Une visite à l'hôpital
Magali s'ennuyait ce jour-là au jardin. Son grand frère, Arnaud, était parti retrouver son amie Manon, et le bébé Julien, le petit frère d'un an, faisait sa sieste.
Elle passa à quatre pattes par le trou de la haie qui sépare son jardin de celui du voisin. Là, habite un vieux monsieur, le grand-père d'Adrien. Quand ce garçon, qui a quatre ans et demi comme elle, vient chez son grand-père, il joue toujours avec Magali.
- Ton ami n'est pas là, dit le vieil homme. Il est malade. Ses parents l'ont conduit à l'hôpital.
- Je peux aller le voir ? demanda la fillette.
- Oh oui ! Certainement. Et ça lui fera plaisir car il s'ennuie tout seul. Il est à la chambre 55, au cinquième étage.
Ce petit hôpital de campagne n'est pas loin. Magali décida d'y aller.
- Et si j'emmenais mes amis, se dit-elle tout haut. Ils pourraient même lui raconter une histoire.
Elle se rendit d'abord devant le champ de blé situé juste derrière chez elle. Elle appela le lapin.
- Gentil lapin ! Gentil lapin ! Gentil lapin !
- Oui ? dit l'animal en accourant.
- Tu veux bien m'accompagner à l'hôpital ?
- Mais je ne suis pas malade, dit le lapin.
- Je vais rendre visite à mon ami Adrien.
- D'accord. Et je lui raconterai ce qui m'est arrivé l'autre jour.
- Parfait, dit la fillette.
Ils passèrent sous le grand cerisier, et appelèrent trois fois la pie qui y a installé son nid.
- Jolie pie ! Jolie pie ! Jolie pie !
- Oui !
- Mon ami Adrien est malade. Tu nous accompagnes pour aller le voir ?
- Volontiers.
- Tu lui raconteras une histoire.
- Je lui dirai pourquoi j'ai eu si peur, hier après-midi. Une vraie aventure !
- Merci.
Puis ils se rendirent de l'autre côté du champ de blé. Ils s'approchèrent du trou suivi d'un tunnel, qui mène au nid de la vieille souris. Celle qui répète toujours: "c'est de ta faute."
- Vieille souris ! Vieille souris ! Vieille souris !
- Que me veux-tu, Magali? Je parie que c'est de ta faute.
- Ne commence pas, répondit la fillette. Nous allons rendre visite à Adrien à l'hôpital. Tu viens ? Tu pourras lui raconter une histoire.
- En route, accepta la souris.
En longeant le ruisseau, ils passèrent au pied de l'arbre où niche l'écureuil, un autre ami. Ils l'appelèrent trois fois.
- Écureuil aux yeux très doux ! Écureuil aux yeux très doux ! Écureuil aux yeux très doux !
- J'arrive. Oh ! tu n'es pas seule je vois.
- Tu viens avec nous ? demanda la petite fille. On va voir Adrien à l'hôpital. Tu pourras lui raconter quelque chose.
- Avec plaisir.
Ils se rendirent ensuite à l'étang. Une grenouille se tenait au soleil sur un nénuphar. Ils l'appelèrent.
- Grenouille verte ! Grenouille verte ! Grenouille verte !
Elle arriva en sautant.
- Viens avec nous voir mon ami, dit Magali. Tu lui raconteras une histoire ?
- Oh oui! J'en connais une vraiment incroyable.
En arrivant près du bâtiment, Magali songea qu'on ne la laisserait pas entrer avec des animaux. On ne peut pas aller à l'hôpital avec son chien ou son chat.
- Toi, jolie pie, dit-elle, tu sais voler. Va au cinquième étage. J'ouvrirai une fenêtre et tu passeras dans la chambre.
- D'accord, fit la pie.
- Toi, l'écureuil aux yeux très doux, tu sais escalader le mur en te tenant à la gouttière. Grimpe et attends-moi là-haut.
- J'y vais, promit l'écureuil.
- Vous autres, le gentil lapin, la grenouille verte et la veille souris, je vais vous mettre dans un sac pour qu'on ne vous voie pas. Mais taisez-vous. Il ne faut pas qu'on vous entende quand nous longerons les couloirs.
Notre amie parvint au cinquième étage en montant par l'escalier. Elle repéra la chambre 55 et entra.
- Magali ! s'écria Adrien. Quel bonheur !
- Je suis venue avec mes amis, dit-elle. Ils vont te raconter chacun leur histoire.
- Oh ! Merci !
- J'ouvre la fenêtre pour que la jolie pie et l'écureuil aux yeux très doux nous rejoignent. Le gentil lapin, la grenouille verte et la vieille souris vont sortir de mon sac.
Le gentil lapin parla le premier.
- Une nuit je suis entré dans un potager et j'y ai déterré dix magnifiques carottes. Je n'en avais jamais vu des si belles. Je les ai emportées dans mon terrier et je les y ai alignées. Une, deux, trois, quatre... et là, cinq, six, sept, huit, neuf, et dix.
« Puis je suis ressorti. Je suis retourné au potager. J'espérais en découvrir peut-être encore quelques autres... mais non, j'avais tout pris.
« Je suis revenu à mon terrier. Quelque chose avait changé...
« J'ai compté mes carottes. Il en restait neuf !
« Pas possible, me suis-je dit. Une carotte ne s'encourt pas toute seule. Un voleur m'a pris la dixième.
« Je suis sorti du terrier pour tenter de trouver cette carotte. Mais en revenant, je n'en comptais plus que huit !
« Nom d'une salade ! me suis-je dit. Où se cache ce voleur ?
« Je suis de nouveau sorti et je me suis couché dans les hautes herbes et les fleurs, pour qu'on ne me voie pas, puis j'ai attendu.
« Et je l'ai vu ! Un raton laveur ! Il allait entrer dans mon terrier. J'ai bondi vers lui et je lui ai crié : Voleur ! Disparais tout de suite de ma vue et ne reviens jamais, ou j'appelle tous les rats des environs. Ils te mordront.
« Le raton laveur s'est sauvé. Il n'est jamais revenu.
- Bravo, fit Magali. Quelle belle histoire !
- Oui, ajouta Adrien en souriant. Merci ! Merci !
- Et à moi, à présent, annonça la jolie pie.
- Tu sais que nous les pies, nous aimons garnir notre nid avec des objets qui brillent. J'ai une pièce d'un euro toute neuve. Je l'ai trouvée sur un trottoir. Je possède aussi une boucle d'oreille en or, ramassée dans un jardin. Et un bracelet doré que j'ai aperçu à un arrêt de bus.
« Hier, je volais le long du toit d'une maison. Une fenêtre du grenier était ouverte. Je me suis posée sur le bord et j'ai vu une bague en or par terre. Elle brillait dans un rayon de soleil.
« Je suis entrée et je l'ai prise dans mon bec.
« Mais au même moment, un garçon est arrivé en ouvrant la porte. Du coup, un courant d'air a refermé la fenêtre. Le garçon ne m'a pas vue car je me suis cachée au-dessus d'une armoire. Il a eu l'air de chercher quelque chose, puis il est parti en refermant la porte.
« J'étais enfermée dans ce grenier.
« Affolée, j'ai lancé mes jacassements. L'enfant est revenu. Je me suis montrée en me posant sur une table et je lui ai donné la bague.
« Il a ouvert la fenêtre et je suis repartie bien vite. Mais ce jour-là, j'ai connu la peur de ma vie.
- Bravo, jolie pie, fit Magali. Quelle aventure !
- Oui, merci, ajouta Adrien.
- C'est mon tour, annonça la vieille souris. Écoutez bien, sinon vous ne comprendrez pas et ce sera de votre faute !
« Mon nid se trouve sous le champ de blé. Pour y entrer, j'ai creusé un petit tunnel.
« C'est très pratique d'habiter là car j'adore manger les grains de blé. Il me suffit de sortir pour les ramasser. J'en ai six cent trente-trois.
« Un matin, je me suis réveillée en sursaut. J'entendais un grognement terrible, comme celui d'un dragon ou d'un tigre.
« Je suis sortie de mon nid en courant et j'ai vu, en me retournant, le tracteur du fermier qui approchait. Il a écrasé mon tunnel en passant dessus.
« J'ai couru me réfugier derrière un arbre. Mais quand je suis revenue, je n'avais plus accès à mon nid ! J'ai dû creuser un nouveau tunnel.
« Furieuse, j'ai décidé de me venger.
« Le tracteur s'est arrêté au bout du champ. Il était midi et le fermier est parti à pied à la maison.
« Je me suis approchée et je me suis glissée sous le moteur. Là, j'ai rongé tous les fils qui s'y trouvaient.
« Quand le fermier est revenu, son tracteur était en panne. Bien fait pour lui !
- Merci, dit Magali. Fameuse aventure !
- Oui, vraiment, ajouta Adrien. Et tu as retrouvé tous tes grains de blé ?
- Oui, tous, fit la vieille souris. Mais c'était de sa faute.
- À moi, lança l'écureuil.
« C'était une nuit sans lune, vraiment noire. Pas une étoile visible dans le ciel.
« Mes trois petits m'éveillèrent. Ils tremblaient de peur. Le ciel était parcouru par d'étranges lumières. Un violent orage approchait.
« Bientôt, ce ne furent plus qu'éclairs et coups de tonnerre.
« Puis la pluie commença à tomber. Une véritable douche.
« -Venez, mes chéris, leur ai-je dit. Ne restons pas ici dans notre arbre, nous allons être trempés et nous risquons en plus d'être foudroyés.
« Nous sommes descendus et je les ai emmenés au vieux tronc creux. Un arbre déraciné, couché sur le sol par une tempête il y a quelques années. Son tronc est creux comme une paille. Là, nous serions à l'abri.
« Nous y sommes entrés.
« Mais soudain, à la lueur d'un nouvel éclair, nous avons vu une grande toile d'araignée.
« Je me suis approché. Pas d'araignée en vue.
« Mes petits avaient peur. Je leur ai dit que si l'araignée revenait, on la mangerait. Ainsi, elle ne pourrait pas nous faire de mal.
« Puis l'orage a cessé. Nous sommes retournés dans notre arbre. Nous n'avons jamais vu l'araignée, mais nous avons vraiment eu très peur cette nuit-là.
- Merci, dit Adrien. Merci pour ton récit.
- Oui, merci, fit Magali.
- À moi, à mon tour, dit la grenouille verte. Vous n'allez pas vouloir me croire et pourtant, mon histoire est vraie.
« J'avais pondu mes œufs le long des roseaux de l'étang où j'habite. Ils allaient bientôt devenir des têtards, puis des grenouilles quand leurs pattes auraient poussé.
« Je suis partie faire un tour pour surveiller qu'aucun héron ne passait dans les environs. Ils mangent les grenouilles.
« Puis je suis revenue.
« J'ai vu alors, entre deux roseaux, un œuf énorme, bien plus gros que les autres.
« Chic, me suis-je dit. Je vais avoir un gros têtard.
« Je l'ai particulièrement bien soigné. Je le couvais, comme font les poules. Il ne sortait pas de l'œuf. Mes petits têtards étaient déjà nés. Ils nageaient partout.
« Enfin, quelques jours plus tard, l'œuf s'est fendillé et, surprise, un caneton gris en est sorti.
« Je l'ai serré entre mes pattes et je lui ai dit :
« Tu ne ressembles pas à un têtard. Je ne suis pas ta maman. Je suis une grenouille. Mais je t'aime, mon petit. Tu es très beau.
« Il a grandi, grandi... Peu à peu ses plumes sont devenues blanches. Et j'ai compris qu'il devenait un cygne.
« Il est resté très attaché à moi. Nous sommes encore des grands amis aujourd'hui. Il me prend souvent sur son dos et m'emmène en promenade le long de la rivière.
- Quelle belle histoire ! dit Magali.
- Oh oui ! félicita Adrien. On peut être des vrais amis, même si on est très différents.
Il était temps de repartir.
La jolie pie s'envola par la fenêtre et rejoignit son nid dans le grand cerisier.
L'écureuil aux yeux très doux se glissa le long de la façade en se tenant à la gouttière et repartit vers son arbre retrouver ses trois petits.
La grenouille verte hésitait. Elle avait le vertige.
Magali la prit et la glissa dans son sac avec le gentil lapin et la vieille souris.
- Mais taisez-vous, dit-elle.
Elle embrassa Adrien et cette fois, redescendit par l'ascenseur.
Elle lâcha la grenouille verte près de l'étang et la vieille souris au bord du champ de blé.
- Retourne vite chez toi, dit celle-ci à Magali. Sinon tu seras en retard à ta maison et ce sera de ta faute.
Notre amie fit un câlin au gentil lapin qui repartit vers son terrier.
Trois jours plus tard, Adrien arriva chez son grand-père. Il était tout à fait guéri.
Il retrouva Magali et la remercia encore pour sa visite et surtout, d'avoir amené avec elle tous ses amis.