Patricia
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L'anniversaire de Gabriel

     Gabriel s'approcha de Patricia qui bavardait avec son copain Olivier dans la cour de récréation de l'école.

- Je vous invite tous deux avec quelques autres à l'anniversaire de mes dix ans, samedi à 14 heures. Mes parents vont organiser un grand jeu. Je ne sais pas lequel, c'est une surprise, mais vous verrez, ce sera passionnant.

- Merci, dit notre amie en souriant. Je viendrai. Je me réjouis.

- Moi aussi, fit Olivier.

Les copains et les copines arrivèrent ensemble devant les grilles grandes ouvertes de la propriété des parents de Gabriel. Patricia, son ami Olivier, Iris, Alban, Louise et John.

Ils allaient entrer quand ils virent venir vers eux deux grosses voitures noires aux vitres teintées et qui roulaient fort vite.

Iris qui marchait au milieu de l'allée eut juste le temps de sauter de côté. Elle remarqua que quelqu'un, dans la seconde voiture, jetait un papier par une fenêtre entrouverte. Ce papier vola dans la poussière soulevée par les deux véhicules qui passèrent les grilles en trombe et suivirent la route qui descend vers le port.

 

Patricia et ses amis habitent une ville située au bord de la mer. Un grand port très actif avec à quai des cargos géants venus de tous les pays du monde, des trains de marchandises, des grues qui chargent et déchargent les bateaux, des entrepôts, des lumières allumées jour et nuit.

 

Les six amis, étonnés, suivirent l'allée qui mène à la maison de leur copain.

Ils sonnèrent, mais personne ne répondit. Ils appelèrent.

- Gabriel! Gabriel!

Pas de réponse.

La porte d'entrée n'était pas fermée. Ils entrèrent. 

Ils ne virent personne au salon, à la cuisine, au bureau des parents. Personne dans les chambres. La maison était vide. 

- Pourtant on nous attend aujourd'hui, samedi, fit Alban. Où est passé notre ami Gabriel?

- Et s'il venait d'être kidnappé avec ses parents, lança Louise.

- Mais oui, reprit Iris. Ils se trouvaient peut-être dans les deux voitures qui roulaient si vite qu'elles ont failli m'écraser. 

La jeune fille se rappela soudain le papier lancé par la fenêtre d'un des véhicules. Tous sortirent de la maison et coururent le ramasser. Une simple feuille arrachée à la hâte à un carnet.

Il était écrit : Le Copacabana.

- Je connais, lança Olivier. C'est une plage au Brésil, à Rio de Janeiro.

- Rien à voir avec l'anniversaire de notre ami, fit Alban.

- Attendez, dit Louise. Je passe souvent par le port en revenant chez moi après l'école. J'aime regarder les grands bateaux. Il y a un énorme cargo à quai depuis quelque temps, et je crois me souvenir qu'il est écrit Copacabana à l'arrière, sur la poupe.

- Mais alors, fit John, ce papier est un message, un appel au secours de Gabriel. Allons au port. Tentons de les délivrer, lui et ses parents.

- Ne vaut-il pas mieux appeler la police, suggéra John.

- Ils ne nous croiront pas, répondit Alban.

- Allons-y sans tarder, insista Patricia. Notre ami est probablement en danger et nous pouvons peut-être l'aider.

Ils descendirent tous au port. Le ciel s'assombrissait, couvert de nuages gris. Une tempête, venue de l'océan, approchait. 

 

Marchant entre les entrepôts et un long train de marchandises à l'arrêt, les six enfants arrivèrent à la hauteur d'un gros cargo arrêté à quai.

- C'est celui-là, murmura Louise. Regardez les lettres à l'arrière. Le Copacabana.

Observant le navire ils aperçurent des lumières allumées au cinquième étage du bâtiment et à un hublot du deuxième.

- Notre ami est sans doute enfermé là, affirma Iris, et les bandits se trouvent au poste de pilotage, tout en haut. Une passerelle permet de monter sur le navire. Allons-y.

- Non, attendez, fit Patricia. Si on emprunte la passerelle, on sera trop visibles. Les voleurs vont nous repérer. Je vois des échelons accrochés à la coque à l'arrière du cargo. Descendons dans l'eau par une des échelles en fer situées à intervalles réguliers le long du quai. On nagera quelques mètres et on atteindra le pont arrière du bateau en escaladant les échelons, sans être vus. 

- Soyons quand même prudents, fit Alban. On a affaire sans doute à une bande de dangereux bandits.

- Raison de plus, approuva notre amie.

- Divisons-nous en deux équipes, proposa le garçon. Vas-y avec Olivier et Iris, si vous osez. Je reste ici avec John et Louise. Si dans une demi-heure vous n'êtes pas revenus, nous filerons avertir nos parents et la police.

 

Patricia, Olivier et Iris s'approchèrent du bord du quai et entreprirent la descente de l'échelle en fer, un peu rouillée, qui menait à l'eau.

- Elle est froide et dégoûtante, murmura Olivier. Et je vois des poissons morts qui pourrissent et des taches de mazout.

- Remonte, proposa notre amie. J'irai avec Iris.

- Non, tant pis pour mes vêtements, je viens, affirma le garçon.

Patricia se glissa dans l'eau la première. Elle nagea vers l'arrière du cargo, qui vu de là semblait un haut mur infranchissable. Elle s'accrocha aux échelons et se hissa hors de l'eau, la salopette, le t-shirt et les baskets ruisselants, sales et boueux. Les deux autres suivirent.

Ils rampèrent tous les trois jusque derrière un des canots de sauvetage couverts par une bâche. Les premières gouttes de pluie, amenées par une tempête, commençaient à tomber.

Une lumière était allumée au deuxième étage, quatrième hublot.

Les trois audacieux enfants se faufilèrent en se baissant vers une porte donnant accès à un escalier. Ils aperçurent la cuisine. Elle leur parut sale et inoccupée depuis longtemps 

Ils gravirent les marches en silence.

Une seule porte au deuxième étage était fermée à clé. La quatrième. Et la clé se trouvait dans la serrure, côté couloir.

Patricia la saisit entre ses doigts et ouvrit.

Gabriel était là, assis sur un lit de marin, les larmes aux yeux.

 

- Quel bonheur de vous voir! Mais comment êtes-vous arrivés jusqu'ici? demanda le garçon.

- Grâce au papier que tu as jeté par la fenêtre de la voiture qui t'emmenait, répondit Iris.

- Je n'ai rien jeté. Ce doit être mes parents, dans l'autre véhicule.

- Viens, fit notre amie. Filons d'ici. Comme tu vois nous sommes passés par l'eau et l'arrière du bateau, mais à présent, empruntons la passerelle. Louise, John et Alban nous attendent cachés sur le quai.

- Et mes parents? murmura Gabriel.

- On reviendra les chercher avec la police, promit Patricia.

 

Hélas, au moment de sortir de la cabine, nos amis entendirent des pas dans l'escalier. Trop tard pour fuir...

Les trois enfants se précipitèrent à plat ventre sous le lit.

Deux hommes, arme au poing, entrèrent dans la cabine.

- La porte n'était plus fermée à clé, dit l'un d'eux. Quelqu'un est venu ici.

Portant leur regard sous le lit, les deux bandits obligèrent Patricia, Olivier et Iris à quitter leur cachette et à se redresser.

Une secousse fit bouger le bateau. 

Dehors, le vent sifflait sa rage et la pluie, à présent, coulait le long du hublot de la cabine. La tempête s'acharnait sur le navire et sur le port, créant du tangage et du roulis qui agitaient le cargo, dont les amarres, veillottes et effilochées, menaçaient de se rompre d'un moment à l'autre.

- Je parie que vous n'êtes pas arrivés tout seuls, lança un des bandits. Où traînent les autres? Appelez-les.

Sous la menace des armes, nos amis furent bien obligés d'appeler Louise, John et Alban. 

Ils montèrent par la passerelle et s'approchèrent, trempés par l'averse.

- Allez tous au cinquième étage, ordonna l'autre bandit. Et n'essayez pas de fuir ou de faire les malins. 

Gabriel et ses amis, la mort dans l'âme et tremblant de peur, gravirent les marches jusqu'au cinquième étage. 

 

Ils entrèrent au poste de pilotage.

Les parents du garçon se tenaient là.

- Soyez les bienvenus, lancèrent-ils en souriant.

Puis se tournant vers les deux hommes :

- Messieurs, merci. Vous êtes d'excellents acteurs. Vous pouvez partir, nous n'avons plus besoin de vous.

Ils quittèrent le bateau sous les yeux étonnés des enfants. 

 

Tandis que le bateau bougeait de plus en plus, remué par les vagues causées par la tempête, les parents de Gabriel expliquèrent aux amis ébahis que toute cette affaire n'était qu'un jeu destiné à surprendre et à distraire les enfants en ce jour d'anniversaire.

Un faux kidnapping, un message jeté par les parents par une fenêtre d'une des voitures, un cargo loué pour l'occasion, deux acteurs de théâtre jouant les méchants bandits.

- Mais, ajouta le papa de Gabriel, nous n'avions pas pensé que vous choisiriez de vous glisser dans l'eau douteuse du port pour éviter la passerelle. Fameux acte de courage, Patricia, Olivier et Iris! Vous êtes des enfants audacieux! Et nous n'avions pas prévu cette tempête qui secoue de plus en plus le navire.

 

Juste à ce moment, un craquement se produisit. Tous perçurent une forte secousse.

Se précipitant vers les hublots puis sur la dunette, parents et enfants constatèrent, effarés, que les amarres du cargo venaient de s'arracher. 

Le bateau s'éloignait du port, entraîné par un fort courant qui l'emmenait vers la haute mer.

Le navire, livré à la furie des vagues déchainées de la tempête fit un demi-tour sur lui-même et dériva un moment vers le Nord, longeant la côte.

Hélas, il se dirigeait vers une zone de hautes falaises située pas loin du port et le navire risquait d'aller se fracasser contre une série de rochers pointus détachés de cette longue muraille, et affleurants, étalés ici et là dans la mer en furie.

Le courant marin entraînait le bateau de plus en plus vite vers cet écueil mortel.

 

Patricia posa une main sur la barre, le volant du navire, et l'autre sur le levier de commande du moteur.

- Il faut nous éloigner de ces falaises, dit-elle. Ces rochers risquent d'éventrer la coque. On va couler.

- Et tu sais conduire un cargo de cinquante mille tonnes, toi? lança Alban.

- J'ai appris autrefois. Il a bien fallu... Tout l'équipage était malade. (Découvre ou relis l'épisode 5 des aventures de Patricia : L'étoile des mers.)

Olivier observa sa copine avec admiration.

Quelle fille admirable, prodigieuse! se dit-il tout bas. Quelle chance de l'avoir comme amie!

 

Patricia manœuvra habilement et réussit à faire faire demi-tour au bateau tout en l'éloignant des récifs. Une fois ces écueils évités, elle expliqua qu'elle n'avait conduit un bateau qu'en pleine mer et qu'elle craignait le retour au port. Elle risquait de cogner des autres bateaux à quai ou d'accoster trop brusquement et de causer des dégâts.

Les parents de Gabriel téléphonèrent à la capitainerie du port.

Une vedette rapide, affrétée en urgence, quitta aussitôt le quai avec une pilote chevronnée à bord. Elle vint se placer contre le cargo que notre amie venait de mettre à l'arrêt à la demande des sauveteurs. La conductrice monta par la passerelle et remit le navire en route pour le ramener au port en douceur.

Cette pilote aussi, apprenant comment notre amie avait évité les rochers et la falaise en conduisant le bateau, admira son courage et son audace.

Tout le monde se retrouva enfin sain et sauf sur le quai.

 

- Mais quel jeu passionnant! lancèrent les amis de Gabriel.

- Il a dépassé largement nos prévisions, affirma le papa. Sans Patricia, où serions-nous pour l'instant?

Tous se tournèrent vers elle pour la féliciter.

Elle souriait.