Béatrice et François
Retour Imprimer

Une rencontre insolite

     Béatrice passait ses vacances chez sa grand-mère. Elle avait reçu la permission d'inviter son ami François pour quelques jours. Quel bonheur! Les deux enfants faisaient des grandes balades à vélo ou à pied le long des nombreux sentiers des champs ou des bois.

Un jour, ils eurent la surprise de croiser une vieille voie de chemin de fer. Les rails, un peu rouillés, indiquaient que plus aucun train n'empruntait cette ligne.

Laissant leurs vélos à l'abri des regards, ils décidèrent de s'amuser à marcher en équilibre sur un des rails. Pas facile!

Mais ce petit jeu les conduisit en vue d'une gare qui semblait abandonnée. Certaines fenêtres n'avaient plus de vitres. Le quai était envahi d'herbes folles.

Au même moment, ils virent un garçon de leur âge venir vers eux. Lui aussi s'amusait à marcher en équilibre sur un des rails. Il s'approcha.

- Bonjour, lança François. Je m'appelle François et voici ma grande amie Béatrice.

- Je m'appelle Aleksi, répondit le garçon en souriant.

 

Deux fillettes d'environ six et cinq ans apparurent au tournant de la voie de chemin de fer. Elles portaient toutes deux des salopettes en jean et marchaient pieds nus.

Nos amis virent tout de suite qu'elles étaient toutes les deux trempées et très sales, pleines de boue.

Leur grand frère Aleksi se fâcha.

- Regardez-vous, dit-il. Vous savez pourtant bien qu'on habite la gare abandonnée pour le moment et qu'il n'y a pas de machine à laver. Vous allez rester comme ça. Maman n'a pas d'argent pour vous acheter d'autres vêtements.

- On est passées près d'un étang et on a vu des grenouilles et des tritons. Et tout au fond de l'eau, se trouvait un petit sac jaune. On voulait le prendre pour voir ce qu'il contient. On est entrées dans l'eau, mais c'était trop profond.

Le grand frère se tourna vers nos deux amis.

- Nous venons d'un lointain pays de l'Est que nous avons dû fuir avec notre maman car il y a la guerre. Notre papa est resté là-bas. Il fait partie de l'armée secrète. Avec d'autres personnes courageuses, il tente de chasser l'ennemi qui envahit nos villes et nos campagnes. Pour le moment nous nous sommes réfugiés dans cette vieille gare, en attendant que notre maman trouve un travail.

Béatrice regarda les deux petites.

- Elles s'appellent Aniela et Danuta, dit le grand frère.

- Venez, dit notre amie. Conduisez-moi à cet étang. Je suis aussi curieuse que vous. Je vais aller chercher ce sac jaune. Puis vous viendrez avec votre maman chez ma grand-mère. Elle vous accueillera. Vous pourrez vous laver et elle nettoiera vos vêtements.

 

Ils suivirent les rails pendant un quart d'heure et s'arrêtèrent près d'un étang bordé de roseaux. L'eau, couverte en partie de nénuphars, était verte, mais le fond parut très boueux.

Béatrice, qui n'a pas froid aux yeux et qui portait comme souvent sa salopette verte d'aventurière, n'hésita pas. 

Elle entra dans l'eau et s'approcha du sac jaune. Elle dut se plonger tout à fait pour le prendre.

Il lui parut bien lourd.

Elle sortit de l'eau, ruisselante et aussi sale que les deux petites. Elle posa le sac sur le sol et entreprit de dénouer le cordon qui le fermait. Ce ne fut pas facile car le nœud était mouillé et très serré.

Enfin elle réussit à l'ouvrir et sortit quinze billes devant les yeux étonnés des autres. Quinze lourdes billes qui paraissaient être en fer ou en plomb, mais ce n'était pas sûr. Une seizième, plus petite, semblait constituée de la même étrange matière.

Ces billes bougeaient, remuaient dans les mains de Béatrice. Surprise, elle les posa sur le sol.

Un second phénomène étrange se produisit. 

Ces billes roulaient seules, lentement. Elles se placèrent dans un ordre précis sur une pierre plate couverte de sable, formant par sept à la fois, le dessin de deux petits poêlons, un à l'endroit, l'autre à l'envers. La toute petite bille se glissa au-dessus de la quatrième qui formait le bord du manche du plus grand poêlon.

Béatrice, observant l'étrange disposition des billes, dit soudain:

- Regardez, on dirait les constellations de la Grande Ourse et de la Petite Ourse qu'on peut voir la nuit dans le ciel noir. Certains les appellent le Grand et le Petit Chariot. On dit alors, en montrant la petite étoile, située juste au-dessus du plus grand et qui correspond à la petite bille, que c'est le Petit Poucet qui conduit les chariots.

 

Un instant plus tard, un autre phénomène, encore plus étrange se produisit. Des flocons de neige se mirent à tomber, juste à l'endroit où se tenaient les seize billes.

Mais il ne faisait pas froid du tout.

Et de plus, ces flocons étaient dorés.

Ils fondaient très vite, sauf sur certaines billes où ils formèrent un petit tas doré.

Ce tas peu à peu prit la forme d'un oiseau, doré lui aussi.

L'oiseau se mit à parler.

- Je vais fondre dans quelques instants, mais avant de fondre je vais pondre un œuf. Il contiendra mon bébé. Je vous le confie. Cachez-le et protégez-le. Il naîtra dans deux semaines et il s'envolera aussitôt. Mais au moment où il partira, vous pourrez prononcer un vœu.

L'oiseau fondit et disparut. 

Il restait près des seize billes un œuf en or de la taille de celui d'une poule.

Les enfants l'emportèrent et allèrent le cacher dans le bois, loin des sentiers pour que personne ne le prenne. Ils le couvrirent avec une vieille couverture déchirée pour qu'il reste bien au chaud.

 

Tous les jours, Béatrice, François, Aleksi, Aniela et Danuta vinrent le voir. Ils soulevaient un coin de la couverture. L'œuf restait le même et ne bougeait pas.

La grand-mère de nos amis accueillit et aida fort généreusement cette famille en difficulté en prêtant sa salle de bain et sa machine à laver. Elle les invita plusieurs fois à venir partager les repas de François et de Béatrice.

Le quatorzième jour, les enfants soulevèrent la couverture et virent un petit bec casser la coquille. Un bel oiseau doré sortit de l'œuf en secouant son plumage.

Il allait s'envoler.

François proposa à Aleksi de prononcer un vœu.

- Béatrice et moi n'avons besoin de rien, dit-il gentiment à son ami. Nous avons nos parents près de nous et notre pays vit en paix. 

Aleksi observa l'oiseau et lança bien haut:

- Je voudrais vivre avec papa et maman et mes sœurs dans une jolie maison au milieu ce beau pays.

L'oiseau s'envola et disparut. 

Nos amis ne l'ont jamais revu.

 

Ils se dirigèrent tous les cinq vers la vieille gare abandonnée.

La maman d'Aleksi et de ses sœurs les attendait avec une merveilleuse nouvelle.

- Papa vient d'arriver, dit-elle en souriant. Nous allons quitter la gare. On nous prête une petite maison au village, en attendant que nous ayons trouvé du travail.

Ce furent des cris de joie.

 

Béatrice et François jouèrent encore souvent avec leurs nouveaux amis et passèrent à leurs côtés de nombreux jours de bonheur.