Christine
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Le code secret

     Christine nageait dans l'eau claire de ce lac qu'elle aime tant. L'eau était un peu fraîche mais transparente.

Ce lac profond se trouve situé au cœur de la forêt où elle vit avec son père et sa mère.

Notre amie, âgée de dix ans, ne fréquente pas l'école. Le village est trop loin, à deux heures à pied, plus d'une heure à vélo par un chemin boueux. Elle étudie chez elle, avec l'aide de ses parents.

Parfois, quand il fait chaud comme aujourd'hui, on lui permet d'aller se rafraîchir. Ce lac, situé, à une heure de marche de chez elle, est bordé par des roseaux d'un côté et des rochers de l'autre. Idéal pour sauter ou plonger. Sitôt arrivée, notre amie ne gardant sur elle que sa vieille salopette délavée, plongea.

L'eau lui parut bien froide ce jour-là. Christine frissonna en nageant. Du coup, elle se dirigea vers la berge, pour aller se réchauffer au soleil.

Juste à ce moment, elle perçut le bruit d'un moteur d'avion qui passait dans le ciel bleu, au-dessus d'elle. Très étonnée, elle l'observa avec attention. Ce n'était pas un de ces gros porteurs, comme ceux qui traversent les océans. Il ressemblait plutôt à un jet privé.

- Je n'en vois jamais, se dit-elle tout haut. Il n'en passe aucun au-dessus de la forêt.

 

Un instant plus tard, elle entendit un bruit sourd. Ça venait d'assez loin. Et ça ressemblait à un coup de canon.

Quelques secondes après, levant les yeux, elle poussa un cri. Une aile de l'avion venait de s'arracher. L'appareil piqua du nez, descendit en vrille puis s'écrasa contre les rochers, premiers contreforts des hautes collines, au-delà de la lisière de la forêt.

Christine sortit de l'eau, remit ses tennis et sa chemise au-dessus de son t-shirt à la hâte, et courut vers l'endroit où l'avion s'était écrasé.

Notre amie enjamba d'abord l'aile encore fumante qui gisait sur le sol après avoir brisé un arbre en tombant.

Plus loin, sur un espace plus dégagé mais jonché de rochers et de débris de toutes sortes, elle découvrit la carlingue bosselée, déchiquetée, tordue. Le cockpit écrasé ressemblait à un accordéon.

La jeune fille hésita. Le mieux à faire, pensa-t-elle, était de courir chez elle, raconter ce qu'elle avait vu et entendu à ses parents. Ils se chargeraient de prévenir la police.

 

Un cri douloureux attira son attention.

- Au secours, au secours...

Ça provenait de la carcasse de l'avion.

Christine s'avança vers la carlingue endommagée pour répondre à l'appel qu'elle venait d'entendre. Elle entra par l'ouverture créée par la porte arrachée.

À sa gauche, elle vit deux corps dans le cockpit broyé. Le pilote et son co-pilote, morts hélas.

À droite, elle aperçut un homme et une femme eux aussi immobiles, dans leurs vêtements tachés de sang. Mais un autre individu, sanglé sur son siège, bougea. C'est lui qui avait crié. Notre amie s'approcha.

- Vous saignez, monsieur.

Son bras droit avait une plaie ouverte. La jeune fille remarqua un bracelet en métal serré à son poignet. Une chaînette en fer reliait ce bracelet à un attaché-case noir.

- Je vais vous aider, monsieur.

Notre amie ôta son t-shirt et saisit le canif qu'elle garde toujours dans la poche avant de sa salopette. Elle découpa le tissu blanc en longues bandes et fit un pansement bien serré autour du bras du survivant.

- Merci, dit-il comme dans un souffle. À présent, tâche de prendre ma valisette. Il s'y trouve un ordinateur portable qui contient des documents de la plus haute importance. Je suis en mission officielle pour tenter d'amener la paix dans un pays en guerre.

Christine tira de toutes ses forces sur la poignée de la mallette, mais même à deux mains, elle ne réussit pas à la décoincer. Elle était écrasée entre le siège et la paroi de la carlingue.

- Tant pis, murmura l'homme. Il faut faire vite. Ceux qui ont abattu l'avion ne vont plus tarder à arriver. Je vais te dire sept lettres. Le code d'accès aux documents. Écoute et retiens-les. Tu les confieras à un officier militaire ou à la police. N... X... S... E...

Le passager retint un cri de douleur. Le t-shirt de notre amie, réduit en bandes autour du bras du blessé, rougissait, s'imprégnant de son sang. Les yeux du rescapé devinrent fixes et vitreux.

- Q... ajouta-t-il dans un souffle quasi inaudible.

Puis il inclina la tête et mourut.

- N... X... S... E... Q...  répéta Christine. Il manque deux lettres, mais lesquelles?

Ne pouvant rien faire d'autre, elle sortit de l'avion.

 

Avant de s'éloigner, elle regarda autour d'elle. Elle ne vit que des arbres brisés, des taillis arrachés et des débris qui jonchaient le sol.

Elle entendit le ronronnement d'un moteur. Un véhicule tout-terrain approchait sur la gauche. Un pick-up. Une sorte de canon était vissé dans la benne. La jeune fille reconnut un bazooka. Elle en avait un jour vu un en photo dans le journal que lisaient ses parents.

Notre amie pensa aussitôt que ce devait être ceux qui avaient tiré sur l'avion. Ce ne pouvait pas être déjà les secouristes et les policiers qui n'arriveraient sans doute que dans une heure ou deux.

Elle prit peur et s'encourut vers un épais taillis de ronces et de fougères. Elle se glissa à plat ventre sous les plantes et, curieuse, observa avec attention.

Le véhicule s'arrêta à une cinquantaine de mètres de l'avion. Quatre hommes ouvrirent les portières et s'approchèrent de la carlingue, arme au poing. Certains tenaient une mitraillette, d'autres un révolver.

Pour la facilité du récit, je vais dire comme Christine. Je les nommerai numéro 1, le chef, numéro 2, numéro 3 et numéro 4.

 

Le chef envoya le numéro 4 de l'autre côté de l'avion pour surveiller l'arrivée de militaires ou de policiers. Il commanda au numéro 3 de rester près du pick-up. Puis il entra dans la carlingue avec le numéro 2.

Les deux hommes repérèrent tout de suite celui qu'ils cherchaient. Ils s'en approchèrent et constatèrent sa mort.

- Bon débarras, déclara le numéro 1. Récupérons sa valisette et l'ordinateur qu'il contient. Nous aurons accès aux documents que nous voulons effacer à tout prix, car ils sont compromettants pour notre ami, le chef de guerre.

Le numéro 2 ne réussit pas à décoincer la mallette bloquée entre le siège et la paroi de la carlingue. Il appela son supérieur. Ils parvinrent à écarter le fauteuil de quelques millimètres en s'arc-boutant de toutes leurs forces. Cela suffit pour dégager l'ordinateur.

Ils s'en saisirent et l'ouvrirent.

- Il faut le code, maugréa le chef. Nous ne l'avons pas. Et notre homme est mort. Sans ces chiffres ou ces lettres, nous n'aurons jamais accès aux documents qu'il transportait avec lui. Et pourtant ils sont essentiels à détruire, si nous ne voulons pas que notre révolution s'essouffle et s'arrête. Nous sommes arrivés trop tard, à quelques minutes près.

- Chef, regardez, dit le numéro 2. Quelqu'un lui a fait un pansement au bras droit.

- Et alors?

- On ne fait pas un pansement à un mort, affirma le numéro 2. Quelqu'un est entré dans cet avion avant nous. Notre homme était encore en vie. Il a pu confier le code à cette personne.

- Tu as raison, lança le numéro 1. Et ce quelqu'un n'est sans doute pas loin. Vite, retrouvons-le. Dépêchons-nous.

- Chef, je crois que c'est un enfant.

- Comment le sais-tu?

- Regardez, j'ai détaché le pansement. Les bandes de tissu déchiré proviennent d'un t-shirt, taille dix ans. C'est imprimé ici.

Les deux individus sortirent de l'avion. Ils appelèrent les autres.

- Nous cherchons un enfant d'environ dix ans. Il ne doit pas être loin. Il a très probablement reçu le code d'accès à cet ordinateur, car notre homme était encore vivant quand le gamin est entré dans la carlingue. Vite. Cherchez. Toi par ici et toi par là.

 

Christine comprit qu'on allait la découvrir. Elle se mit à trembler de peur.

Elle se sauva, d'abord à quatre pattes, puis tête baissée pour qu'on ne la voie pas, puis elle courut à toute allure à travers bois.

Elle fonça vers sa maison.

Le numéro 3 s'adressa à son chef.

- Écoutez! Le village est loin. Plus de trois heures à pied. C'est beaucoup pour un enfant. Mais j'habite ce bourg. J'ai entendu parler d'une fillette de dix ans qui vit au milieu de cette forêt avec ses parents. Leur maison se trouve à une heure d'ici. Elle seule peut avoir été en contact avec notre homme.

- Se sentant mourir, il lui a sans doute confié le code, ajouta le numéro 2 en s'approchant.

- On prend le pick-up et on y va, commanda le numéro 1. On la retrouve, on la fait parler et puis on s'en débarrasse.

 

Christine arriva hors d'haleine à la maison. Elle raconta son aventure à ses parents, sans oublier le moindre détail. Elle leur parla du code à sept signes et des deux lettres manquantes.

La maman appela aussitôt la police au téléphone. Une commissaire lui répondit qu'elle était déjà au courant de la catastrophe et que deux patrouilles, accompagnées de militaires allaient arriver. Elle précisa qu'on avait affaire à des bandits extrêmement dangereux.

- Cachez votre fille. Elle court un grand danger s'ils la soupçonnent d'avoir eu un contact avec ceux de l'avion abattu.

- Christine, pressa la maman, ne reste pas ici. Si ces bandits pensent à venir chez nous, ils te captureront et t'emmèneront pour te faire dire le code. Ils doivent penser que tu l'as reçu en entier. Va te cacher dans les bois.

Notre amie s'encourut.

Il était temps. Le pick-up arrivait. Heureusement, aucun des quatre malfrats ne la vit s'enfuir.

 

Ils arrêtèrent leur véhicule près de l'endroit où le père de notre amie entrepose son bois.

- Numéro 4, lança le chef, tu restes ici. Surveille la route. Si tu aperçois des policiers, siffle pour nous avertir. Numéro 3, fais le tour de cette maison pour voir si la gamine n'est pas cachée derrière, puis remets-toi au volant, prêt à partir. Numéro 2, tu m'accompagnes.

Ils entrèrent dans la maison de Christine, arme au poing. Les parents levèrent les bras sous la menace.

- Où se trouve votre fille? rugit le numéro 1.

La mère de notre amie montra beaucoup de présence d'esprit. Les mamans en ont souvent, pour protéger leurs enfants.

- Nous l'attendons, dit-elle. Le repas du soir est prêt. Elle devrait déjà être là. Elle va sûrement arriver d'un instant à l'autre, avant la nuit en tout cas.

- Numéro 2, commanda le chef, fouille la maison. Elle se cache peut-être quelque part. Dépêche-toi.

L'homme monta l'escalier. Il entra dans la chambre des parents puis dans celle de Christine, regardant sous les lits et derrière les portes, ouvrant les armoires. Il passa par la salle de bain puis redescendit.

- Rien, chef, elle n'est pas ici.

- On part, ordonna le numéro 1. La police ne tardera pas à arriver. Il ne faut pas qu'ils nous trouvent.

Ils sortirent tous deux et remontèrent dans leur pick-up. Le numéro 4 revint en courant.

- Ne va pas trop loin, commanda le numéro 2 au numéro 3 qui tenait le volant. Cachons-nous dans les environs et observons. La gamine ne va pas tarder à arriver. Nous pourrons peut-être l'intercepter avant qu'elle entre chez elle.

Christine les vit s'éloigner par la route en terre et rouler vers l'entrée d'une sapinière. Elle pensa qu'ils partaient pour de bon. Mais ils camouflèrent leur véhicule derrière des broussailles.

 

Deux voitures de police arrivèrent quelques minutes plus tard. Une commissaire, qui semblait commander au groupe, envoya l'autre équipe sur la piste qui menait à l'épave de l'avion. Puis elle entra dans la maison de notre amie avec son collègue. Un adjoint resta à l'extérieur.

Les parents de notre amie firent le récit de ce que leur fille avait vu et entendu. Ils parlèrent aussi de la visite des quatre bandits.

- Votre enfant court un grand danger, avertit la commissaire. Ces individus vont tout faire pour la kidnapper. J'appelle du renfort pour la protéger. Je préfère que votre fille reste sous notre protection tant que nous n'aurons pas coincé les bandits qui ont attaqué l'avion.

Un quart d'heure plus tard, un hélicoptère de l'armée survola la maison puis réussit à se poser dans une clairière voisine. Le commandant François en descendit avec quatre soldats armés jusqu'aux dents.

Christine pensa qu'elle ne risquait à présent plus rien. Elle sortit de sa cachette et courut à sa maison.

 

On connaît le commandant François et ses hommes, rompus aux combats les plus difficiles. On leur confie les missions le plus délicates ou les plus dangereuses.

Notre amie les a plusieurs fois rencontrés dans la forêt où ils s'entraînent, pas loin de chez elle au cours de ses aventures précédentes.

 

Quand tout le monde, parents, policiers, militaires furent réunis autour de la table, la commissaire demanda à Christine de décrire une fois encore ses faits et gestes. Notre amie évoqua le code et les lettres manquantes.

Les as-tu trouvées, toi qui lis ce récit? Oui? Non? Tâche de les découvrir avant Christine. N... X... S... E... Q... Tu te souviens?

- Madame, monsieur, affirma ensuite le commandant François en s'adressant aux parents, votre fille court un réel danger. Les criminels auxquels nous avons affaire sont persuadés qu'elle a reçu le code en entier. Ils possèdent l'ordinateur, mais ne réussiront pas à y accéder sans ces fameuses lettres. Je vais donc organiser dès cet instant une garde rapprochée pour Christine. Deux de mes hommes veilleront sans cesse sur elle et la suivront partout.

- Ouah! lança notre amie. Je vais me prendre pour une vraie princesse ou pour une ministre.

- La nuit, continua le militaire, une autre équipe veillera hors et dans la maison. Il ne faut pas qu'elle reste seule un instant.

- Papa, maman, interrompit Christine, mon ami Mathieu doit arriver dans quelques minutes. Il vient passer quelques jours de vacances ici. Je l'avais invité, avec votre permission.

- Je n'y pensais plus, reconnut la mère de la jeune fille.

Le commandant François se tut un instant pour réfléchir.

- Laissez-le venir, si ses parents acceptent. Il n'est au courant de rien et ne court donc pas grand danger. Toi, Christine, ne lui révèle surtout pas les lettres du code que tu as entendues, ajouta-t-il en se tournant vers notre amie.

Les policiers repartirent vers le village. Les soldats commencèrent leur travail de gardes du corps. Ils ne quittaient plus notre amie d'une semelle.

Les quatre bandits abandonnèrent leur cachette, se proposant de revenir plus tard, en espérant trouver à ce moment une occasion de capturer Christine.

Mathieu arriva une demi-heure après leur départ, conduit par son père. Le garçon insista pour rester aux côtés de son amie. Il installa son sac de couchage sur le tapis dans la chambre de sa copine.

 

Nos amis passèrent la journée du lendemain dans la maison ou aux abords immédiats, sans cesse accompagnés par deux soldats.

Plusieurs fois, Christine réfléchit à la suite possible des lettres du code, espérant découvrir les deux manquantes, mais en vain. Elle couvrit plusieurs feuilles de mots, parfois insensés, de calculs, d'alphabets, sous le regard étonné de son ami.

Et toi qui lis ce récit, tu as trouvé à présent?

L'après-midi, elle demanda la permission d'aller jusqu'à la balançoire que son papa lui a installée au-delà du hangar où il entrepose son bois. Deux soldats accompagnèrent les enfants jusque-là et restèrent près d'eux.

Les quatre bandits, dissimulés plus loin, rongeaient leur frein, impatients d'intervenir.

- J'ai entendu parler de cette gamine, dit le numéro 3. Elle est un peu sauvageonne. Elle ne restera pas enfermée chez elle bien longtemps. Elle finira par s'éloigner de cette maison et s'enfoncer dans les bois. Alors, nous la kidnapperons.

 

Le jour suivant, le temps était radieux et chaud. Christine demanda l'autorisation d'aller se baigner avec Mathieu au lac situé à une heure de marche de chez elle.

Les soldats Robert et Bertrand appelèrent leur chef. Le commandant François leur donna son accord, mais la garde rapprochée fut renforcée par un troisième homme, le soldat Yves.

-Ils partent! lança le numéro 2. Enfin. Nous la tenons.

- On les suit à pied, ordonna le numéro 1. Prenez vos armes. Et attention de ne pas nous faire repérer.

Nos amis arrivèrent au bord du lac, entouré de grands sapins verts. Ils se dirigèrent aussitôt vers le côté Sud de l'étendue d'eau. Là se dressent des rochers gris que l'on peut escalader afin de plonger de haut.

Christine en salopette et Mathieu, en short, sautaient à tour de rôle au milieu de grands éclats de rire. Les trois soldats observaient leur bonheur avec envie. Quelle liberté! Quelle joie de vivre! Mais conscients de leurs responsabilités, ils scrutaient sans cesse les alentours, sachant la fragilité de ces instants de paradis.

 

- J'ai un plan, murmura le numéro 1 en observant la scène. Numéro 4, tu vas te placer cinquante mètres derrière les rochers qu'ils escaladent sans cesse. Tu tireras ensuite trois coups de feu en l'air. Ça attirera les gardes. Pendant ce temps-là, le numéro 2 et moi, nous profiterons d'un instant où elle est seule. Nous grimperons chacun par un côté dans les rochers. On saisira la gamine et on l'emmènera. On laisse le garçon. On n'en a pas besoin. Numéro 3 tu restes dans la voiture. Tu fais tourner le moteur.

Les quatre bandits se dispersèrent.

 

- Mathieu, appela Christine, tu vois ce rocher, le plus haut? Il surplombe le lac à droite.

- Oui.

- Tu oserais plonger de là ?

- Tu ne vas pas le faire !

- Si, répondit notre amie en souriant. Puis ce sera ton tour.

- Tu es folle! C'est bien trop haut.

Christine escalada les rochers et reparut debout sur le surplomb.

Impossible, pensa tout bas Mathieu. Elle n'osera pas.

L'audacieuse jeune fille plongea. Elle disparut sous la surface de l'eau et reparut un instant plus tard près de son copain.

- À toi, dit-elle.

Dépassant sa peur, Mathieu escalada les rochers à son tour. Arrivé là-haut, il hésita.

- Je compte, cria Christine. Tu sautes avant dix. Un, deux, trois, quatre, cinq...

Le garçon plongea.

Notre amie sortit de l'eau et retourna dans les rochers.

 

Tout à coup, trois coups de feu éclatèrent.

- Vite, lança le soldat Yves à ses collègues. Les bandits approchent derrière ces rochers. Allons-y. J'appelle des renforts en même temps.

Il saisit son portable en courant avec les deux autres vers l'endroit d'où les coups de feu étaient partis.

Christine, à mi-chemin dans les rochers surplombant le lac, vit deux hommes armés, menaçants, s'approcher d'elle. Elle plongea sans hésiter, pour tenter de leur échapper.

- Sale gamine, cria le chef.

Déjà, les renforts, qui attendaient un signal de leurs collègues, prêts à intervenir, arrivaient en hélicoptère. Des hommes furent parachutés.

Mathieu, emmené par son amie, nagea avec elle vers l'autre côté du lac. Les deux enfants se glissèrent entre les roseaux et se mirent à plat ventre dans la vase qui y stagnait.

Les quatre bandits furent bien vite maîtrisés et emmenés. Les militaires s'emparèrent de l'ordinateur de l'homme mort dans l'avion.

Le commandant François et la commissaire de police, qui venaient de parvenir sur les lieux, conduisirent les deux enfants dégoulinants de boue mais sains et saufs, à la maison de Christine.

 

- J'ai trouvé, lança soudain notre amie avec fierté. Je connais à présent les deux lettres manquantes du code. Ça m'est venu juste au moment où Mathieu a sauté à l'eau depuis le haut rocher.

Tout le monde, parents, policiers, militaires, se rassembla autour de la table où l'ordinateur de l'homme mort se trouvait posé, ouvert, prêt à révéler ses secrets.

Tu as trouvé toi qui lis ce récit? Réfléchis encore un instant.

- Quand tu as hésité à sauter du rocher, Mathieu, j'étais dans l'eau et je t'observais, expliqua Christine. J'ai compté bien fort pour t'encourager. Tu as sauté à sept. Mais les chiffres défilaient dans ma tête comme si je les écrivais.

UN... DEUX... TROIS... QUATRE... CINQ...

- La dernière lettre de chacun de ces chiffres a attiré mon attention. N... X... S... E... Q... Les fameuses lettres que l'homme agonisant dans l'avion m'avait demandé de retenir.

Tous écoutaient la jeune fille debout près de la table.

- Le temps que tu remontes à la surface de l'eau, j'ai continué à compter. SIX... SEPT... Les deux lettres manquantes m'ont sauté aux yeux. X... T...

- Bravo! firent ceux qui entouraient notre amie.

La commissaire introduisit en entier le code que Christine venait de lui confier.

Les messages et les documents cachés apparurent. Tous ceux qui étaient présents furent impressionnés. Ils découvrirent des témoignages accablants et des documents irréfutables concernant les intentions des révolutionnaires du pays en guerre.

Ces agitateurs n'avaient qu'un seul but, s'emparer des richesses du pays à leur seul profit. Ils avaient chargé le numéro 1 et son équipe d'une grave mission de combat : abattre l'avion où se trouvaient les textes compromettants dissimulés derrière un code secret, les saisir et les détruire à jamais afin de pouvoir continuer à semer la terreur autour d'eux.

Grâce à notre amie, ces renseignements restèrent en de bonnes mains. Les rebelles s'enfuirent dans la jungle du pays. La population, innocente victime des guerres voulues par certains, retrouva une vie paisible qu'on leur souhaite heureuse.

 

Ceux qui prennent les armes dans le monde sont toujours aussi nombreux, haineux, impitoyables.

Mais il suffit sans doute du courage radieux d'une enfant comme Christine, pour éclairer ce monde, l'illuminer, et perpétuer l'espoir d'un meilleur avenir.