Juliette
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Le poussin

     Juliette a trois ans et demi. Elle aime jouer au jardin, derrière la maison. Elle s'y trouve souvent avec Bastien, son petit frère, un bébé de bientôt un an. Lui, il ne marche pas encore, il se déplace à quatre pattes.

Un après-midi, elle jouait seule au fond du jardin, dans l'herbe haute, tout près de la haie. Un jour elle y avait aperçu un petit hérisson. Juliette voulait regarder s'il se promenait encore là. Elle ne le vit pas mais elle découvrit un œuf.

Il était vert, plus petit que ceux d'une poule. Notre amie le ramassa et revint à la maison en courant.

-Maman, j'ai trouvé un œuf au fond du jardin. On peut le garder ?

-Non ma chérie, car ce n'est pas celui d'une poule. Jette-le.

-Mais, je voudrais voir le poussin...

-Juliette, aucun poussin sortira de cet œuf.

Pour une fois la fillette n'écouta pas maman. Elle voulait voir naître le poussin. Elle monta à sa chambre et posa l'œuf sur une assiette. Puis elle le recouvrit d'une couverture prise dans le berceau de ses poupées. Elle glissa le tout sur le radiateur sous la tablette de la fenêtre.

Ainsi, il aura bien chaud, se dit Juliette. Ce sera comme si sa maman le couvait.


Tous les jours après l'école, en revenant à sa chambre, elle soulevait la couverture, espérant voir arriver un petit poussin, mais rien ne changeait.

Un jour, deux jours, trois jours, quatre jours, cinq jours, six jours.


Le septième jour, quand Juliette leva la couverture, elle trouva l'œuf cassé et vide.

-Oh! le poussin est sorti. Où se cache-t-il? 

Elle se baissa et chercha sous son lit, sous l'armoire, sous sa table. Rien !

-Petit poussin ! Viens...Viens...

Tout à coup, elle aperçut un petit lézard vert sur la vitre de sa fenêtre. Alors elle comprit. Les lézards naissent aussi dans un œuf. Celui trouvé au fond du jardin, l'autre jour, n'appartenait pas à un poussin, mais à un bébé lézard.

Juliette s'approcha doucement de la vitre. Elle tendit son doigt et caressa le petit animal. Il se laissa faire. Il se glissa même dans la main de notre amie.

-Mon petit lézard, dit-elle. Tu veux manger quoi ? Des mouches, des fourmis ?

Juliette chercha à quatre pattes dans tous les coins de sa chambre. Elle trouva une mouche morte sous le radiateur. Elle la présenta à son petit lézard qui l'avala d'un coup.

Notre amie descendit ensuite l'escalier et montra le petit animal à sa maman qui ne fit guère de commentaire. Puis la fillette sortit au jardin.

Elle conduisit son petit ami près du trou aux fourmis, dans la terre sèche, près de la barrière.

Le lézard y avala toutes les fourmis qui entraient ou sortaient de la fourmilière. Puis il s'éloigna dans l'herbe.

Juliette le regardait lever la tête, sortir et rentrer sa langue. Son corps bougeait au rythme de sa respiration.

Après avoir passé un long moment à l'observer, elle le reprit en main et revint à la maison.

-Maman, il faudrait le mettre dans un bocal. Ainsi, je pourrais le montrer à mes amis, demain en classe.


Le lendemain, Juliette partit à l'école avec son lézard dans le bocal.

Tous les enfants s'émerveillèrent en observant le petit animal. Monsieur l'instituteur en profita pour donner une leçon sur les lézards et les autres reptiles.

-Ils mangent des insectes, dit-il. Ils aiment vivre sur les murs ou sur les rochers et se reposer au soleil. Certains peuvent atteindre 60 centimètres de long.

Après la récréation, un garçon ouvrit le bocal et le lézard se sauva. Tous les enfants coururent derrière lui. Il eut peur mais fut le plus rapide. Il grimpa sur le mur de la salle de classe et se mit hors de portée des petites mains.

L'instituteur dut monter sur un banc pour le récupérer et le remettre dans son bocal.


Puis Juliette revint à la maison. Maman lui dit qu'il fallait lâcher le lézard dans la nature, au fond du jardin.

-Mais c'est mon ami, s'écria la fillette. Je veux le garder pour moi.

-Ma chérie, dit maman, garde-t-on un ami enfermé dans une boîte ? Aimerais-tu, toi grandir prisonnière dans un bocal ?

Notre amie se tut un moment. Elle regardait son lézard qui léchait les parois de verre du récipient, à la recherche sans doute d'une sortie.

La petite fille prit le bocal en main et dévissa le couvercle au bord de la fenêtre, ouverte sur le printemps qui fleurissait au jardin et dans les bois.

-Va petit lézard, dit-elle, d'une voix un peu étranglée par le chagrin de le voir partir. Va, et sois heureux...

Il quitta le bocal et fit trois pas sur le rebord de la fenêtre. Il se retourna, sortit deux fois sa langue, comme pour dire merci, et adieu.

Puis il descendit le long du mur de la maison, et disparut.

Juliette couvrit ses yeux de larmes.

Elle ne l'a jamais revu.