Christine
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Le garçon perdu

     Christine retournait à la maison en cette fin d'après-midi.

Ce matin, elle avait étudié avec sa maman. Notre amie ne va pas à l'école car le village est trop loin. Puis, avec cette chaleur qui régnait depuis quelques jours, elle était allée se baigner au lac situé à une heure de marche.

Elle revenait la salopette trempée d'eau un peu boueuse, mais ça ne dérangeait ni Christine, ni ses parents qui savent qu'elle aime nager, les beaux jours d'été, dans le grand étang, même si l'eau y est un peu froide. Leur fille, loin d'être une mauviette, adore partir à l'aventure dans cette immense forêt qui entoure leur maison, et se baigner dans les lacs et les rivières qui la traversent.

En arrivant, elle vit deux voitures garées devant chez elle. L'une d'entre elles était un véhicule de police.

Christine entra et observa quatre personnes, dont un homme et une femme qu'elle connaissait un peu. C'étaient des clients de ses parents. Ils venaient souvent acheter des bûches. Les deux autres étaient des policiers. Une commissaire et sa collègue. Ces dernières saluèrent Christine.

- Aurais-tu croisé un garçon de neuf ans environ, donc un rien plus jeune que toi? demandèrent-elles aussitôt.

- Non, répondit notre amie.

L'homme et la femme expliquèrent alors que leur enfant, Niels, avait disparu.

- Nous nous promenions avec lui au cœur de ces bois quand soudain on ne l'a plus vu. Pourtant il nous suivait de près. Cela s'est passé près du carrefour des trois routes.

Une des policières expliqua que l'on avait songé à utiliser un hélicoptère pour entamer des recherches, mais hélas, c'était tout à fait inutile, car on ne voit rien du haut du ciel sous les frondaisons.

Le père de notre amie lui demanda si avec l'aide des animaux elle pourrait réussir à localiser l'enfant.

On se souvient que Christine sait parler aux animaux de quatre pattes, de deux pattes, aux oiseaux, et aux serpents, et comprendre leur langage.

- Je vais essayer, dit-elle aussitôt.


Elle sortit de la maison et regarda vers les sommets des grands arbres.

Elle aperçut une pie et l'appela.

L'oiseau se posa près d'elle.

Christine saisit alors une bague qu'elle gardait au doigt. Une jolie bague en or, décorée de petites pierres brillantes de plusieurs couleurs. Des rubis rouges, des saphirs bleus, et quelques émeraudes vertes.

Tu te rappelles que notre amie a reçu autrefois cette bague de la reine des pies. (Lis ou relis le passionnant récit : Le trésor des pies. Christine n° 54.) La reine lui a confié cette bague à la fin de l'aventure en disant : "Voici un anneau en or, rehaussé de saphirs bleus et de rubis rouges. Emporte-le. Il t'appartient à présent. Et si un jour, tu as besoin de mon aide, pose-le sur ton appui de fenêtre ou confie-le à l'une d'entre nous. Elle le prendra et me l'apportera. Et je viendrai..."

Christine donna la bague à la pie qui se trouvait près d'elle et lui dit :

- Porte ceci à ta reine. Ne la perds pas en route et dépêche-toi.

L'oiseau s'envola et disparut.


Un peu plus tard, à l'heure mystérieuse et fascinante du soir appelée entre chien et loup, la reine des pies vint se poser près de Christine. Elle lui rendit la bague.

- Que puis-je faire pour toi ?

- Un garçon a disparu dans la forêt, du côté du carrefour des trois routes. Pourrais-tu rassembler des pies et des corbeaux et le chercher ?

- Oui, on le retrouvera. On viendra demain matin.

- Pourquoi pas tout de suite ? demanda notre amie.

- Quand la nuit tombe nous restons dans nos nids. Voler est trop dangereux à cause des rapaces qui ne manquent pas d'attraper les malheureuses retardataires. Mais compte sur moi demain. Je puis rassembler une centaine de pies et autant de corbeaux. Nous retrouverons ce garçon. Je te revois dès le lever du soleil, au carrefour des trois routes.

La reine des pies s'envola.


- Les pies et les corbeaux vont chercher votre enfant demain, dit Christine en entrant dans le salon.

- Demain seulement ! s'inquiéta la maman de Niels. Mon pauvre bébé...

Je pense qu'à neuf ans, il ne risque rien dans la forêt, songea notre amie. Moi, ça m'est déjà arrivé de passer la nuit dehors au pied d'un arbre et je n'en suis pas morte. Et à neuf ans, on n'est plus un bébé.

-Ne craignez rien, madame, dit Christine. Il va sûrement se débrouiller. Et demain à l'aube, je serai au carrefour des trois routes. Mes parents me réveilleront tôt.

Notre amie et son père échangèrent un regard de connivence. Notre aventurière se sortirait de cette situation sans problème, sans doute... Juste avec un moment de peur...


Christine partit à l'aube à vélo. Elle arriva au carrefour des trois routes après une heure. La reine des pies l'attendait.

Notre amie cacha son vélo derrière un massif de plantes et s'assit près d'elle au soleil.

Un corbeau approcha, volant à tire-d'aile.

- J'ai trouvé le garçon, lança-t-il. Il est enfermé dans un bâtiment abandonné près du sentier qui longe un lac, là-bas, assez loin.

Un bâtiment de ce côté, au milieu des bois, songea Christine, je ne vois que l'hôtel abandonné. Celui où j'ai eu si peur autrefois...

Si tu veux en savoir plus, découvre le terrible récit : La chambre 313, Christine n°2 ou dans la zone épouvante et horreur n°11, si tu oses le lire...

Pourquoi reste-t-il là à attendre ? Serait-il enfermé ou blessé ? se demanda notre amie.

Elle décida de s'y rendre tout de suite, sans attendre l'arrivée des parents ou des policiers.


Elle suivit le long sentier qui menait à droite par collines et vallées, au cœur de l'immense forêt et arriva en vue de ce grand étang.

Elle s'approcha du bord et aperçut le bâtiment abandonné derrière les arbres. Quatre corbeaux s'égosillaient en croassant sur le toit.

Un homme, armé d'un fusil, marchait dans les anciens jardins de cet hôtel.

Christine se baissa, s'approcha encore un peu, puis se mit à plat ventre.

Si je m'avance encore, il va me voir, songea notre courageuse amie. Niels est sans doute prisonnier là quelque part, mais où ?

Elle envisagea un instant de revenir sagement en arrière et d'appeler les policières. Mais le garçon était peut-être en danger et les kidnappeurs pouvaient se déplacer.

Audacieuse, elle décida d'agir seule.


Pour ne pas se faire repérer, elle entra dans l'eau de l'étang, pieds nus, mais gardant sa salopette.

Elle se glissa d'abord sous les branches des arbres.

Notre amie se rappela soudain qu'un conduit, une sorte de tuyau étroit, mène de l'eau de ce lac aux caves du bâtiment. Elle fait tourner une roue à aube qui produit de l'électricité pour alimenter l'hôtel. Christine s'était glissée par là lors de son aventure précédente, pour tenter de s'échapper, et avait réussi.

Je vais y entrer, se dit-elle. L'homme de garde ne me verra pas. Espérons que les portes des caves ne seront pas fermées à clé. De là, j'aurai accès au rez-de-chaussée.

Elle nagea les derniers mètres à découvert, en faisant la brasse, les bras sous l'eau, pour ne pas attirer l'attention.

Elle parvint à l'entrée du conduit et s'y glissa. Elle y rampa deux mètres et en sortit doucement. Personne en vue.

Elle descendit le long de ce générateur d'électricité, qui ne fonctionnait presque plus.

Ensuite elle se redressa et entra dans un couloir sombre. Elle le suivit et atteignit le pied de l'escalier. Elle l'emprunta et s'approcha de la porte entrouverte qui donnait dans le grand hall d'entrée.

Toujours personne en vue.


Christine s'arrêta un instant. Elle percevait deux voix. Un homme et une femme. Ça provenait d'un des salons de l'ancien hôtel.

Notre amie entendait, mais ne comprenait pas ce qu'ils disaient. Ils parlaient trop bas. Elle aperçut l'individu armé en regardant par une porte grande ouverte. Il continuait à faire les cent pas dehors.

Notre aventurière traversa le hall, toujours pieds nus, et se baissa derrière le bureau d'entrée.

Elle observa l'armoire à compartiments dans lesquels on rangeait les clés des chambres.

Il en manquait deux. La 111 et la 319.

Elle en conclut que Niels devait se trouver dans une de ces deux-là.


Christine se redressa et se précipita dans l'escalier qui menait aux étages.

Elle parvint au premier sans croiser personne. La chambre 111 se trouvait juste à sa droite.

Notre amie ne vit aucune clé dans la serrure. Elle écouta, collant son oreille contre la porte, mais elle n'entendit rien.

Elle saisit la poignée et entra.

Elle vit un lit défait, un matelas posé sur le sol, et la porte-fenêtre, donnant sur le lac, entrouverte. Personne.

Elle appela.

- Niels ! Niels !

Rien. Le silence.

Elle ressortit et referma la porte.


Le somptueux escalier de l'hôtel, menant vers les autres étages, était sombre. Elle dépassa le deuxième palier sans s'arrêter et parvint au troisième, un peu essoufflée.

La chambre 319... songea notre amie.

Fermée... mais la clé était sur la porte.

Christine écouta et regarda par la serrure. Elle n'entendit rien et ne vit rien. Elle déverrouilla et entra.

Un garçon se tenait assis sur le lit.

- Niels ? dit-elle.

- Oui.

- Je suis venue te chercher. Que fais-tu là ?

Le garçon raconta.

- Je me promenais avec mes parents dans la forêt, hier après-midi. Soudain, j'ai vu une biche dans une clairière. J'ai voulu m'en approcher, mais elle s'est éloignée lentement, en me regardant. Je l'ai suivie un moment, puis elle s'est encourue. J'ai encore tenté de la rattraper, mais elle avait disparu. J'ai marché vers le sentier pour rejoindre mes parents, mais j'ai dû me tromper. Et je me suis perdu sous les grands arbres.

- Tes parents te cherchent, dit notre amie. La police aussi. Comment se fait-il que tu te retrouves enfermé ici ?

- J'ai longtemps marché... Le soir tombait. J'ai aperçu une lumière et je me suis dirigé vers elle. Je pensais rencontrer des gens et leur demander de l'aide, de téléphoner à mes parents, mais ils m'ont enfermé dans cette chambre. Je crois que ce sont des voleurs qui préparent un mauvais coup ou qui se cachent pour échapper aux gendarmes.

Le garçon observait Christine en lui parlant.

- Et toi, dit-il, comment se fait-il que tu es arrivée ici ?

- Moi, j'ai utilisé mon don de savoir parler aux oiseaux et mon amitié avec les pies de cette forêt où j'habite pour leur demander de l'aide et te retrouver. Elles m'ont signalé ta présence ici. Maintenant, tâchons de filer sans que ces voleurs nous voient. Viens. Je vais te faire passer par où je suis venue.


Les deux enfants quittèrent la chambre 319 et suivirent le couloir sans bruit. Ils empruntèrent l'escalier et descendirent au deuxième puis au premier étage sans rencontrer personne.

Christine s'arrêta et fit signe à Niels de faire de même. Ils écoutèrent. Les deux voleurs qui discutaient tantôt dans le salon, se trouvaient dans le hall d'entrée à présent. Impossible de continuer et de passer sans être vus.

- Tu sais nager ? demanda notre amie.

- Oui.

- Tu n'auras pas peur de plonger de haut, par exemple du premier étage ?

- Je m'en fiche. Je veux partir d'ici et retrouver mes parents.

- Viens, allons à la chambre 111. On passera sur le balcon et on sautera dans le lac. Avec un peu de chance, les voleurs ne nous entendront pas. Le hall n'a pas de fenêtre, et le troisième individu vient d'y rejoindre les deux autres.


Ils entrèrent dans la chambre 111. Christine referma avec la clé que les voleurs avaient laissée à l'intérieur sur la serrure. Elle passa sur la terrasse en se faufilant par la fenêtre entrouverte.

- Tu oses sauter ? dit-elle en se tournant vers Niels. C'est haut!

- Oui, souffla le garçon, pourtant pas très rassuré.

Ils sautèrent l'un après l'autre et nagèrent vers le bord du lac. Ils pataugèrent un moment dans l'eau boueuse à cet endroit, mais ils y étaient à l'abri des regards sous les branches basses des grands arbres.

Ils sortirent de l'eau sales et trempés, mais libres.

Christine retrouva ses chaussures. Elle les mit en vitesse, puis ils coururent vers le carrefour des trois routes.

Une voiture de police s'y trouvait, ainsi que les parents de Niels et ceux de notre amie. Ces derniers étaient inquiets de ne pas voir revenir leur fille.

Ce fut un grand moment d'émotion.


Christine eut ensuite le courage de raconter en détails tout ce qu'elle avait pu observer et de conduire tout de suite les policiers vers l'hôtel abandonné.

Deux équipes, appelées en renfort, l'accompagnèrent.

Laissant notre amie bien à l'abri avec ses parents de l'autre côté du lac, les policiers encerclèrent le bâtiment et s'emparèrent des trois voleurs. Ils furent aussitôt menottés et conduits en prison.


Christine, Niels et leurs parents se retrouvèrent dans la maison de notre amie.

Ils ne tarissaient pas d'éloges sur le courage et l'efficacité de Christine.


Au moment du départ, notre amie confia à Niels que s'il voulait voir des biches, des cerfs ou de petits faons, il pouvait revenir quand il voudrait. Ils iraient dans les bois et elle userait de son don de parler et comprendre les quatre pattes autant que les deux pattes et les serpents pour s'approcher d'eux sans danger et les observer avec bonheur.

Elle remercia la reine des pies qui l'attendait, posée sur une branche d'un arbre proche et se promit de la revoir un jour prochain.