtout très affamé, il sortit de l'œuf et fit même une culbute en se prenant les pattes dans les morceaux de coquille.

Puis il se mit en route sur le chemin qui conduisait vers la forêt. Ne sachant pas où aller, il suivit la route en terre qui passait entre les sapins et s'éloigna dans les bois. Il arriva bientôt en vue d'une grande clairière. Il se sentait perdu et il était fatigué.

Mais là, oh surprise! il vit un troupeau de stégosaures. Ce sont des dinosaures avec une carapace assez épaisse, hérissée de petites cornes qui les rendent reconnaissables entre tous.

Une maman stégosaure repéra vite le petit dino.

- Que fais-tu là? Tu es mignon! dit-elle. Tu peux te joindre à nous, si tu es gentil. Tu joueras avec les autres, avec nos bébés.

Et ainsi il fut accueilli et adopté par les stégosaures. Il se plaisait avec eux et il vivait heureux. Il oublia peu à peu Isabelle.


Le seul problème c'était au moment des repas. Quand on lui présentait de l'herbe ou de la salade ou des fleurs, il faisait chaque fois grise mine et les "bêêêk" retentissaient les uns après les autres, hauts et forts. Il ne grandissait pas et restait maigre.

Peu à peu les mamans stégosaures comprirent que ce petit recueilli le long de la route, n'était pas de leur famille ni de leur troupeau. Ce n'était pas un herbivore, mais un carnivore. Il lui fallait de la viande. Sinon il risquait de ne pas manger et même de se laisser mourir de faim.

Un jour, unissant leurs forces, les mamans stégosaures profitèrent du passage d'un sanglier dans la clairière. Elles réussirent à l'isoler et à le tuer. Elles apportèrent la carcasse au petit dino qui mangea, mangea et mangea avec une incroyable voracité. Après avoir dévoré son repas, il se reposa un peu.

Chaque jour, il retourna à la carcasse. Il mangea tout le reste. Maintenant, il grandissait plus vite que les bébés stégosaures. Il devenait plus grand et plus fort qu'eux.

Un jour, il en parla à une maman stégosaure.

- Pourquoi ne suis-je pas comme les autres bébés?

- Tu n'es pas comme les autres, parce que toi, tu es carnivore et nous sommes des herbivores.

- Mais alors, tu n'es pas ma maman, murmura le petit dino.

- Non, je ne suis pas ta maman. Ta maman, je crois que tu ne la verras jamais. Elle est morte, mon petit, il y a très longtemps. Toi, tu es une sorte de tricératops. Un tricératops un peu différent des autres, car la plupart d'entre eux sont herbivores comme nous. Je ne comprends pas bien ce qui s'est produit avec ton œuf. De toute façon, il n'y a plus de maman tricératops depuis longtemps.

Le petit animal pleura beaucoup quand il comprit qu'il ne verrait jamais sa mère. Il eut peur d'être rejeté par les autres dinosaures, mais les stégosaures le rassurèrent.

- Tu peux rester avec nous si tu es gentil, si tu n'attaques pas les bébés et ne fais de mal à personne.

Le petit, très doux, vécut avec les stégosaures en bonne entente. Il les protégeait même, quand des ennemis les menaçaient, car il était plus fort que les autres et il se débrouillait d'ailleurs maintenant tout seul pour se nourrir.


Un jour, Isabelle partit cueillir des fruits dans les bois de l'autre côté de la rivière, des mûres et des myrtilles. Elle avança un peu trop loin et parvint au petit chemin en terre qui passe par le pont de bois et s'enfonce dans la forêt.

Voulant retourner au village par un raccourci, elle se trompa de côté et s'engagea plus profond sous les grands arbres. Elle parvint à une clairière. Elle y observa, tout étonnée, un troupeau de stégosaures. Grands et petits broutaient dans l'herbe haute. Soudain, parmi eux, elle reconnut son petit dino.

Notre amie se cacha derrière un arbre. Elle l'observa vivre un moment. Il avait grandi. Il semblait heureux. Il jouait gentiment avec les autres petits.

Si elle avait écouté son cœur, elle aurait couru vers son petit ami, elle l'aurait pris dans ses bras pour le câliner et l'embrasser. Mais il était sorti de l'œuf chez elle et il croyait peut-être encore qu'elle était sa maman, alors qu'elle ne l'était pas.

Puis elle songea qu'elle ne pouvait pas garder cet animal à la maison. Il mesurerait un jour cinq ou six mètres de long. Elle ne pourrait pas le tenir enfermé dans sa chambre. Et comment le nourrir? Il vivait mieux dans les bois avec les autres dinosaures.

Alors, le cœur déchiré, Isabelle fit au revoir à son petit dino d'un geste de la main, pendant qu'il regardait d'un autre côté. Il ne vit pas notre amie.

La fillette eut le courage de ne pas aller vers lui pour qu'il n'ait pas de peine, pour qu'il ne souffre pas, quand elle s'éloignerait, quand elle partirait.

Isabelle retourna vers son village. En passant sur le pont de bois, elle pleura un long moment. Elle savait qu'elle ne reverrait jamais son petit dino.

Elle descendit près de l'eau et recueillit quelques écailles de son œuf qu'elle conserva précieusement chez elle en souvenir de son ami d'un jour.

 

Quelques semaines plus tard, elle retourna près de la clairière, mais il n'y avait plus d'animaux. Les stégosaures étaient repartis bien loin, au pays des dinosaures, celui dont on ne revient pas. Ils avaient emmené le petit avec eux.

Ainsi disparut le bébé tricératops, le petit dino d'Isabelle.

Elle ne l'a jamais oublié.

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À Frans et Renée, qui m'ont tant aimé et chez qui j'ai passé les trois premières années de ma vie, car mes vrais parents m'avaient laissé pour voyager bien loin et longtemps.

Un jour Frans et Renée firent une longue route pour venir me voir chez mes vrais parents que je venais de découvrir et qui m'avaient emmené avec eux brusquement.

Ils m'observèrent à travers une porte vitrée.

Ils eurent l'incroyable générosité de ne pas me serrer dans leurs bras, pour que je ne pleure pas quand ils repartiraient.

Merci pour cet héroïque geste d'amour.

Merci pour ces trois années précieuses passées à vos côtés.

Je vous aime.