Kâ-a
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Le grand canyon

     Le véhicule tout-terrain avançait péniblement entre les hauts rochers rouges, orange et jaunes, sous le ciel bleu. Malgré qu'on ne roulait pas fort vite, à cause du mauvais état de la piste, il soulevait derrière lui une traînée de poussière. Il faisait très chaud.

David et Déborah se trouvaient à côté de Cindy, fille du professeur Harper de New York, que le père de nos amis connaît bien et rencontre souvent. Il enseigne l'archéologie, comme leur papa. Aujourd'hui, ils se joignaient à l'expédition. Ils suivaient une longue route en terre, hasardeuse, dans cette région magnifique appelée Canyon Lands.

C'est un désert de roches, traversé par le grand fleuve Colorado. On y trouve de-ci de-là quelques ruines amérindiennes, entre autre celles d'anciennes constructions anasazies. Certaines d'entre elles sont des lieux de prière pour les plus solitaires.

Le paysage défilait somptueux, impressionnant de roches dressées vers le ciel, formant des falaises infranchissables et creusant des canyons profonds. Mais la chaleur était écrasante. Déborah et Cindy transpiraient dans leurs salopettes en jean. David était torse nu. Les deux papas suaient en abondance.

Soudain ils furent obligés de s'arrêter au milieu de la piste. Ils venaient de passer trois gués avec succès, mais à présent, un rocher de la taille d'une maison obstruait la route. Il fallut continuer à pied.

Emportant des gourdes d'eau, ils marchèrent une heure dans la chaleur et la poussière que le vent brûlant levait parfois. Ils traversèrent encore un ruisseau dont l'eau limoneuse somnolait au soleil. Le professeur Harper proposa aux enfants de s'y rouler, avec leurs habits. Ils en sortirent sales et dégoulinants, mais rafraîchis et encouragés pour la suite de la marche.

Tous repartirent ragaillardis en direction de l'endroit où se dressaient des ruines dans lesquelles ils espéraient trouver le second morceau de la stète de Baral Gunaykan.


Ils parvinrent au pied d'une muraille de roche, au sommet de laquelle, trente mètres plus haut, se trouvait la grotte recherchée. Une mauvaise surprise les attendait. Aucun sentier ou escalier ne menait là-haut.

Observant les lieux avec attention, David découvrit une ancienne échelle amérindienne fixée dans une anfractuosité du mur de roche.

Les Autochtones coinçaient des troncs, plus ou moins larges, en oblique, au creux de la fente de la falaise. Ils y taillaient régulièrement des encoches. Ils posaient les pieds dans ces encoches et se tenant aux parois latérales, grimpaient ainsi entre les rochers.

Très agile, le garçon entreprit l'escalade vertigineuse, suivi aussitôt par sa sœur qui ne demeure jamais en reste, puis par Cindy, très souple elle aussi.

-Soyez prudents, crièrent les papas. Et là-haut, fouillez les lieux et rapportez-nous ce morceau de stèle.

Les trois enfants réussirent à atteindre le sommet de la falaise et l'entrée de la grotte décrite par Baral Gunaykan. Elle n'était pas profonde et bien éclairée par le soleil. Ils eurent beau chercher jusque dans ses moindres recoins, ils ne trouvèrent rien. La caverne était vide, sans doute débarrassée de son contenu depuis longtemps.

Après avoir annoncé la mauvaise nouvelle aux papas, ils redescendirent par l'échelle avec prudence. Tous repartirent déçus vers le véhicule tout-terrain abandonné le long de la piste.

À peine venaient-ils d'y monter qu'un violent orage éclata. La jeep n'avait pas de bâche. Ils arrivèrent trempés et bien rafraîchis à leur hôtel, choisi dans la petite ville de Moab pour le temps de leur passage en Utah, USA.

Premier échec. Où chercher ce morceau de stèle?


Le lendemain, les deux archéologues allèrent se renseigner au bureau des affaires amérindiennes. Ils apprirent que cette grotte avait en effet été vidée quelques années auparavant et son contenu confié à la garde d'Anciens, des hommes d'âge respectable, dans différentes peuplades.

Le morceau de pierre recherché se trouvait sans doute entre les mains de quelque Ancien du peuple des Anasazis, vivant le long du fleuve Colorado, dans la zone appelée Grand Canyon. Le seul moyen d'y accéder était d'entreprendre une descente du fleuve en rafting.


Vingt-quatre heures plus tard, les deux papas, les trois enfants et une guide à la barre d'un zodiac bien gonflé et muni d'un moteur, avançaient sur les eaux pour l'instant calmes et lisses, au fond du Grand Canyon du Colorado. Profitant de ce répit, la guide arrêta le moteur et se tourna vers nos amis.

-Nous allons aborder les premiers rapides dans quelques minutes. Ce ne sont pas des cascades, mais des passages de courant très fort. Et surtout, de nombreux rochers encombrent le lit du cours d'eau à ces endroits. Ce sont autant de dangers pour nous et pour notre bateau. Il risque de s'y déchirer ou de s'y fracasser.

Tous se taisaient et écoutaient les conseils avec attention.

-Si l'un de vous tombe à l'eau, cela ne devrait en principe pas arriver car vous allez vous tenir aux cordes serrées en diagonale sur le plancher du zodiac, mais si vous vous retrouvez à l'eau, ne tentez pas de nager.

-Pourquoi, madame ? demanda David.

-C'est inutile et dangereux, répondit la guide. Vous risquez en nageant, d'aller vous fracasser contre un rocher la tête en avant, d'être assommé et de vous noyer dans le courant impétueux de ces rapides. Contentez-vous de vous mettre sur le dos et de faire la planche. Ainsi, lorsque vous buterez contre un rocher, ce qui ne saurait tarder, vous le cognerez avec vos pieds. Vous n'aurez plus qu'à fléchir les genoux, vous accrocher à votre îlot et vous hisser dessus. Sautant d'une pierre à l'autre, vous rejoindrez la berge.

Les trois enfants sentaient leur cœur battre la chamade. L'aventure s'avérait plus dangereuse, plus risquée, qu'ils l'imaginaient.

-Ne tentez pas non plus de nager pour venir nous rejoindre en aval. Les courants sont violents et vous seriez impitoyablement noyé. On se débrouillera, le cas échéant pour venir vous chercher.


La dame remit le moteur en route et le zodiac glissa sur la rivière. Ils passèrent plusieurs rapides, sans grande difficulté, mais après plusieurs heures, vers le milieu de l'après-midi, un grondement se fit entendre de plus en plus fort.

Ils approchaient d'un des endroits les plus délicats de leur descente. Un passage de près de huit cents mètres de long, un enfer de roches, de vagues et d'écume.

La guide chevronnée aborda cet endroit en longeant la rive gauche, puis elle bifurqua vers la droite pour éviter un très dangereux tourbillon dans un cercle de rochers particulièrement acérés.

À cet endroit, les parois du canyon tombaient à pic dans l'eau. Il ne présentait donc aucun passage à gauche ou à droite pour contourner à pied ces rapides impressionnants.

Juste avant d'aborder ce défilé serré et vertical, le zodiac heurta avec violence un rocher aux arêtes tranchantes qui affleurait, invisible, sous la surface de la rivière. Une des cordes auxquelles les enfants se tenaient, céda. Déborah, assise du côté droit du bateau serrait cette corde de toutes ses forces. Elle sentit soudain du mou. Elle perdit l'équilibre et fut précipitée dans l'eau.

Se souvenant des explications de la guide, elle se mit sur le dos  et vint buter avec les pieds contre une roche. Elle fléchit ses genoux et réussit à se hisser hors du courant. Elle aperçut, cent mètres plus loin déjà, le canot gonflable continuer sa route dans l'étroit défilé où les rochers tombent à pic. Il passa entre les parois verticales, s'enfonça dans un creux de vague, remonta en surface, puis disparut derrière la courbe d'un méandre.

Aucun des occupants du zodiac, aveuglés par les vagues d'eau qui déferlaient sur eux, n'avait remarqué que la petite fille était tombée.


Elle sauta de rocher en rocher, revint en amont et sortit de la zone des rapides. Elle parvint sur une étroite plage de sable et de cailloux.

Trempée, grelottant de froid, car l'eau du Colorado vient des montagnes et des neiges, notre amie s'assit sur une haute plate-forme et attendit qu'on vienne la chercher.

Lorsque sur le bateau, trois ou quatre cents mètres plus loin, les papas constatèrent la disparition de Déborah, ils se trouvaient bien au-delà du défilé aux eaux très rapides, tumultueuses, et aux parois verticales. Impossible de faire demi-tour, que ce soit avec le canot, à la nage ou à pied. Tout retour en arrière à cet endroit était irréalisable.

La fillette, de son côté, ne pouvait pas risquer d'entrer dans le courant et de se laisser glisser vers les siens. Elle aurait été fracassée de façon impitoyable et tuée contre un rocher.

La guide expliqua que la seule et unique façon de lui venir en aide et de la récupérer était de poursuivre le voyage, mais ce ne serait que le lendemain, en fin de matinée, qu'ils atteindraient le point d'aboutissement d'un long sentier escarpé, menant neuf cents mètres plus haut, hors de la vallée.

Aucun secours ne semblait possible avant vingt-quatre ou trente-six heures. Elle était seule, livrée à elle-même, sans rien à boire ni à manger, au cœur du canyon sauvage.


Après une heure ou deux, le soleil disparut derrière les hautes falaises rocheuses. La vallée sombra peu à peu dans l'ombre. Déborah comprit qu'ils ne viendraient plus la chercher aujourd'hui.

La petite fille sentit la peur l'envahir. Âgée de neuf ans, elle restait seule, dans cette immense vallée, cet interminable canyon, où les vents s'engouffrent et où l'eau gronde entre les rochers, seule au fond du précipice.

Sa salopette s'était un peu déchirée dans l'aventure. Elle frissonna. Elle ne portait pas de t-shirt au départ. Ses sandales de gym comme ses jambes étaient couvertes de boue. Avant d'atteindre la berge, elle avait dû traverser une zone de vase dans un prolongement du fleuve. L'eau décante son limon à cet endroit.

Elle se leva et se dirigea vers un lieu où l'eau courante longeait la rive. Elle rinça ses habits et se lava un peu elle-même. Le résultat n'était pas fameux.

Déborah regarda autour d'elle. Elle se sentait désemparée. Elle frissonna encore, de froid, de peur, de solitude.


Elle se demanda où elle pourrait s'étendre pour passer la nuit. Elle longea plusieurs plages de sable, mais elle avait peur de se coucher là. Elle craignait la venue de quelque grosse araignée, d'un serpent à sonnette, d'un coyote ou d'autres animaux décrits dans les récits d'aventures qu'elle avait lus.

Elle s'enfonça dans une vallée latérale et aperçut une grotte accessible sur la hauteur. Elle escalada un amoncellement de rochers et y parvint.

Le sol de la caverne était constitué de sable fin et de cailloux. Elle s'étendit et tenta de s'endormir, mais sans succès. Elle avait trop faim, trop froid et elle sursautait au moindre bruit venu du dehors. Surtout, la peur l'étreignait.

La courageuse fillette creusa le sable avec ses mains et se fit un trou, comme les enfants sur les plages. Elle s'y glissa et se recouvrit de sable, sauf le visage. Mais elle songea que si un animal venait, il risquait de la piquer ou de la mordre au front ou à ses joues.

Elle se releva et redescendit près du fleuve qui grondait dans la nuit. Elle se rappela la vase tiède, cette zone de boue traversée tantôt. Alors, sous les rayons de la lune, elle y pénétra, tremblante, glacée et s'y enfonça jusqu'au cou. Cela la réchauffa un peu. Mais elle n'allait pas y passer la nuit entière...

Tandis qu'elle barbotait là-dedans, elle aperçut un feu, assez loin, sur une hauteur. Quelqu'un devait se trouver là. Près de lui, quel qu'il soit, elle ne serait plus seule. Cela lui rendit un peu d'espoir.

Elle sortit de la vase et se plongea dans l'eau courante pour se débarrasser de la boue dont elle était couverte. Puis elle entreprit de tenter d'atteindre l'endroit où elle venait d'observer ce feu.

Elle découvrit un étroit sentier qu'elle suivit avec prudence car elle ne voyait pas grand-chose à cause de la nuit. Elle craignait de glisser et de tomber dans un gouffre. Elle parvint à l'entrée d'une caverne après une marche éreintante de plus d'une heure.

Quelqu'un se trouvait au fond de la grotte, les yeux fermés. Un Amérindien connu dans le groupe pour être un solitaire. Ces hommes ou ces femmes assurent le rôle d'intermédiaires entre les esprits de la nature et la peuplade. Il ne dormait pas, il semblait en prière. Déborah toussota et l'homme ouvrit les yeux.


-Que fais-tu là, petite fille ?

-Je suis perdue, répondit notre amie au bord des larmes. J'ai faim, j'ai froid. Mon père et mes amis suivent le cours de la rivière.

L'homme lui indiqua une outre remplie d'eau. La fillette s'y précipita pour se désaltérer.

-Je n'ai emporté aucune nourriture avec moi et il est impossible de se rendre au village pendant la nuit. Je te conseille de te rouler dans ma couverture. Je te la prête. Couche-toi près du feu, comme cela tu sentiras moins le froid. Nous verrons comment t'aider à retrouver tes parents demain.

Déborah lui fit un beau sourire et se roula dans la vieille couverture. Un peu rassurée, elle s'endormit en regardant le feu, épuisée par les émotions vécues et l'effort physique accompli ce jour-là.


Un grand soleil éclairait la vallée quand elle ouvrit les yeux le lendemain. Des rayons obliques illuminaient l'intérieur de la grotte.

L'individu rencontré la veille et qui l'accueillait était couché contre le mur et semblait encore endormi.

Déborah se leva. Sa faim revenait déjà. Elle but un peu d'eau. Elle passa la main sur sa salopette sèche à présent, mais raide de boue brune et soupira.

Elle observa, en même temps, un amoncellement de poteries et de statuettes qui se trouvaient éclairées par les rayons du soleil au fond de la grotte. Une pierre ressemblait tout à fait à celle découverte avec son frère à Machu-Picchu. Elle s'en approcha et la saisit, le cœur battant.

L'homme ouvrit les yeux.

-Tu connais cet objet ? demanda-t-il.

-Oui, expliqua notre amie. Il fait partie d'une stèle où se trouve gravé le plan d'un labyrinthe. Ce morceau de roche orange fut déposé près d'ici, il y a bien longtemps, par un aventurier appelé Baral Gunaykan.

-Fabuleux, dit l'Amérindien. Le grand-père de mon grand-père reçut cette pierre des mains d'un homme venu de plus loin que l'horizon. Il lui expliqua que quelqu'un viendrait la chercher un jour. Il demanda de la transmettre de génération en génération et qu'il faudrait la remettre à celui ou celle qui se présenterait, s'il la méritait. Je ne pensais pas que ce serait une petite fille qui viendrait...

Déborah écoutait en silence l'étrange récit.

-Nous allons partir à mon village et emporter cette relique. Là tu recevras à manger. Puis je signalerai ta présence à la police. Ainsi tes parents pourront venir te chercher.

Notre amie souriait.

-Ensuite, je te ferai passer deux épreuves, une de patience et une de courage. Si tu les réussis, tu mériteras cet objet déposé autrefois ici et confié à la garde de mes ancêtres.

Déborah suivit l'homme jusqu'à son village.


C'était un hameau de quelques petites maisons et quelques caravanes dispersées sur la terre rouge. Des enfants jouaient un peu partout. Quant à notre amie, son visage, ses bras, ses vêtements, même ses cheveux étaient teintés d'ocre par la boue et la vase où elle s'était plongée hier.

Le monsieur que Déborah venait de rencontrer avait cinq enfants, dont une fille appelée Nirvelli . Elle avait l'âge de notre amie. Elles  sympathisèrent tout de suite. Elle expliqua que son nom veut dire "fille de l'eau".

Après avoir reçu à manger, elle accompagna sa nouvelle amie et la sœur de celle-ci, leur aînée d'un an, au bord de l'autoroute où les Autochtones installent des petits stands en bois pour vendre quelques poteries, des colliers et des bracelets aux gens de passage et augmenter ainsi un peu leurs revenus.

Les deux fillettes étaient vêtues de vêtements simples et Déborah était méconnaissable. Elle subit à cet endroit une expérience particulièrement désagréable. Cela se passa au début de l'après-midi. Les parents de notre amie n'étaient pas encore arrivés.

Un car de touristes stationna quelques instants devant l'étal des trois copines. Une trentaine de personnes en sortirent, des familles avec des enfants. Deux fillettes s'approchèrent de Déborah qui leur montrait un joli bracelet. Leur mère vint les reprendre avec rudesse en les rabrouant haut et fort.

-N'approchez pas de cette fille. Regardez comme elle est sale. Elle ne vit pas comme nous, c'est une Indienne. Elle a probablement des maladies ou des puces. Qu'elle aille d'abord se laver.

Déborah ressentit ces propos racistes, très déplaisants, dans sa chair et dans son cœur. Des larmes lui vinrent aux yeux. Nirvelli s'approcha, lui prit les mains dans les siennes et lui chuchota que ces mots déshonorants, qu'elle avait l'habitude hélas d'entendre, ne salissent que ceux qui les prononcent.

-Comme c'est triste, murmura notre amie. Tous les enfants du monde ne sont-ils pas comme des frères ou des sœurs ?

Les gens remontèrent dans leur car. Les deux fillettes, assises à la fenêtre, échangèrent un sourire triste avec nos amies.


Deux heures plus tard, les trois filles revinrent à la maison où le papa les attendait. Il les informa que le père de Déborah et son frère n'allaient pas tarder à venir. Il était temps pour notre amie de passer les deux épreuves annoncées pour mériter le morceau de stèle.

D'abord, celle de la patience. Elle allait devoir allumer un feu en faisant tourner un morceau de bois pointu comme un crayon entre ses mains.

Notre amie y passa près d'une demi-heure. Plusieurs fois elle se découragea et pensa abandonner. Mais elle s'acharna et réussit enfin à faire naître un peu de fumée. À genoux devant les brindilles, elle souffla délicatement et fit apparaître une petite flamme qui se communiqua au reste du bois. Le feu était allumé. Elle sourit, fière d'avoir réussi sa première épreuve.


Les papas arrivèrent avec David et Cindy. Déborah courut les embrasser. Le professeur Werly s'émut en voyant dans quel état se trouvait sa courageuse fillette. Il comprit qu'elle avait souffert, mais son cran demeurait intact. Elle leur annonça qu'elle avait trouvé le deuxième morceau de la stèle de Baral Gunaykan, mais qu'il lui restait une seconde épreuve à passer pour l'obtenir. Celle du courage.

L'homme posa une pierre blanche au milieu des braises du feu que notre amie venait d'allumer. Après quelques minutes, tandis que tous entouraient les flammes dans la nuit tombée, il commanda à Déborah de saisir cette pierre à mains nues et de venir l'apporter à ses pieds.

La fillette craignait de se brûler la main. Elle se tourna vers Nirvelli. La petite Amérindienne ne sut que conseiller. Elle lui sourit pour l'encourager.

Notre amie songea à la stèle mystérieuse. Son père y consacrait toute son énergie, tout son temps. Elle avait choisi de vivre l'aventure à ses côtés. Elle aurait pu se trouver pour l'instant sur une plage avec tante Sarah, mais elle avait voulu accompagner, comme son frère, à la recherche du Kâ-a. Elle venait de connaître la faim, la peur, l'isolement, le froid. 

Elle tendit la main vers le feu et empoigna la pierre d'un geste vif et précis. Elle fut très étonnée de percevoir une sensation fraîche. Elle la posa au pied de l'homme qui la félicita aussitôt.

Déborah venait de toucher une de ces étranges pierres qui ont la propriété de ne pas chauffer au sein d'un feu. Elles proviennent paraît-il des pentes d'un des nombreux volcans de ces régions.

Elle reçut le morceau de stèle et le tendit à son père avec fierté.


L'heure du départ sonnait, à regret, car Nirvelli était devenue son amie et il fallait quitter sa famille très accueillante.

Un nouvel épisode venait de s'achever. Mais que réservait la suite ?...


Retrouve David et Déborah à la troisième étape : Le Château de Pembroke.