Béatrice et François
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La Boîte d'allumettes

     Dans un petit village au centre de l'Afrique, un sorcier faisait ses adieux à Gabriel, un garçon de onze ans qui partait pour l'Europe étudier dans une grande école.

-Tu sais, Gabriel, lorsque tu vivras là-bas dans ce lointain pays d'Europe, parfois tu seras triste, morose. Tu ne verras plus le beau soleil d'Afrique. Tu ne sentiras plus la bonne chaleur de chez nous. Tu découvriras la pluie, les jours gris et noirs, la neige, le brouillard.

Le sorcier poursuivit :

-Alors, voilà, Gabriel. Pour t'aider à vivre quand même heureux là-bas, je te confie ceci.

Le sorcier montra une boîte qu'il tenait dans sa main. Elle ressemblait à une boîte d'allumettes, un peu plus grande peut-être. Le couvercle était peint en bleu avec une étoile jaune au centre. Il l'ouvrit.

-Regarde. Tu vois cinq allumettes à l'intérieur. Un jour triste, un jour pourri, enflamme une des allumettes, quand tu veux. Fais attention de bien la brûler complètement. Puis, au coucher du soleil, et au coucher du soleil seulement, tu pourras prononcer un vœu, et il se réalisera.

Le garçon remercia.

-Seulement voilà, parmi les cinq allumettes, il s'y trouve une mauvaise, et je ne sais pas laquelle. Je te souhaite bonne chance. J'aperçois ton père qui te fait signe… Bon voyage, mon garçon !

Gabriel embrassa le sorcier et partit.



Une semaine plus tard sur un grand bateau, un de ces navires qui passent en face de nos côtes, Gabriel, appuyé sur le bastingage, regardait au loin les brise-lames, les plages, les dunes, les constructions, au bord de la mer.

Il serrait la boîte d'allumettes et l'observait. Tout à coup, son père s'approcha de lui.

-Que tiens-tu là dans la main, mon grand ?

-Euh, rien, père.

-C'est quoi cette boîte ?

-Le sorcier me l'a donnée.

-Ah non, s'écria le papa. Débarrasse-toi de ça tout de suite.  Crois-tu que les enfants qui vont en classe peuvent emporter des allumettes dans leur cartable ? Tu arrives dans un grand pays. Tu es inscrit dans une école sérieuse. Tu deviendras un savant et tu veux jouer avec des affaires de sorcier ! Tu veux être mis à la porte ? Tu reviendras au village pour garder les chèvres. Tu souhaites ça pour ton avenir, pour ta vie ? Jette cette boîte à la mer.

-Mais papa !

-Tu la jettes immédiatement. Obéis-moi, Gabriel.

Et le garçon lança la boîte d'allumettes à la mer.



Trois jours plus tard, un dimanche, Béatrice se leva très heureuse. Elle partait tôt avec son copain pour une journée à la côte. François a deux petites soeurs. Olivia, cinq ans et demi et Amandine, trois ans et demi. Les parents invitaient Béatrice à la grande joie des deux petites et de leur grand frère.

Il faisait très beau. Elle mit son maillot et un petit short en jean bleu par-dessus. Elle noua les lacets de ses sandales de gym et courut rejoindre ses amis. Ils firent bonne route.

Les enfants passèrent toute la matinée à jouer sur la plage. Et tandis qu'ils construisaient un château de sable au bord de l'eau, une vague apporta une petite boîte aux pieds de notre amie. Elle ressemblait à une boîte d'allumettes. Elle était peinte en bleu avec une étoile jaune au milieu, sur le couvercle.

Béatrice la trouva jolie. Elle la glissa dans la poche de son short. Puis elle continua à jouer avec François et les petites filles.


Après le pique-nique sur la plage, pendant que les petites sœurs se reposaient et faisaient leur sieste, les deux grands s'éloignèrent et montèrent sur les hauteurs des dunes.

Au moment de s'asseoir pour regarder les bateaux à l'horizon, Béatrice sentit la petite boîte dans sa poche. Elle la montra à son copain.

-Où as-tu ramassé ça? demanda François.

-Une vague me l'a apportée. Je la trouve jolie. Tiens, ajouta-t-elle en ouvrant la boîte, elle contient cinq allumettes. Je vais en brûler une, annonça notre amie, et je vais te montrer quelque chose que tu n'oses peut-être pas faire.

Elle prit une allumette.

-Je vais la brûler complètement. Papa m'a montré comment il faut s'y prendre.

Béatrice alluma l'allumette, qui aussitôt s'enflamma. La flamme avança doucement vers les doigts de notre amie. Elle eut tout le temps de la prendre par l'autre côté, c'est-à-dire de la tenir par le côté consumé, après avoir léché ses doigts pour ne pas se faire mal. L'allumette brûla complètement. La fillette la remit dans la boîte pour ne pas la laisser sur le sol, et respecter les dunes et l'environnement. Bien sûr, notre amie ne savait pas que l'on pouvait prononcer un vœu.

Toi, tu as reconnu immédiatement, j'en suis certain, les allumettes remises par le sorcier et que Gabriel avait dû jeter à la mer.

L'après-midi se déroula très bien. Puis, au soir, tandis qu'ils revenaient vers leurs maisons par l'autoroute, ils virent le soleil se coucher à l'horizon.

-Quelle bonne journée! déclara François.

Amandine s'endormait. La tête de la petite fille s'appuyait sur l'épaule du grand frère.

-Oh oui, répondit Béatrice. Une très bonne journée. Je voudrais, ajouta notre amie, que demain tout recommence. Que demain on ne doive pas aller à l'école, que demain, ce soit de nouveau dimanche. Voilà vraiment mon rêve, répéta la fillette.

Le soleil disparut derrière l'horizon.

Oui, un beau rêve, mais cela n'arrivera pas, songea son copain...



Le lendemain matin, maman réveilla Béatrice assez tôt.

-Allez ma grande ! Habille-toi vite. Tiens : mets ton maillot, ton short en jean bleu par-dessus et tes sandales de gym.

-Mon maillot et mon vieux short ? Tu veux que j'aille comme ça à l'école, maman?

-Tu ne vas pas à l'école aujourd'hui, voyons, ma chérie. On est dimanche. As-tu déjà oublié ? Tu pars à la mer avec François.

-Je vais à la côte avec François… Mais hier, je suis allée à la mer avec lui.

-Mais enfin, mon trésor, réveille-toi, fit maman. Hier, c'était samedi. On est allé faire des courses au grand magasin. Rappelle-toi ! Puis tu as promené Nicolas jusqu'au parc.

Nicolas, le petit frère de notre amie a presque un an.

Béatrice demeura très étonnée. Elle mit son maillot, son short et ses sandales de gymnastique. Elle courut chez son copain. Il était prêt pour partir à la mer. Ses deux petites sœurs attendaient déjà dans la voiture des parents.

-Salut François. Hier, qu'as tu fait de ta journée ?

-Hier ? réfléchit le garçon. Euh, j'ai joué au jardin avec mes petites sœurs, puis j'ai aidé papa à laver la voiture. On a fait des courses et au soir, on a soupé au fast food.

-Tu n'es pas allé à la mer, hier ?

-Mais non, puisqu'on y va aujourd'hui, répondit logiquement François.

Béatrice réfléchit à tout cela dans la voiture sur l'autoroute. Elle sentit la boîte d'allumettes dans sa poche. Elle l'ouvrit. Une d'entre elles était brûlée. Elle songea que ces allumettes avaient quelque chose de magique. Elles permettaient peut-être de prononcer un vœu.


Après avoir joué la matinée dans le sable, après le pique-nique, pendant que les petites sœurs faisaient leur sieste, les deux plus grands grimpèrent sur les hauteurs des dunes pour regarder les bateaux à l'horizon. Béatrice prit une seconde allumette dans la boîte, l'alluma, et la brûla complètement.

-Je crois que ces allumettes possèdent un pouvoir magique, expliqua la fillette. Et je vais faire un vœu. Je viens d'apercevoir une très jolie poupée au magasin, mais maman m'a dit qu'elle coûtait vraiment trop cher. C'est une poupée avec des tresses brunes, une salopette jaune et de jolies chaussures de toile. Je voudrais recevoir cette poupée-là. C'est mon vœu.

La poupée n'arriva pas. Béatrice y songea pourtant tout l'après-midi.

Au soir, tandis qu'ils roulaient sur l'autoroute, et que le soleil se couchait à l'horizon, François se tourna vers son amie. Sa petite sœur, Amandine, s'endormait et sa tête reposait sur l'épaule du grand frère.

-Tu connais ta poésie pour demain ?

-Mon Dieu, s'inquiéta Béatrice, j'ai complètement oublié de l'étudier.

-C'est embêtant, car comme tu récites très bien, madame t'interroge toujours en premier.

-Mon Dieu, répéta la fillette. Oh, je voudrais bien que madame ne m'interroge pas. Voilà vraiment mon vœu, insista Béatrice.

Et le soleil se coucha à l'horizon.


Au soir, notre amie tenta d'apprendre sa nouvelle poésie, mais sans grand succès. Elle se sentait trop fatiguée par sa belle journée à la mer.

Le lendemain elle se posa des questions, car elle ne voyait toujours pas arriver sa poupée…

Une fois en classe, la peur l'envahit. Elle ne connaissait pas du tout sa récitation. Son cœur battait trop vite. Ses mains tremblaient un peu. Elle n'osait pas regarder son institutrice. Madame s'approcha d'elle… et interrogea un autre élève. Puis, encore quelqu'un d'autre. Et ainsi de suite. Tous les enfants de la classe y passèrent, sauf Béatrice.

Alors la fillette comprit le pouvoir magique de ces allumettes, mais aussi que le vœu ne se produit que si on le prononce juste au moment du coucher du soleil.

Elle expliqua tout cela à son copain à la récréation.


Le lendemain, le mardi, François lui fit une proposition.

-Écoute, tu devrais tenter un gros coup. Ce soir, a lieu le tirage au sort du lotto. Un million d'euros à empocher, paraît-il. Demande que tes parents gagnent ce million.

Au soir, en présence de son ami, Béatrice sortit la troisième allumette de la boîte. Mais au moment de l'allumer, François interrompit son geste.

-Attends, je vais l'enflammer moi-même. Je te parie que je réussirai comme toi à la brûler complètement.

Il alluma l'allumette. Il regarda la flamme. Mais quand elle vint lécher ses doigts, il lâcha l'allumette qui ne brûla pas complètement car elle s'éteignit en tombant sur le sol. La fillette fit le vœu de gagner le million d'euros ce soir-là. Le soleil se coucha.


On passait les images de cette loterie, en direct à la télévision, après le repas du soir.

-Maman, papa, je peux regarder le tirage du lotto ? s'il vous plaît.

-Ne t'intéresse pas à ça, Béatrice. Tu ferais mieux d'aller te coucher.

-S'il te plaît, j'aimerais bien le voir, ça ne dure pas longtemps.

-Bon pour une fois. Tu peux rester avec nous, si tu veux.

Notre amie regarda donc le tirage du lotto, assise entre ses parents, avec bébé Nicolas sur les genoux, car lui non plus ne voulait pas dormir.

-Papa, tu as un billet de loterie ?

-Un billet de loterie ?

-Oui, un billet du lotto !

-Non, répondit papa.

-Et toi, maman ?

-Moi non plus.

-Oh, mais pourquoi? Vous pourriez gagner un million d'euros, mais vous n'avez pas de ticket !

-On n'en achète jamais, expliqua le papa.

-Pourtant, fit remarquer maman, il me semble avoir aperçu un billet du lotto sur ton bureau, mon chéri.

-Un billet du lotto se trouve sur mon bureau ? répéta papa. Étrange. Je n'en ai pas acheté.

Il se leva et alla à sa table. Il revint avec la petite coupure. Pendant ce temps, le numéro 7 venait de tomber. Il lut un 7 parmi les chiffres inscrits sur le billet. Puis, le 14 apparut, et le 22. Le 34 suivit. Tous les numéros gagnants figuraient sur le ticket du papa.

De plus en plus enthousiastes, nos amis ne détachaient plus leurs yeux du petit écran à présent. Plus que trois chiffres à tirer, dont le numéro complémentaire.

-Dis, papa, demanda Béatrice, si tu gagnais un million d'euros, tu me ferais un cadeau ?

-Tout ce que tu veux. Si je gagne une pareille somme, on ira vider le magasin de jouets.

Le numéro suivant sortit. Il fallait un 16 ou un 4 ou le 21. Le 16 apparut.

-Fabuleux, crièrent les parents. Fantastique ! Allez, le 4, le 4 ou le 21.

L'euphorie était à son comble, le suspense insoutenable. Les boules du lotto tournèrent et le 4 sortit.

Nicolas se mit à pleurer. Les parents hurlaient leur impatience. Il fallait le 21 à présent. Béatrice tremblait. La roue de la fortune tourna. Un silence glacial tomba comme une chape de plomb et le 20 sortit.

-Oh, non! hurla Béatrice. C'est la faute de François ! Il n'a pas brûlé l'allumette complètement. Oh, c'est trop bête !

Les parents ne comprirent pas ce que leur fille voulait dire en parlant de la faute de François. Ils étaient quand même très contents d'avoir gagné quelques centaines d'euros… et Béatrice eut droit à une très grande glace pour se consoler.


Le lendemain, la fillette aborda François, boudeuse.

-À cause de ta maladresse, hier soir, quand tu as voulu brûler l'allumette, mais que tu l'as laissée tomber par terre, tu nous as fait perdre un million d'euros.

Le garçon s'excusa. Puis il proposa à son amie de tenter quelque chose de vraiment impossible. Pour tester le pouvoir magique des allumettes.

Comme Béatrice observait son copain en silence, il lui suggéra son plan.

-Voilà. On pourrait imaginer qu'après demain, vendredi, on aille tous à Eurodisney, toute la classe, avec notre institutrice. Ne trouve-tu pas cela génial ?

-Ça paraît vraiment impossible, déclara Béatrice. Mais alors, tout à fait impossible. Enfin, je veux bien le demander : après tout, si ces allumettes possèdent un pouvoir…

Au moment du coucher du soleil, le jeudi, la fillette alluma la quatrième allumette et la brûla complètement. Elle demanda pour le lendemain, d'aller visiter le parc d'Eurodisney avec toute sa classe. Puis elle se coucha, tranquille et confiante.


Il faisait encore noir quand sa mère vint la secouer.

-Béatrice! Béatrice !

-Oui, maman ? Pourquoi me réveilles-tu si tôt ?

-Dépêche-toi, ma chérie, il est cinq heures du matin. Tu dois être à l'école à cinq heures et demie, dans une demi-heure. Souviens-toi ! Vous partez à Eurodisney, avec tous tes copains et copines.

-Ça marche. Quel bonheur ! se réjouit la fillette.

Et en effet, une demie heure plus tard, tous les enfants de la classe se trouvaient devant le car, entourant leur professeur. Ils y montèrent et passèrent toute la journée à Eurodisney.

Béatrice et François se firent un clin d'oeil. Les autres élèves de la classe avaient bien de la chance et leur devaient, sans la savoir, une fière chandelle. Ils passèrent en tout cas une merveilleuse journée.


Il restait une dernière allumette et jusqu'ici tout se déroulait très bien… Il restait donc la mauvaise. Mais encore une fois, nos amis ne savent pas qu'une des cinq est douteuse.

-Pour ta dernière allumette, suggéra François, tu devrais demander quelque chose qui dure longtemps.

-Comment ça, quelque chose qui dure longtemps ? répéta Béatrice.

-En brûlant la dernière, autant obtenir quelque chose qui reste quelques semaines ou quelques mois...

-Exemple ? fit notre amie.

-Et bien, je ne sais pas moi, quelque chose qui dure des mois, des années. Un coffre rempli de bonbons et qui ne se viderait jamais...

Le visage de Béatrice s'illumina.

-Tu sais ce que je voudrais ? J'aimerais avoir un chat. Mais maman et papa ne veulent pas.

-Et bien, demande un chat.

-Oui, bonne idée, sourit la fillette. Je vais demander un chat.


D'abord, elle alla tester sa mère.

-Dis, maman.

-Oui, Béatrice ?

-Est-ce qu'on pourrait avoir un chat à la maison ?

-Ma chérie, tu connais la réponse. Tu reviens avec ça tous les mois. Je te répète chaque fois non. Un chat, c'est très mignon, mais il faut s'en occuper. Quand les enfants sont à l'école, qui change la litière du chat, qui le conduit chez le vétérinaire, qui court au magasin lui acheter des croquettes ? La maman ! Tu auras un chat plus tard, quand tu habiteras ta maison, avec ton amoureux et tes enfants.

-Et puis, pas de chat quand un bébé vit à la maison. On dit que ces bêtes-là étouffent les nourrissons, ajouta le papa.

-Bien, maman… Bien, papa…Tant pis.

Au coucher du soleil, Béatrice prit la dernière allumette. Elle l'enflamma et la brûla complètement. Et elle demanda un petit chat.


Quand elle s'éveilla le lendemain, elle eut l'impression que quelqu'un lui léchait la joue. Elle ouvrit les yeux et vit un ravissant petit chat noir. Quelques taches blanches ornaient son cou.

-Oh, mon petit chat ! Le vœu est accompli.

Elle le prit dans les bras. Elle descendit pieds nus, en pyjama, pas très rassurée. Maman préparait le déjeuner. Qu'allait-elle lui dire…

-Maman, murmura la fillette, pleine d'espoir, regarde le beau petit chat. On peut le garder ?

-Mais bien sûr, ma chérie. Quel mignon petit chat ! Ce sera l'ami de la maison. Et je m'en occuperai pendant que tu iras à l'école. Je vais bien le soigner.

-Et les bébés aiment bien les chats, ajouta papa en entrant dans la cuisine. Ces animaux sont doux avec les petits. Quel merveilleux doudou pour Nicolas !

Béatrice songea que décidément, les allumettes détenaient un pouvoir extraordinaires. Elle partit toute heureuse pour l'école.


Pourtant au soir, quand elle revint à la maison, sa mère se tenait debout devant la porte, les bras croisés. Et quand maman attend sa fille ainsi debout devant la porte, notre amie prévoit toujours une mauvaise nouvelle, pour elle.

-Que se passe-t-il ? interrogea Béatrice, timidement.

-Ce qui se passe, répéta maman, viens voir. Ton chat ! Entre dans la maison…

Béatrice découvrit le désastre. Les rideaux lacérés, les fauteuils déchirés, le tapis arraché.

-Et ce n'est pas tout, ajouta maman. En plus, il a fait ses besoins dans notre lit ! Tu vas apprendre à ton chat, cette nuit, à rester propre et à ne plus se conduire comme un tigre enragé. Sinon demain, je le conduis à la fourrière. On se débarrassera de cette sale bête.

Béatrice ne savait pas que l'allumette était mauvaise… mais elle en découvrait les conséquences.

Elle prit son chat dans les bras. Elle le caressa tendrement et lui parla, mais cela servirait-il à quelque chose ?


Le lendemain quand elle revint de l'école au soir, c'était encore pire. Il avait arraché les derniers rideaux, renversé deux vases, griffé le frigo et la cuisinière, fait ses besoins dans le lit à barreaux du bébé… enfin, cet animal était une véritable catastrophe.

-Profite bien de ton chat cette nuit, annonça maman, parce que demain matin, pendant que tu seras à l'école, je le conduirai à la fourrière. C'est terminé avec lui. Je ne veux plus d'animal à la maison. J'ai bien assez avec mes deux enfants.

Béatrice serra son petit chat dans ses bras, au soir, dans son lit. Elle était triste, mais que faire ?


Elle s'éveilla au milieu de la nuit. Le chat miaulait près d'elle. Quand elle se leva, il courut vers la porte de la chambre.

Béatrice le suivit.

-Où veux-tu aller ? Tu veux sortir ?

Elle ouvrit la porte. Le chat fila dans le couloir. Il faisait tout noir à deux heures du matin. Notre amie n'osa pas allumer. Les parents dormaient. Le chat posa doucement sa patte contre la porte de la chambre du bébé et gratta.

La fillette ouvrit et entra chez son petit frère. Elle entendit un bruit étrange de respiration, comme un râle, comme un sifflement rauque. Nicolas semblait très malade. Ses cheveux étaient mouillés, il transpirait, il était brûlant. Il respirait très mal.

Béatrice se précipita à la chambre des parents. Elle entra sans frapper.

-Papa ! Maman ! Réveillez-vous ! Nicolas est très malade. Venez voir, venez l'écouter, il ne respire presque plus.

Les parents se dépêchèrent au chevet du bébé. Ils décidèrent de le conduire à l'hôpital immédiatement.

-Ma chérie, tu vas rester une heure ou deux toute seule à la maison pendant la nuit, mais tu es une grande fille. Si tu as peur, tu peux prendre ta couette et ton oreiller et venir te coucher sur le divan. Ça ira ?

-Ça ira, répondit Béatrice, bravement.


Quand les parents furent partis avec le petit frère, notre amie prit ses affaires et descendit s'étendre sur le divan avec son chat dans les bras. Elle s'endormit.

Quand les parents revinrent, deux longues heures plus tard, elle dormait profondément sur le fauteuil. Nicolas, dans les bras de son papa, allait beaucoup mieux, il respirait de nouveau bien.

-On lui dit ?

-Non, on lui expliquera demain, répondit papa. Laissons-la se reposer.


Le lendemain matin quand elle s'éveilla, ses parents la félicitèrent, disant qu'elle était une véritable petite maman pour Nicolas. Heureusement qu'elle avait entendu les sifflements et les bruits respiratoires anormaux du bébé, parce que sinon, sûr que Nicolas serait mort aujourd'hui.

-Maman, papa, je n'y suis pour rien. Mon chat m'a éveillée dans la nuit en miaulant. Il m'a conduite vers la chambre de mon petit frère. Sinon, je n'aurais rien entendu. Grâce à lui, je vous ai alertés.

-Ainsi, le chat a sauvé le bébé ?

-Oui, soupira Béatrice.

-Il est merveilleux, ce chat ! On lui pardonne toutes ses bêtises, et on le garde.

Il ne fit plus jamais de sottises. Il ne déchira plus jamais rien. À dater de ce jour-là, Béatrice eut ce petit chat, qu'elle chérit encore.