Magali
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Polipilou

     Magali jouait au salon. Son petit frère Julien, un bébé de bientôt un an, la poursuivait à quatre pattes. Elle avait beau se cacher derrière l'armoire, derrière le fauteuil, ou même derrière la grande horloge, le bébé la suivait et la retrouvait.

-Maman, s'écria la fillette, maman ! Julien ne me laisse jamais tranquille.

-Parce qu'il t'aime, toi sa grande sœur, répondit maman.

-Je sais bien qu'il m'aime. Moi aussi j'aime mon petit frère. Mais pour le moment, il m'embête. Il vient tout le temps tirer mes couettes.

-Oh, Magali, insista maman. C'est un bébé.

Magali est une petite fille de quatre ans et demi. Ses parents lui coiffent ses cheveux presque noirs en deux jolies couettes qui dansent sur ses épaules. Tu la verras très souvent habillée d'une salopette rouge et de baskets bleues ou blanches.

-Si Julien t'ennuie, pose-le dans son parc et puis va chercher ton chat. Je ne l'ai plus vu depuis ce matin.

La fillette souleva son petit frère, le coucha dans son parc et quitta la pièce.

Elle ouvrit la porte de la cuisine qui donne sur le jardin et appela trois fois son chat.

-Polipilou! Polipilou! Polipilou !

Pas de réponse.


Elle traversa le jardin, passa sous la haie et s'arrêta à l'orée du champ de blé. Elle appela encore :

-Polipilou! Polipilou! Polipilou !

-J'écoute, répondit une voix au milieu du terrain. Tu me vois? Je t'attends assis sur une grosse pierre blanche, au milieu des blés. Tu peux venir.

Magali entra dans le champ. Elle passa doucement entre les hautes tiges blondes et parmi les épis mûrs. Elle parvint à ce rocher blanc situé en plein centre et qui brille au soleil. Elle y aperçut son ami, le gentil lapin.

-Je ne t'appelais pas, s'étonna Magali.

-Mais si!

-Mais non.

-Mais si. Je m'appelle Polipilou.

-Très amusant, fit notre amie en souriant. Mais je ne te cherchais pas. Maman me demande de retrouver mon petit chat. Lui aussi s'appelle Polipilou. As-tu aperçu mon petit chat ?

-Non, répondit le lapin.

-Tu n'as pas vu Polipilou aujourd'hui ? insista Magali.

-Si, je me souviens. Il se trouve de l'autre côté du champ, le long de la rivière, tout près d'un gros arbre, un tilleul.

-C'est loin ? 

-Quand même, répondit le gentil lapin en remuant une patte. Mais si tu veux, je vais avec toi.

Magali remercia et s'éloigna vers le tilleul, accompagnée par le gentil lapin.


Ils arrivèrent assez vite près de la rivière. Notre amie longea la berge et aperçut un arbre énorme. Le vieux tilleul. Elle regarda attentivement, mais elle ne vit pas son petit chat. Elle l'appela trois fois :

-Polipilou! Polipilou! Polipilou !

-Voilà, voilà, répondit une voix dans l'arbre.

La fillette aperçut son autre ami, l'écureuil aux yeux très doux.

-Je ne t'appelais pas, s'étonna Magali.

-Mais si.

-Mais non.

-Mais si. Je m'appelle Polipilou.

-Toi aussi! s'écria notre amie. Vous voilà trois à porter le même nom : mon petit chat, le gentil lapin et toi, l'écureuil aux yeux très doux. As-tu aperçu mon petit chat ?

-Non, répondit l'écureuil aux yeux très doux.

-Tu n'as pas vu Polipilou aujourd'hui ? insista Magali.

-Si, je me souviens. Il se balade près de l'étang. Il aime jouer avec les canards.

-C'est loin ? 

-Quand même, dit-il en remuant une patte. Mais si tu veux, je vais avec toi.

Et Magali partit vers l'étang, accompagnée par le gentil lapin et par l'écureuil aux yeux très doux.


Arrivée au bord de l'eau, Magali se glissa entre les roseaux. Elle n'osa pas trop s'avancer car elle s'enfonçait dans la boue et elle ne voulait pas trop salir ses baskets blanches. Elle observa partout. Elle aperçut des canards, des poules d'eau, des libellules bleues, des grenouilles, mais elle ne vit pas son petit chat. Elle l'appela trois fois :

-Polipilou! Polipilou! Polipilou !

-Voilà, voilà, répondit une petite voix dans les roseaux.

La fillette vit s'approcher une grenouille verte.

-Je ne t'appelais pas, s'étonna Magali.

-Mais si!

-Mais non.

-Mais si, je m'appelle Polipilou.

-Encore! s'écria notre amie. Vous voilà quatre à porter le même nom. Mon petit chat, le gentil lapin, l'écureuil aux yeux très doux et toi la grenouille verte. As-tu aperçu mon petit chat ?

-Non, répondit la grenouille verte.

-Tu n'as pas vu Polipilou aujourd'hui ? insista Magali.

-Si, je me souviens. Il se trouve au milieu du bois, dans une clairière. Il se repose au milieu des fleurs.

-C'est loin ? 

-Quand même, dit-elle en remuant une patte. Mais si tu veux, je vais avec toi.

Et Magali se remit en route, accompagnée par le gentil lapin, l'écureuil aux yeux très doux, et la grenouille verte.


Ils s'arrêtèrent au bord de la clairière. Notre amie vit des arbres partout autour d'elle et des fleurs de toutes les couleurs. Quelques abeilles butinaient, passant de l'une à l'autre, mais aucune trace de son petit chat dans l'herbe haute. Elle appela trois fois :

-Polipilou! Polipilou! Polipilou !

-Me voici, répondit un grand cerf, qui se dressa et fit bien peur à Magali. Ses bois, c'est-à-dire ses cornes, immenses, l'impressionnaient.

-Je ne t'appelais pas, s'étonna Magali.

-Mais si!

-Mais non.

-Mais si, je m'appelle Polipilou.

-Je ne peux pas le croire, s'écria notre amie. Tout le monde s'appelle Polipilou par ici. Mon petit chat, le gentil lapin, l'écureuil aux yeux très doux, la grenouille verte et maintenant toi, le grand cerf. As-tu aperçu mon petit chat ?

-Non, répondit le grand cerf. 

-Tu n'as pas vu Polipilou aujourd'hui? insista Magali.

-Si, je me souviens. Je sais. Il dort dans une cabane de l'autre côté du bois de sapins.

-C'est loin ? 

-Quand même, dit-il en remuant une patte. Mais si tu veux, je vais avec toi.

Et Magali marcha vers la cabane, accompagnée par le gentil lapin, l'écureuil aux yeux très doux, la grenouille verte et le grand cerf.


La forêt de sapins était sombre. Notre amie avait de plus en plus peur. Heureusement, entourée par les quatre animaux, elle osa avancer loin dans cet endroit effrayant.

Enfin, au milieu du bois, elle aperçut une vieille maison de planches. Les murs de travers tenaient à peine debout. La fenêtre était cassée et la porte n'existait pas. Le toit était couvert de mousse verte et de feuilles mortes. Aucune fumée ne sortait par la cheminée. Ça ressemblait à une maison de sorcière. Elle n'osa pas y entrer.

D'une voix tremblante, n'apercevant pas son chat, elle l'appela par trois fois :

-Polipilou! Polipilou! Polipilou !

-Oui, répondit une voix qui bâillait.

À la fenêtre sans vitre, apparut un vieil hibou.

-Pourquoi me réveilles-tu ?

-Je ne voulais pas t'importuner, s'excusa Magali. Je ne t'appelais pas.

-Mais si!

-Mais non.

-Mais si, je m'appelle Polipilou.

-Ça alors! dit notre amie. On dirait que tout le monde s'appelle Polipilou dans cette forêt. Mon petit chat, le gentil lapin, l'écureuil aux yeux très doux, la grenouille verte, le grand cerf, et maintenant toi, le vieil hibou. As-tu aperçu mon petit chat ?

-Non, mais petite fille, il ne faut pas te soucier de ton chat. Retourne chez toi. Ton Polipilou reviendra tout seul. Quand un chat part se promener, il sait retrouver sa maison. Mais les petites filles comme toi peuvent se perdre. Et la nuit tombera bientôt.


Notre amie regarda autour d'elle. Elle ne voyait que des grands arbres. Elle observa à gauche, à droite. Par où était-elle venue ? Par où fallait-il repartir ? Comment retrouver sa maison ?

-Je suis allée trop loin dans le bois sans faire attention. Et maintenant je suis perdue.

La pauvre petite fille se mit à pleurer. Son visage se remplit de larmes.

-Si tu veux, proposa le grand cerf, je puis te ramener jusqu'à la clairière.

-De là, dit la grenouille verte, je te conduirai à mon étang.

-En ce cas, continua l'écureuil aux yeux très doux, je t'aiderai à retrouver mon grand arbre.

-Alors, fit le gentil lapin, je t'amènerai à la pierre blanche, au milieu du champ de blé. Et si tu montes dessus, je suis certain que tu apercevras ta maison.

-Merci, murmura Magali. Vous êtes tous si gentils.

Elle sécha ses larmes.

Le vieil hibou vit la petite fille s'éloigner dans le bois en compagnie du grand cerf, de la grenouille verte, de l'écureuil aux yeux très doux et du gentil lapin.


Arrivé à la clairière, le grand cerf fit ses adieux à notre amie.

-Maintenant, je te confie à la grenouille verte.

Magali embrassa le grand cerf, glissant ses mains autour de son cou, et le remercia.

Il vit la petite fille s'éloigner en compagnie de la grenouille verte, de l'écureuil aux yeux très doux et du gentil lapin.


Ils arrivèrent à l'étang. Plouf, fit la grenouille verte en sautant dans l'eau.

-Au revoir, Magali.

-Au revoir. Merci de m'avoir ramenée jusqu'ici.

Elle regarda Magali s'éloigner avec l'écureuil aux yeux très doux et le gentil lapin.


Notre amie embrassa l'écureuil aux yeux très doux au pied du grand arbre. Il monta aussitôt dans les branches les plus hautes.

De là, il vit la petite fille s'éloigner en compagnie du gentil lapin.


Tous deux trouvèrent le champ de blé. Magali monta sur le rocher blanc. Elle aperçut sa maison.

-Merci, gentil lapin.

Et le gentil lapin regarda Magali s'éloigner avec… personne.


-Maman, maman, j'ai trouvé plein de Polipilou dans le bois. Et notre petit chat ?

-Polipilou dort dans un fauteuil du salon, ma chérie. Et moi, je m'inquiétais parce que je t'ai appelée plusieurs fois, je ne t'entendais plus. Où te trouvais-tu ?

-Maman, je cherchais Polipilou. Figure-toi que j'en ai rencontré cinq ! D'abord un gentil lapin. Puis l'écureuil aux yeux très doux. Ensuite une grenouille verte, un grand cerf, et enfin, un vieil hibou. Ils s'appellent tous Polipilou.

Maman félicita sa petite fille pour son courage et sa persévérance. Puis, comme le petit chat se trouvait au salon, elle referma la porte de la maison.