Christine
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Les grottes mystérieuses (Partie 2) : La grotte de la peur.

     Finie la journée ! Elle avait été dure ! Christine revenait chez elle épuisée, sale d'avoir manipulé des centaines de bûches, affamée, malgré le pique-nique de midi. Elle avait travaillé toute la journée dans la forêt pour rendre service à son papa. Elle n'avait qu'une envie : un grand bain, un bon repas, et aller dormir.

Quand elle arriva en vue de sa maison, elle s'étonna de voir un véhicule tout-terrain garé près du hangar où son père entrepose son bois. Elle entra dans la pièce de séjour. Un homme qu'elle ne connaissait pas, assis à table, sirotait un café.

L'inconnu l'observa en silence puis se tourna vers les parents. Le père de notre amie venait de rentrer.

-Vous pensez vraiment que cette petite fille sera capable de guider mon équipe ?

-Elle a juste dix ans, répondit le papa de Christine, mais vous pouvez lui faire confiance. Elle connaît parfaitement la forêt et en particulier la région où vous voulez vous rendre.

À ce moment-là, notre amie vit quelqu'un d'autre se lever et venir vers elle. Le père de son ami Mathieu. Elle courut l'embrasser.

-Je confirme ce que vous dit le père de de cette jeune fille, cher ami. Elle s'est montrée efficace et intrépide lors de mon expédition dans la région des hauts rochers où vous voulez vous rendre. Nous recherchions une grotte contenant des pierres précieuses. Elle nous y a conduits sans hésiter, en surmontant toutes les difficultés avec bravoure. (Lis ou relis La grotte aux pierres précieuses. Christine n°10).

L'homme se tourna vers Christine.

-J'enseigne la paléontologie à l'université. Sais-tu ce que cela veut dire, petite fille ?

Notre amie, impressionnée, répondit non d'un signe de la tête.

-Cela signifie que je m'intéresse aux hommes et aux animaux qui vécurent sur la terre autrefois. Les animaux préhistoriques, les dinosaures entre autre, et les familles qui habitèrent nos contrées bien avant nous. Je cherche une grotte où se trouveraient des ossements de dinosaures. Elle serait dans cette zone située au-delà de la forêt, précisément la région des hauts rochers, comme tu l'appelles. Hélas, aucune route, aucun sentier n'y mène. On m'affirme que tu pourrais m'y conduire.

-Oui, répondit Christine d'une voix hésitante.

Notre amie n'avait pas très envie de mener ce monsieur sévère, intimidant, à travers les collines et les canyons. Mais quand elle apprit que le père de son ami et Mathieu, lui-même, participaient à l'expédition, un grand sourire éclaira son visage et elle accepta volontiers.


Quelques jours plus tard, ce fut le départ. Le soleil venait de se lever. Deux véhicules tout-terrain attendaient sur le chemin près de la maison de Christine. Dans le premier se trouvaient le fameux professeur, le père de Mathieu et le copain de notre amie. Elle les salua, embrassa son ami, puis s'assit à l'avant pour les guider.

Dans la seconde voiture, trois étudiants qui accompagnaient leur maître dans ses recherches, observaient notre amie en souriant. Ils avaient l'air sympa et lui firent un grand salut.

Ils roulèrent une heure sur la mauvaise piste qui mène au carrefour des trois routes. Là, il fallut continuer à pied. Impossible d'aller plus loin, même avec des véhicules tout-terrain.

Les deux professeurs (le père de Mathieu enseigne la géologie à l'université) et les trois étudiants se chargèrent de lourds sacs à dos. Ils avaient prévu de la nourriture pour une semaine, des tentes, des sacs de couchage, des caméras et appareils photos, des instruments de mesure, des boîtes, des carnets de notes, et bien d'autres choses encore. Christine et Mathieu portaient un lourd sac eux aussi.

Ils suivirent une vallée sèche encombrée de roches et de troncs d'arbres morts jusqu'à l'endroit que notre amie appelle le paradis.

Un sentier sec et brûlé de soleil menait vers une vallée profonde où coulait un large torrent. Ils s'arrêtèrent près d'une magnifique dune de sable rose, dans laquelle nos deux amis jouèrent un moment à se rouler avant de se plonger dans l'eau rafraîchissante du torrent. Les étudiants plantaient les tentes et rassemblaient du bois mort pour le feu du soir.


Pendant le repas, autour du feu allumé par les trois étudiants, le professeur de paléontologie expliqua qu'il cherchait une vallée aux parois rocheuses roses.

Christine lui répondit que cet endroit existait plus en aval. Les escarpements deviendraient de plus en plus verticaux et la vallée de plus en plus étroite au fur et à mesure que l'on progresserait demain. Puis ils pourraient s'engager dans un canyon serré et sombre sur le côté droit. Elle promit qu'ils y arriveraient dans l'après-midi.

Ce soir-là, les deux enfants partagèrent la même tente. Ils se prirent la main avant de sombrer dans le sommeil.


Le lendemain, ils découvrirent la vallée de pierres roses, après une longue marche en pataugeant dans l'eau froide. Elle leur vint plusieurs fois jusqu'à la ceinture et à certains endroits, ils furent même obligés de nager. Ils durent escalader et franchir deux cascades et se trouvèrent presque toute la journée trempés de la tête aux pieds.

Dans l'après-midi, ils s'engagèrent dans une vallée plus encaissée. Les murs de rochers à gauche comme à droite mesuraient plus de cent mètres de haut. Ce canyon était tellement étroit qu'à certains endroits, on pouvait toucher les deux parois à la fois, en plaçant les bras en croix.

Une heure plus tard, ils aperçurent une grotte située à huit mètres de hauteur. Elle semblait hélas inaccessible. En plus, l'eau profonde à cet endroit et le courant rapide empêchaient toute observation prolongée. Il fallait s'accrocher à la paroi rocheuse pour ne pas être emporté.

Christine proposa de marcher encore un bon quart d'heure afin de poser les sacs à dos sur une petite plage dont elle se souvenait. On serait moins chargés en revenant, ce qui faciliterait l'escalade éventuelle.

Ils installèrent le campement sur le sable. Les étudiants dressèrent les tentes puis préparèrent le matériel nécessaire pour photographier.

Le père de Mathieu, Christine et son ami, l'autre professeur et les trois étudiants revinrent au pied de la grotte qu'ils venaient de découvrir. Mais, comment y parvenir ?

Par chance, Mathieu pratique l'escalade, un sport qu'il affectionne. Il se proposa aussitôt comme volontaire. Son père lui noua une corde autour du ventre. Le garçon entreprit de monter les huit mètres verticaux en s'accrochant avec les mains et en posant les pieds dans la moindre aspérité. Christine le suivait des yeux, muette d'admiration.

Voilà un garçon intrépide et courageux, pensa la jeune fille. Je suis fière d'être son amie.

Mathieu parvint, après quelques tâtonnements, à l'entrée de la grotte. Son père lui cria de ne pas s'aventurer trop loin à l'intérieur pour éviter tout danger.

Le garçon aperçut une stalagmite et y noua la corde qu'il serrait autour de son ventre. Les autres purent alors monter à leur tour en posant leurs pieds contre la paroi et en tirant avec leurs bras.

Tous parvinrent à l'entrée de la caverne.

Le professeur de paléontologie ne tarissait pas d'éloges. Il restait interdit devant cette découverte. Il venait en effet de repérer des ossements d'énormes fossiles. Il observa même des écailles d'œufs de dinosaures. Il rappela que les animaux préhistoriques, des reptiles, naissaient tous dans des œufs. Un des murs de la grotte était couvert de dessins étranges, sans doute plus récents, mais assez impressionnants. Des sortes d'oiseaux ou des ptérodactiles aux ailes membraneuses démesurées.


Le soir tombait, la petite équipe revint au campement bien fatiguée.

Au moment où le professeur s'apprêtait à entrer sous la toile de la tente qui lui était attribuée, il poussa un cri et recula. Un lynx s'y trouvait.

Le lynx est un félin. Il ressemble à un tigre ou à un chat mais d'une taille intermédiaire. Une caractéristique particulière: il possède une touffe de longs poils dressés au-dessus de ses oreilles.

L'animal, surpris, grondait, prêt à bondir toutes griffes dehors.

Christine demanda à Mathieu et aux autres de s'asseoir à quelque distance, de ne plus bouger et de se taire. Puis elle s'avança vers la tente du professeur et s'arrêta à deux mètres de l'entrée. Elle s'agenouilla puis s'assit sur ses talons.

Tu sais, toi qui me lis, qu'elle possède le don extraordinaire de communiquer avec les animaux.

Elle poussa des petits cris que seul le fauve pouvait comprendre. Elle lui demanda de ne pas se montrer agressif. On ne venait pas chasser sur son territoire. On n'allait pas lui faire du mal ni à lui, ni à ses petits. On ne resterait pas longtemps dans son espace de chasse. Dans quelques jours, tous repartiraient.

-Allons, ne crains rien. Sors de cette tente, ajouta-t-elle, toujours en langage animal. Viens vers moi. Fais-moi confiance.

Peu à peu les grognements du lynx se transformèrent en une sorte de miaulement très doux. La tête de l'animal apparut à l'entrée de la tente.

Christine posa de la salive sur une de ses paumes et la tendit vers le félin. Il s'approcha, renifla, puis lécha sa main. La jeune fille glissa d'un geste vif son autre main autour du cou du lynx et le serra contre elle avec tendresse. Elle le caressait à présent. Il se laissait faire.

-Là, dit-elle, voilà mes amis. Ils ne te feront pas de mal. Une fois encore, ne crains rien.

Christine flatta le lynx quelques instants, puis, ouvrant les bras, elle le laissa partir.


Les trois étudiants applaudirent. Mathieu restait muet d'admiration. Il en avait des larmes aux yeux. Le professeur s'approcha de notre amie.

-Petite fille, dit-il avec émotion, je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi beau, d'aussi courageux. Je t'ai sous-estimée au départ. Devrais-je vivre encore cent ans, je n'oublierai jamais ce que je viens de voir. Je viens de passer des instants merveilleux. Je n'oublierai jamais la petite fille en salopette qui parla au lynx, l'amadoua et puis qui le serra dans ses bras. Fabuleux. Je te félicite.

Christine se releva, émue.

Les étudiants préparèrent le repas du soir. Ils cuisirent des pommes de terre dans les braises et des saucisses au-dessus des flammes. La lune apparut dans le ciel. Puis tous se retirèrent sous les tentes.

Les deux amis souhaitaient encore passer la nuit sous le même toit. Ils s'allongèrent dans leurs sacs de couchage l'un près de l'autre.

-Tu es la fille la plus géniale qui existe au monde, murmura Mathieu encore très touché.

-Et toi, je n'oublierai jamais ton audacieuse escalade. Je t'admire.

Ils s'échangèrent un bisou avant de s'endormir.


Le lendemain, ils consacrèrent la matinée à fouiller la grotte découverte hier. En début d'après-midi, le paléontologue affirma que tout ce qui l'intéressait avait été emmené ou photographié.

N'existait-il pas, par hasard, une autre caverne, un autre cimetière de dinosaures ? Christine promit qu'elle demanderait au lynx, tantôt, quand on reviendrait au camp. L'animal rôdait sans cesse dans les parages, surveillant les allées et venues de l'équipe.

Notre amie, de retour au camp, traversa le torrent puis poussa des petits cris pour appeler le félin. De nouveau, elle le prit dans ses bras, et le serrant contre elle, lui parla et l'écouta plusieurs minutes.

Quand leur dialogue s'acheva, Christine se tourna vers son copain.

-Viens le caresser.

-Je n'oserais jamais, dit Mathieu.

-Allons, courage garçon, se moqua la jeune fille. Du cran. Viens me montrer que tu es un vrai dur.

Mathieu, piqué au vif, releva le défi et s'approcha. Les mains tremblantes, il toucha le lynx du bout des doigts. Puis ils revinrent près du feu que les étudiants allumaient pour le repas du soir.

Notre amie expliqua à l'équipe qu'il existait une seconde grotte, un peu en aval, mais qu'elle comportait quelque chose de mortel. Elle ne put préciser quoi.

-Je ne comprends pas bien ce que me dit le lynx. C'est la première fois que je parle avec ce genre d'animal. Il évoque un réel danger. Il parle d'un monstre terrifiant et de hurlements dans la nuit, mais surtout de peur, une peur atroce, paralysante. Les animaux qui entrent là ne ressortent pas. La souffrance puis la mort les attendent à cet endroit.

Notre amie ne voulait en aucun cas entrer dans cet antre effrayant, la grotte de la peur. Comme il ne faisait pas encore tout à fait noir et qu'elle tenait le rôle de guide, elle accepta cependant de mener l'équipe jusqu'à l'entrée.


Ils marchèrent suivant un sentier escarpé et à peine tracé jusqu'au pied d'une chute d'eau d'environ cinquante mètres de hauteur. Un raidillon, petit chemin raide, naissait sur le côté du bassin creusé par la cascade. Il menait à l'entrée de la grotte. Il fallut traverser l'étang pour l'atteindre.

Tous nagèrent dans l'eau froide puis, les habits trempés, ils escaladèrent, empruntant une piste étroite. Elle s'arrêtait à l'entrée d'un tunnel sombre. La grotte de la peur...

Ils sentirent aussitôt un étrange courant d'air nauséabond, tantôt chaud et tantôt froid, qui soufflait, venant de l'intérieur de ce passage. Cela ressemblait à l'odeur fétide, puante, de quelque bête morte, qui pourrirait dans la grotte.

Les deux savants pensaient plutôt à la présence de gaz volcaniques, prouvant encore, après des millions d'années, une activité résiduelle de cette zone très productive autrefois.

Risquant trois ou quatre pas prudents à l'intérieur, ils s'arrêtèrent vite devant une grille en fer. Les barreaux étaient rouillés. La grille était entrouverte mais bloquée. On ne pouvait ni la fermer ni l'ouvrir davantage. Elle semblait très ancienne.

Qui l'avait installée là et pourquoi ? Des hommes venus à cet endroit, il y a sans doute très longtemps auraient-ils voulu enfermer quelque chose à l'intérieur de cette grotte de la peur ? Une abomination qui pourtant, devrait être morte depuis longtemps...

La nuit tombait, ils décidèrent de retourner au camp.

L'étudiant Yvan, originaire du Pérou, leur prépara des bananes flambées relevées aux piments dont il tenait la recette par sa grand-mère. Les adultes trouvèrent cela bon, mais Mathieu et Christine ne mangèrent quasi rien.

Les provisions étaient comptées. Ils ne reçurent pas grand-chose d'autre et ils allèrent se coucher le ventre fort vide et pas très contents.


Mathieu s'éveilla au milieu de la nuit. Il se tourna vers Christine. Elle dormait paisiblement. Le garçon avait faim. Il sortit de la tente pieds nus, torse nu, vêtu seulement de son jean bleu. Il se dirigea vers le feu dont les braises rougeoyaient encore. Il ouvrit un sac à dos et y trouva une pomme. Il décida d'aller la croquer au bord de l'eau.

Levant les yeux, il observa les étoiles, la voie lactée, espace de silence, de paix, et de douceur.

Il aperçut tout à coup des lueurs à l'entrée de la grotte de la peur qu'on devinait au loin. Ces lueurs se déplaçaient et Mathieu compta deux faisceaux de lampes de poche.

Comme les lumières s'approchaient du camp, il se cacha derrière un rocher. Il entendit des voix et reconnut celle de son père et celle du professeur. Ils étaient donc retournés à la grotte malgré l'heure tardive et en revenaient à présent. Le garçon perçut un instant des bribes de leur conversation.

-Elle a peur. Elle n'entrera pas dans la grotte.

-Dommage, répondit le paléontologue. Peut-être pourrait-on l'obliger ?

-On ne peut pas, affirma le papa de Mathieu. D'abord, ce n'est pas ma fille. Je n'ai pas d'ordre à lui donner. Et puis visiblement les révélations de son lynx l'effrayent.

-Oui, mais imaginez, cher ami, qu'un descendant vivant des dinosaures existe là-dedans. Quelle découverte prodigieuse ! Avec son don, elle pourrait peut-être communiquer avec le monstre. Ecoutez mon idée. Votre fils et elle se tiennent toujours proches l'un de l'autre. Je les observe souvent. Alors, voici ce que je vous propose...

Mathieu n'entendit pas la suite de la conversation, mais il en savait assez. Il revint à sa tente sans bruit et se jura de prévenir Christine que le paléontologue allait lui tendre un piège le lendemain pour la faire entrer dans la grotte.

Avant de se glisser dans son sac de couchage, il regarda son amie. Elle dormait pieds nus, en salopette. Une de ses jolies tresses était à moitié défaite. Il admira ses longs cheveux, son visage fin et doux. Puis, se penchant vers elle, il lui donna un petit bisou sur la joue.

Ensuite il se tourna et s'endormit.


Plus tard, Christine s'éveilla à son tour. Elle aussi avait faim. Elle sortit de la tente. Elle s'approcha des sacs de nourriture. Elle y aperçut quelques pommes, mais n'osa pas en prendre.

Elle marcha sur le sable jusqu'au bord de la rivière. La lueur argentée de la lune éclairait la nuit. Elle écouta le bruit du vent dans les arbres et le clapotis de l'eau.

Tout à coup, un cri horrible déchira le silence, une sorte de hurlement sinistre et terrifiant. Un sifflement à vous glacer le sang dans les veines. Ce cri venait de la grotte de la peur.

La jeune fille frissonna et fit demi-tour. Elle retourna vers la tente.

Avant d'entrer dans son sac de couchage, elle regarda Mathieu. Oui, un super garçon, se dit-elle. Courageux et gentil. Elle lui donna un bisou pendant qu'il dormait. Elle se glissa dans son sac bien au chaud et retrouva le sommeil.


Quand elle se réveilla le lendemain matin, elle se trouva seule sous la tente. Etonnée, elle sortit et s'approcha du feu. Personne dans la tente du professeur et dans celle du père de Mathieu. Les trois étudiants dormaient encore.

Christine fit un peu de bruit, exprès, pour les éveiller. Ils sortirent de leur abri. Elle leur expliqua qu'elle s'étonnait de la disparition de Mathieu, de son papa et de leur professeur.

Les jeunes gens supposèrent qu'ils étaient déjà montés à la grotte, impatients de la découvrir. On irait les rejoindre dans un instant. La jeune fille trouva bizarre que son ami ne l'ait pas attendue.

Après un repas rapide, ils se rendirent à la grotte de la peur tous les quatre. Les étudiants passèrent la grille et Christine les accompagna, malgré ses craintes, pour ne pas rester seule.

La caverne se prolongeait en un couloir sombre, presque noir. Le sol, jonché d'ossements qui craquaient sous les pieds. L'odeur de pourriture était généralisée. Un véritable charnier. L'horreur !

Soudain ils distinguèrent quelque chose qui venait vers eux dans le faisceau de leurs lampes de poche.

Regardant mieux, ils virent une sorte d'araignée géante. Elle se tenait sur huit longues pattes velues, chacune d'elles mesurant cinquante centimètres au moins. Son corps hérissé de pointes possédait une gueule monstrueuse, une bouche ronde terminée par deux rangs de dents pointues.

Un monstre hybride. Ce n'était ni une araignée ni un crocodile, mais un phénomène hideux descendant de deux lignées peut-être disparues.


Horrifiés, les trois étudiants et Christine se sauvèrent aussi vite qu'ils le pouvaient vers la sortie. Hélas, notre amie buta contre une pierre et tomba à terre. La bête qui avançait arriva par bonds à son niveau.

Christine se roula contre le mur de roche noire. Elle tremblait de peur. Son cœur battait la chamade. L'horrible animal passa à côté d'elle, à quelques centimètres de son corps, sans toutefois s'arrêter.

La jeune fille comprit que le monstre était aveugle mais percevait le moindre bruit. Impossible par ailleurs de communiquer avec lui, elle ne parle qu'avec les quatre pattes, les deux pattes et les serpents.

Les trois étudiants réussirent à s'enfuir. Une fois dehors, ils appelèrent notre amie.

-Je suis là, dit-elle.

Mais elle n'aurait pas dû crier. Le monstre difforme fit demi-tour et revint vers elle, de nouveau par bonds. Notre amie se releva et courut vers la profondeur de la grotte pour tenter de lui échapper.

Elle découvrit une seconde grille fermée par un gros verrou en fer. Elle le fit glisser, ouvrit la porte, puis la claqua derrière elle. Elle repoussa le verrou.

La bête hybride bondit contre les barreaux et tendit ses pattes vers Christine qui recula aussitôt d'un bon mètre et demeura ainsi hors d'atteinte.


Notre amie se trouvait en sécurité. Elle se remettait peu à peu de ses frayeurs. Elle l'avait échappé belle. Mais pour sortir de la grotte, il faudrait repasser les deux grilles et surtout le territoire du monstre qui se trouvait entre elles.

Elle décida d'explorer d'abord le reste de la caverne, à la recherche d'une autre sortie.

Le couloir s'élargissait puis se divisait en deux tunnels, l'un descendant d'où montait l'air chaud, et l'autre assez raide, d'où venait l'air froid.

La descente ne dura pas. La jeune fille déboucha, après quelques mètres, dans une immense caverne qui contenait un lac d'eau bouillante. Des bulles s'élevaient du fond et venaient sans cesse éclater à la surface. Des vapeurs s'échappaient en permanence. Le spectacle était hallucinant. Il faisait une chaleur infernale. Impossible d'aller plus loin.

Christine fit demi-tour et se dirigea vers la grotte du haut. L'accès vers celle-ci lui parut beaucoup plus long. Après une centaine de mètres et plusieurs tournants, toujours dans une demi-obscurité et un silence total, elle découvrit un lac glacé.

Le spectacle était de toute beauté. Des stalactites gelées reflétaient la lumière venue on ne sait d'où et par diffraction illuminaient la voûte d'arcs-en–ciel multicolores. D'immenses blocs de glace se dressaient ici et là, menaçants.

Christine frissonna. Elle n'était pas vêtue pour affronter le froid glacial qui régnait ici. Elle fit pourtant quelques pas sur le lac gelé.

Là, elle entendit un appel.

-Au secours! au secours !

Pieds nus dans ses sandales de gymnastique, elle tremblait de froid à présent, n'ayant que son t-shirt et sa salopette. Elle s'approcha malgré tout de l'endroit d'où l'on appelait et vit une crevasse fermée par un gros bloc de glace. Là se trouvaient le paléontologue, le père de Mathieu et Mathieu lui-même. Ils tremblaient de froid eux aussi.

-Christine, délivre-nous. En parcourant cet espace, nous avons glissé dans ce trou. Impossible d'en sortir sans une aide extérieure. Appelle les étudiants et revenez avec des cordes.

Mais pour retourner au camp, elle allait devoir passer les deux grilles et affronter la bête. Pour les prisonniers du froid, c'était une question de vie ou de mort.


Christine soupira, puis fit demi-tour et se dirigea vers la grille la plus proche. Le monstre hybride s'y trouvait encore accroché, son corps répugnant collait aux barreaux. Une de ses pattes reposait sur le verrou qui fermait la barrière.

La jeune fille s'approcha tout près de la bête. Tremblante de peur, elle posa son pouce contre le verrou. Elle hésitait à ouvrir la porte. On la comprend. Elle pensa à son copain, prisonnier des glaces, avec son père et l'autre professeur. Dans quelques heures ils mourraient de froid si elle n'agissait pas.

Rassemblant son courage, elle entreprit de faire lentement glisser le verrou qui fermait cette grille. La bête ne bougeait pas. Son idée était d'ouvrir et de coincer l'animal entre le mur et les barreaux puis de marcher sans bruit jusqu'à l'autre barrière, à l'entrée de ce lieu horrible, près de la cascade.

Elle fit donc bouger le verrou vers la droite.

Pendant qu'elle le glissait, l'araignée, brusquement, retira sa patte. Christine saisie, recula. Puis elle revint vers la grille. Elle la poussa du bout du doigt. La porte s'ouvrit et tourna, heureusement sans grincer.


À ce moment, notre amie changea son plan. Elle fit trois pas à peine dans le couloir sombre, puis se baissa et ramassa deux grosses pierres. Elle en lança une entre elle et la sortie du tunnel. La bête bondit sans hésiter à l'endroit où la pierre était tombée.

Christine en lança alors une deuxième vers l'intérieur des grottes, au début du couloir chaud et froid. Le monstrueux animal bondit de nouveau sur le caillou, passant ainsi devant notre amie, mais sans remarquer sa présence silencieuse et immobile.

La courageuse jeune fille se baissa de nouveau et choisit deux nouvelles pierres. Elle en jeta une première bien loin, vers le couloir chaud. Puis une autre et encore une autre. L'animal terrifiant mais stupide, progressait par bonds vers le bord du lac d'eau bouillante.

Rassemblant ses forces, Christine lança un dernier morceau de roche, dans l'eau du lac cette fois. Le « plouf » attira le monstre vers ce qu'il entendait et prenait pour une proie sans doute. Il bondit dans le lac brûlant.

La bête se débattit un instant.

Notre amie, livide, le cœur battant la chamade, vit le monstre changer de couleur en mourant, comme un homard qui passe au rouge quand on le cuit dans l'eau bouillante. Il poussa un long cri, semblable au terrible hurlement que la jeune fille avait entendu dans la nuit, et qui l'avait fait frissonner.

Le corps, inerte à présent, se retourna, flotta renversé sur le dos, les huit pattes en l'air et vint mourir sur la grève, près de notre amie victorieuse.


L'hybride mort ne bougeait plus. Christine revint sur ses pas et traversa l'espace séparant les deux grilles sans crainte et sans difficulté. Les trois étudiants venaient du camp, armés de couteaux. Elle leur cria d'apporter des pioches et des cordes.

Puis tous ensemble, traversant le charnier où avait vécu la bête, ils se dirigèrent, conduits par notre amie, vers la grotte de glace. Ils attaquèrent la neige gelée avec leurs outils et délivrèrent le professeur, Mathieu et son papa.

Tous allèrent ensuite se réchauffer au bord du lac souterrain aux vapeurs brûlantes. Notre amie leur montra le monstre mort dont le corps rouge, encore hideux, flottait contre un rocher.

Et le piège de l'aube ? Le paléontologue avait convaincu le père de Mathieu d'éveiller et d'emmener son fils vers la grotte de la peur, persuadé que la fille suivrait le garçon. Mais aucun d'eux ne savait, à ce moment, qu'une bête effroyable s'y tapissait, enfermée dans ce cloaque par des visiteurs venus autrefois avant de disparaître sans laisser de traces.

Tous trois étaient donc entrés dans la grotte. Le monstrueux animal dormait sans doute au fond de sa tanière. Il ne s'était pas éveillé.

Parvenus au lac gelé, ils avaient glissé et s'y trouvaient enfermés.

Ils y seraient morts de froid si notre amie ne les avait pas découverts juste à temps et surtout, si l'incroyable jeune fille n'avait pas eu le courage d'affronter le monstre pour chercher de l'aide auprès des étudiants.

Tous revinrent sains et saufs au campement.


Deux jours plus tard, Christine retrouva ses parents et sa maison. Le paléontologue prit la parole.

-Pardonne-moi, Christine, dit-il avant de reprendre la route. Pardonne ce piège, qui s'est d'ailleurs retourné contre nous. Je n'oublierai jamais ton acte de courage hallucinant qui nous sauva la vie. Je n'oublierai jamais non plus le moment fabuleux où tu domptas le lynx. Je te félicite, jeune fille. Merci.

Notre amie sourit. Elle les regarda partir.

Elle n'est jamais retournée à la grotte de la peur, mais elle a vécu d'autres aventures passionnantes avec son ami Mathieu. À toi de les découvrir sur le site...