Divers enfants
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Une fête des mères inattendue

       Victoria, en classe de première année, écoutait son institutrice. Tous les enfants autour d'elle se taisaient.

- Aujourd'hui, nous allons préparer un beau cadeau pour la fête des mamans, dit madame Charlotte. Je vais vous donner des grandes feuilles blanches et vous allez peindre un joli paysage.

Notre amie s'appliqua avec soin.

Elle dessina d'abord des montagnes en bleu foncé, puis la mer en plus clair et enfin un plage de sable jaune entre les deux. C'était très réussi.

La sonnerie de fin des cours retentit.

Victoria rejoignit le rang qu'accompagne un professeur et qui passe devant sa maison.

Elle le quitta à ce moment, en saluant ses amies.

 

Mais en s'arrêtant devant sa porte, elle fondit en larmes.

Victoria n'a plus de maman.

Elle est morte voilà quelques mois suite à une grave maladie. Notre amie vit avec son père. Il ne rentre du travail que plus tard.

Elle écarta les mèches blondes qui recouvraient son front.

D'habitude, Victoria ouvre la porte avec la clé que son papa lui a confiée et qu'elle garde soigneusement dans son cartable. Mais cet après-midi, elle hésita un instant.

- Que vais-je faire de mon dessin ? dit-elle tout haut. Le donner à papa ? Non, sa fête a lieu le mois prochain. Tant pis. Je vais jeter ce paysage à la poubelle.

Elle leva le couvercle.

Elle s'apprêtait à déchirer la feuille et à s'en débarrasser.

 

Mais à ce moment, elle songea à cette dame qui habite la maison à côté de la leur.

Elle s'appelle Gabrielle. Elle vit seule, et reste très solitaire.

Son mari est mort il y a quelques années. Elle reçoit peu chez elle, juste une amie, de temps en temps.

Elle a trois fils, mais ils sont grands. Ce sont des adultes maintenant. Ils habitent dans des pays lointains, au-delà des mers et des océans.

Victoria songea que peut-être aucun de ses fils, qui vivent si loin de leur maman, n'allait penser à lui envoyer un cadeau pour la fête des mères, ou simplement lui téléphoner.

-Je suis triste de n'avoir personne à qui offrir mon beau dessin, mais elle, elle doit être triste de n'avoir personne qui viendra lui souhaiter sa fête, dit tout haut notre amie.

 

Elle retourna sur le trottoir et alla sonner chez la dame.

La porte s'ouvrit.

Victoria fit un beau sourire et lança :

- Bonne fête des mamans ! madame.

Elle lui tendit son dessin.

- Quel merveilleux cadeau tu me fais! dit la dame si émue que des larmes coulaient le long de ses joues. Merci ma chérie.

Elle la serra dans ses bras.

- Entre un instant, dit-elle.

La fillette suivit la dame au salon.

Elle saisit un cadre où se trouvait une photo de ses trois fils.

- Ils vivent bien loin, dit-elle. Je ne crois pas qu'ils penseront à la fête de leur maman... Et toi tu viens m'apporter ce beau dessin. Quel bonheur !

 

La dame partit un instant et revint avec un vieux jouet-téléphone de petit enfant.

Tu connais ce jouet.

Tu pousses sur le 1 et tu entends : Au clair de la lune, mon ami Pierrot...

Tu pousses sur le 2 et tu entends : Un petit canard au bord de l'eau...

Tu pousses sur le 3 et tu entends : Sur le pont d'Avignon...

Et ainsi de suite...

Victoria était un peu grande pour recevoir ce jouet de bébé, mais elle remercia la dame en l'embrassant.

Puis elle retourna chez elle. Papa n'était pas encore revenu du travail.

 

Notre amie s'assit dans le fauteuil à bascule sur la terrasse pour l'attendre. Elle prit le téléphone sur ses genoux.

Un ravissant papillon jaune à lignes bleues se posa sur la balustrade. Il se tenait là, immobile.

Victoria poussa sur la touche 1 du petit téléphone, mais rien ne se produisit.

Il faut sans doute des nouvelles piles, songea la fillette.

Elle se rendit à la cuisine et ouvrit le tiroir où elles sont rangées. Elle en glissa deux dans le petit compartiment de l'appareil.

Puis elle revint s'asseoir sur la terrasse.

 

Curieuse, elle appuya de nouveau sur le 1.

Elle entendit un son, comme lorsqu'on place son oreille contre un grand coquillage .

C'était le bruit des vagues de la mer.

Il semblait venir de très loin.

Et notre amie parla, comme dans un téléphone.

- Votre maman est triste, les garçons. Ne ratez pas sa fête, aujourd'hui... Appelez-la! maintenant...

Le papillon jaune s'envola, juste quand Victoria raccrocha.

Très contente, elle posa l'appareil à terre et saisit un livre pour lire un peu en attendant l'arrivée de son papa.

 

Quel silence, soudain !

Même les oiseaux se taisaient.

Victoria entendit sonner un téléphone dans la maison à côté, celle de la dame.

Puis elle écouta la conversation... Elle ne percevait que les mots prononcés par la voisine.

- Oh ! mes chéris, quelle joie de vous parler... Vous avez pensé à ma fête... Comme c'est gentil de m'appeler tous les trois en même temps... Nous voilà réunis...

- Vous m'appelez de si loin...

- Je vous adore, mes grands...

- Mais oui...

- Mille bisous à chacun. Merci ! Merci !

 

Juste à ce moment, Victoria se leva pour accueillir son père qui arrivait.

Elle avait un beau sourire, car elle était si contente.

 

La dame pendant ce temps, saisit le dessin de Victoria. Elle l'entoura d'un joli cadre, puis elle l'accrocha au plus bel endroit de sa maison, au salon, au-dessus de la cheminée.

Il y est encore. Il y restera toujours.

Elle le gardera toute sa vie, en souvenir de cette merveilleuse fête des mères.