Magali
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Les deux méchants canards

     Magali jouait au jardin. Le soleil brillait dans un ciel bleu uni. Elle était assise dans l'herbe. Des sauterelles dansaient parmi les pâquerettes et les boutons d'or.

Elle racontait des histoires à son doudou, un petit mouton blanc en peluche. Pourtant, maman lui avait bien dit l'autre jour:

- Ma chérie, ne prends pas ton doudou au jardin. Les doudous doivent rester dans la chambre, sur le lit.

Notre amie avait désobéi. Elle allait le regretter.


Tout à coup, deux grands canards passèrent sous la barrière, au fond du jardin. Deux étranges canards avec des grands yeux sombres. Ils coururent vers Magali en lançant des cris retentissants.

Notre amie se leva, tenant son doudou dans les bras car elle avait un peu peur. Elle aurait mieux fait de s'encourir.

Les deux canards s'approchèrent d'elle et lui donnèrent des coups de bec. Ils pincèrent son poignet gauche et son genou droit.

Magali lâcha son doudou et fila vite vers la maison. Les deux méchants canards disparurent entre les plants de la haie, passant ainsi dans le jardin du voisin.

La fillette courut en pleurant vers sa mère qui serra sa petite fille un moment dans ses bras. Ensuite, elle la posa à terre et observa les dégâts. Elle en vit bien peu. Le tissu de la salopette rouge avait protégé le genou, mais le poignet de notre amie portait une marbrure sombre.

- Maman, mon doudou est resté dans l'herbe au fond du jardin. Je n'ose pas aller le chercher. Tu viens avec moi?

- Ma chérie, tu dois apprendre à te débrouiller. Et de plus, tu le vois sur l’écran de mon ordinateur, je suis en train de travailler. Tu as emmené ton doudou avec toi, va le reprendre, courage. Les deux canards sont partis à présent.

 

Magali retourna au jardin.

Elle s'approcha de l'endroit où elle avait laissé son mouton blanc mais elle ne le vit pas! Elle eut beau regarder partout, il avait disparu.

Arnaud n'était pas là pour aider sa petite sœur. Il était allé chez son amie Manon. Arnaud, c'est le grand frère de notre amie. Il a huit ans. Elle n'a que quatre ans et demi. Elle est en deuxième maternelle.

Maman ne voulait pas l'accompagner. Papa n'était pas là. Il ne fallait pas compter sur le petit frère, bébé Julien, vraiment trop petit. 

Quelques larmes coulèrent le long des joues de notre amie, entre ses couettes noires, et tombèrent sur sa salopette rouge ainsi que sur ses petites chaussures de toile rouge.

Elle décida d'aller chercher de l'aide auprès de ses amis animaux.

 

Elle passa par un trou de la haie et se glissa à quatre pattes dans le jardin du vieux monsieur qui habite la maison à côté. C'est le grand père d'Adrien, le copain de Magali. Ce garçonnet vient parfois passer la journée chez son bon-papa. Ces jours-là, les deux enfants jouent ensemble, et parfois avec la vieille tortue qui traîne toujours dans un coin.

Adrien n'était pas là. Ne voyant pas la tortue non plus, notre amie l'appela trois fois.

- Vieille tortue! vieille tortue! vieille tortue!

Elle arriva bien à son aise.

- Que se passe-t-il?

- Deux étranges canards avec des grands yeux sombres, ont emporté mon doudou. Je ne sais pas où ils sont allés.

- Il me ressemble, ce doudou? demanda la vieille tortue. Il a une carapace?

- Non, répondit notre amie. C'est un petit mouton tout blanc.

- Je me trouvais dans le jardin entre deux pierres, dit la tortue. Je me chauffais au soleil et j'avais rentré ma tête, mes pattes et ma queue sous ma carapace. Je n'ai rien vu. Je dormais.

 

La fillette quitta la tortue, passa sous la barrière et longea le champ de blé. Au milieu de ce champ se trouve un rocher blanc. Sous ce rocher blanc, il y a une tanière, celle d'un lapin ami de Magali. Elle l'appela trois fois.

- Gentil lapin! gentil lapin! gentil lapin!

Hélas, le lapin ne répondit pas. Il était parti...

 

Notre amie contourna le champ de blé et s'approcha du terrier au fond duquel vit la vieille souris. Elle n'a pas bon caractère. Elle n'a qu'un mot à la bouche. Elle répète sans cesse à tort et à travers "C'est de ta faute". Elle l'appela trois fois.

-Vieille souris! vieille souris! vieille souris!

- Que cherches-tu, petite fille?

- Deux étranges canards avec des grands yeux sombres, ont emporté mon doudou. Je ne sais pas où ils sont allés.

- C'est de ta faute. Je n'ai rien vu. J'étais occupée à compter mes grains de blé dans mon nid, au fond de mon trou. Si tu veux, je t'accompagne, même si c'est de ta faute. Je t'aiderai par mes conseils.

- Merci, fit notre amie en soupirant.

Magali s'éloigna avec la vieille souris.

 

Elle se glissa sous la clôture et s'approcha des grands arbres près de la rivière. Elle voulait demander de l'aide à la jolie pie. Elle voit toujours tout depuis son nid haut perché.

Ne l'apercevant pas, elle appela trois fois.

- Jolie pie! jolie pie! jolie pie!

- Que se passe-t-il? demanda l'oiseau en s'approchant.

- Deux étranges canards avec des grands yeux sombres, ont emporté mon doudou. Je ne sais pas où ils sont allés.

- Je les ai vus, répondit la jolie pie. Ils ont traversé le champ de blé et se sont dirigés vers les étangs. Ils traînaient un petit mouton blanc derrière eux. Je croyais que c'était un vrai. Ce doit être le tien.

- Vers quel étang sont-ils allés? 

- Je ne sais pas exactement, car je ne les ai pas suivis. Mais je crois que l'écureuil aux yeux très doux les a vus passer. On pourrait aller lui demander.

- D'accord, répondit notre amie. Tu viens avec moi?

- Je t'accompagne, répondit la jolie pie.

Magali s'éloigna vers les étangs, suivie par la vieille souris et la jolie pie.

 

Elle parvint en-dessous de l'arbre où vit l'écureuil aux yeux très doux, et, par trois fois, elle appela le gentil petit animal.

- Écureuil aux yeux très doux! écureuil aux yeux très doux! écureuil aux yeux très doux!

Sautant de branche en branche, il s'approcha.

- Bonjour Magali.

- Bonjour. Deux étranges canards avec des grands yeux sombres, ont emporté mon doudou. Je ne sais pas où ils sont allés.

- Ah! c'était ça! s'écria l'écureuil. Je croyais que c'était un vrai mouton. Ils sont partis vers le dernier étang là-bas à droite.

- Tu veux bien m'accompagner ? demanda Magali.

- Avec plaisir, répondit l'écureuil. Allons-y.

Magali partit avec la vieille souris, la jolie pie et l'écureuil aux yeux très doux.

 

Ils s'approchèrent de l'étang.

Il y avait malheureusement beaucoup de boue entre les hautes herbes. Notre amie n'osa pas s'avancer trop loin entre les roseaux de peur de s'enfoncer et de se salir. Elle entendait les grenouilles et leurs coassements ainsi que les coincouinements des canards.

Une petite grenouille sautait de nénuphar en nénuphar. Comme elle était charmante, toute verte! La fillette l'appela trois fois.

- Grenouille verte! grenouille verte! grenouille verte!

- Quoi? Que veux-tu?

- Deux étranges canards avec des grands yeux sombres, ont emporté mon doudou. Je ne sais pas où ils sont allés.

- Pas loin, répondit la grenouille verte. Regarde, là-bas parmi les fleurs blanches de nénuphars. Tu aperçois ton petit mouton couché sur une large feuille qui flotte.

Et se haussant sur la pointe des pieds, notre amie vit son doudou.

 

- Tu veux bien aller me le chercher ? demanda Magali. C'est plein de boue, ici. Je risque de me salir et mes parents ne seront pas contents.

- Malheureusement, répondit la grenouille verte, je suis trop petite pour te rapporter ton doudou. Il est beaucoup trop grand pour moi.

Notre amie se tourna vers la jolie pie.

- Toi, tu peux voler. Tu veux bien aller le chercher?

La jolie pie se posa sur la large feuille, près du petit mouton. Elle le saisit par une oreille. Elle la serrait avec son bec. Mais la pie n'avait pas assez de force pour le soulever. Le doudou était trop lourd pour elle. Elle ne parvint pas à le rapporter.

Magali demanda à l'écureuil aux yeux très doux de tenter d'y aller à son tour. Il nagea dans l'eau sale, mais, pour lui aussi, le mouton était trop lourd. Il revint tout penaud.

- Impossible, dit-il.

- Et toi vieille souris? fit notre amie.

- Moi, je ne peux pas, répondit-elle. Mes pattes sont beaucoup trop courtes. Les souris, c'est bien connu, ne savent pas nager. Il faut que tu y ailles toi-même, petite fille. Et puis c'est de ta faute.

 

Magali regarda l'eau verte de l'étang. Elle vit de la boue et des branches mortes avec des feuilles moisies tout au fond.

Pourtant, elle se mit pieds nus et entra dans l'eau avec sa salopette rouge. Elle passa doucement entre les roseaux. Elle soulevait de la vase à chacun de ses pas. Bientôt, elle eut de l'eau sale jusqu'aux genoux.

Progressant toujours plus en avant, ça lui vint jusqu'au ventre. Ce n'était pas amusant du tout. En plus, elle avait peur de marcher sur quelque chose qui ferait mal à ses pieds nus, un caillou pointu par exemple, ou n'importe quoi qu'elle ne pouvait pas voir dans la boue.

Mais maman avait dit: "Ma chérie, tu dois apprendre à te débrouiller. Tu as emmené ton doudou avec toi, va le reprendre, courage".

 

Notre amie se demanda tout à coup si l'eau n'était pas trop profonde, là-bas, à l'endroit où se trouvait son doudou. Elle aperçut un poisson qui nageait. Aussitôt, elle l'appela trois fois:

- Petit poisson! petit poisson! petit poisson!

Il ne répondit pas. Pour qu'il vienne, il faut l'appeler très fort car, dans l'eau, on entend mal. Alors, Magali répéta en criant.

- Petit poisson! petit poisson! petit poisson!

- Que désires-tu? 

- L'eau est-elle profonde, là-bas, en-dessous des nénuphars? Je vais chercher mon doudou.

- Non, répondit le poisson. Elle n'est pas plus profonde qu'ici, tu peux y aller. Tu auras pied partout.

 

Magali avança encore entre les nénuphars qu'elle écartait doucement avec ses doigts. Deux ou trois fois, elle faillit tomber dans l'eau parce que les tiges et les racines de ces plantes sont emmêlées et elle se prenait les pieds dedans.

Là-bas, plus loin, des canards lançaient leurs coincouinements retentissants. Magali, parfois, tournait la tête vers eux. Elle avait peur que les deux étranges canards avec des grands yeux sombres la reconnaissent et viennent l'attaquer.

La fillette atteignit son doudou. Elle le serra dans ses bras et revint vite vers le bord de l'étang.

 

Juste à ce moment-là, des canards s'approchèrent en nageant et en poussant des cris.

Notre amie eut très peur. Elle se dépêcha de revenir vers la rive, mais elle s'empêtra les pieds dans les branches mortes et les racines de nénuphars. Elle tomba en avant.

Elle se releva, dégoulinante d'eau sale et qui sentait mauvais. De la boue coulait le long de ses couettes. Son t-shirt et sa salopette lui collaient à la peau. Notre amie était trempée, mais elle avait sauvé son petit mouton.

La pie, courageusement, tenta pendant ce temps-là d'effrayer les canards par ses cris. L'écureuil les menaçait et leur lançait des noisettes.

Magali sortit de l'eau et de la vase, remercia ses amis et courut vers sa maison.

 

Maman lui demanda ce qui s'était passé en la voyant revenir ainsi. La fillette lui raconta son aventure.

- Tu m'avais demandé d'aller chercher mon doudou toute seule. Tu m'avais dit de me débrouiller. Alors, j'ai appelé mes amis la vieille souris, la jolie pie et l'écureuil aux yeux très doux. Ils m'ont aidée.

- Tu es une courageuse petite fille, complimenta maman. Maintenant, tu vas aller mettre tes vêtements et ton petit mouton dans la machine à laver, puis tu iras prendre une bonne douche.

Magali était fière d'avoir retrouvé et sauvé son doudou, son petit mouton blanc. Elle le serra dans ses bras en souriant.