Les quatre amis
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Le Chateau maudit

     La voiture suivait une petite route de corniche qui dominait la mer du haut des falaises. Sur le siège arrière, un peu serrés, se trouvaient Jean-Claude et son copain Philippe, onze ans tous deux, Christine, la sœur de Jean-Claude et sa grande amie Véronique, dix ans chacune. Les parents de Véronique étaient à l'avant.

Celle-ci avait la grande chance de pouvoir inviter ses meilleurs amis pour un petit voyage, pendant les vacances de Pâques, en Grande-Bretagne, au pays de Galles.

Tout à coup, la maman freina en douceur, après un tournant, et attira l'attention des enfants.

-Regardez, dit-elle, là-bas, on l'aperçoit.

Sur un éperon rocheux, se dressait une forteresse dont les pierres grises et noires surplombaient l'océan d'une hauteur d'environ cinquante mètres. On apercevait deux tours massives, un donjon enchâssé dans un corps de bâtiment plus récent et le chemin de ronde longeant les murs d'enceinte.

L'ensemble se trouvait à pic, sur une presqu'île qui s'avançait en mer. Les lames de l'océan venaient se fracasser sur les rochers, au pied du château. Dans la grisaille, sous le ciel couvert de nuages, le spectacle impressionnait.

La maman de Véronique redémarra et roula encore quelques minutes sur une route étroite et sinueuse. Ils arrivèrent dans un petit village. Au centre du bourg se trouvait une auberge toute simple, mais proche de la plage. Ils allaient passer là quelques jours de vacances.


Quand ils entrèrent dans l'hôtellerie, bagages à la main, le gérant les observa et prit un air étonné.

-Vous m'aviez annoncé, monsieur, madame, que vous veniez avec deux filles et deux garçons. Je vois là trois garçons et une fille. Cela va peut-être poser problème pour les chambres.

Christine sourit. Elle aime bien qu'on la prenne pour un garçon. Elle est très différente de son amie. Celle-ci a des beaux longs cheveux blonds qu'elle arrange avec soin tous les matins. Elle porte souvent des très jolies robes, du meilleur goût.

Christine préfère ses cheveux courts. Tu la verras toujours en jeans délavés et t-shirt, de préférence ceux déjà bien usés par son grand frère. Elle s'y sent très à l'aise. Elle se prétend allergique aux robes et passe donc facilement pour un garçon.

Les parents de Véronique rassurèrent l'aubergiste et celui-ci exposa sa proposition de logement.

-Je dispose de quatre chambres dans mon hôtel, dit-il. Un client âgé occupe la première depuis quinze jours. J'attribue une autre à deux jeunes, des étudiants, je pense. Il m'en reste donc deux. L'une est pour vous, monsieur et madame et je réserve l'autre pour les jeunes filles. Ces deux jeunes gens seraient-ils d'accord de loger au grenier? J'y fais installer deux lits. C'est très grand, et il n'y fait pas froid. Enfin, une affaire de confiance, je leur remettrai un passe-partout. Je compte sur vous, les garçons, vous n'entrerez pas dans les chambres qui ne sont pas les vôtres.

Jean-Claude et Philippe se regardèrent. Quelle bonne idée de loger dans ce grenier. Bien tranquilles, ils seront maîtres chez eux là-haut, un vrai nid d'aigle.


Au cours du repas de midi, nos amis qui occupaient une table à quatre séparée de celle des parents de Véronique, aperçurent les autres clients. Ils repérèrent un étrange manège.

Un monsieur plus âgé, il paraissait avoir franchi la soixantaine, s'approcha de la table des deux jeunes. Il posa une longue et lourde clé en fer sur leur nappe et leur dit «Yellow», ce que Philippe, bilingue, traduisit par «jaune» pour ses amis.

L'un des jeunes se leva. Il empoigna la clé, monta à l'étage puis revint sans elle.


Après le repas, nos amis interrogèrent le tenancier.

-Peut-on visiter le château et à quelle heure, monsieur, s'il vous plaît? demanda Philippe dans son meilleur anglais.

-Visiter le château ? Oui, si cela fait votre bonheur. Mais je vous le déconseille. Il est abandonné. Un château maudit. Très peu de gens vont le voir.

-Comment cela ? s'étonna Christine, très intéressée par ce mystère.

-Oui, que voulez-vous dire ? insista Jean-Claude.

-En deux mots, raconta le patron de l'auberge, le château actuel fut construit autour d'un donjon qui date de l'époque des Vikings, voilà plus de mille ans. Aucun propriétaire n'y resta jamais longtemps. Tous moururent peu de temps après leur arrivée, pour des raisons demeurées mystérieuses.

-Passionnant, murmura Philippe.

-Tenez, il y a cent ans. Ce furent les derniers occupants. Un jeune couple, avec un bébé. Quatre mois après leur installation, on retrouva le corps du père de famille au pied des falaises, à moitié dévoré par les crabes. Deux semaines plus tard, la jeune mère se suicida en se jetant du haut d'une fenêtre de la tour Nord.

-Et le bébé ? demanda Véronique.

-Il resta seul au manoir. Deux femmes du village tentèrent d'aller le chercher, mais elles revinrent épouvantées, disant avoir vu des ombres et entendu des gémissements inhumains. Le bébé cria longtemps, très longtemps, insista l'aubergiste. Parfois, certaines nuits, quand le vent vient du Nord, c'est-à-dire du château, on entend encore, au village, ce bébé hurler dans la nuit. Cela vous glace le sang…

Philippe s'approcha de Jean-Claude.

-C'était il y a cent ans. Ce doit être un vieux bébé, actuellement.

Les quatre amis, ne croyant pas aux fantômes, éclatèrent de rire et partirent vers la plage. Le garçon interrogea son copain.

-Qu'en penses-tu ? Tout de suite ou demain matin ?

-Que veux-tu dire ? demanda son ami.

-Pour la visite du château, on s'y rend tout de suite ou demain matin ?

-Tout de suite, évidemment...

-L'aubergiste nous déconseille d'y aller, murmura Véronique.

-C'est vrai, ajouta Christine. Je suis d'autant plus curieuse.

Les quatre amis partirent par la plage vers le château maudit.


Plus ils avançaient, plus les falaises devenaient hautes et moins l'espace entre la mer et les rochers était grand. La plage rétrécissait à vue d'œil.

Arrivés en vue du château, ils l'observèrent un moment. Il paraissait impressionnant. Les tours, les meurtrières, les mâchicoulis, le donjon, les hauts murs du chemin de ronde, tout cela en pierres noires... Pas très rassurant! Dans un décor de ciel gris, de nuages, de vent, d'embruns, de mer, le spectacle splendide fascinait et inquiétait à la fois.

Un petit sentier permettait de quitter la plage et de monter sur la falaise. Ils le suivirent et arrivèrent devant la forteresse.

Ils franchirent l'entrée, flanquée de deux énormes tours reliées entre elles par un mur épais, percé et garni d'une lourde porte en bois. Cette porte était ouverte. Nos amis passèrent sans difficulté dans la cour pavée. À l'autre bout se dressait un bâtiment carré de trois étages, en pierres quasiment noires, elles aussi.

On apercevait une tour ronde, au centre de cette construction. Elle s'élevait un peu plus haut que le bâtiment carré. Le donjon, sans doute. 

Les amis traversèrent la cour et entrèrent par une grande porte à l'intérieur du château. Ils visitèrent le rez-de-chaussée, le premier étage et le second. C'était assez décevant. Aucun meuble, aucun décor sur les murs nus. Pas de vitres aux fenêtres, bien sûr. Ils ne découvrirent que des cheminées énormes et parfois quelques sculptures aux plafonds.

Après avoir suivi tous les escaliers et même être montés au troisième étage, ils revinrent dans la cour. Là, ils s'étonnèrent de ne pas avoir pu visiter le donjon.

En retournant, ils observèrent les lieux avec plus d'attention. Visitant les vieux murs une seconde fois, ils découvrirent, derrière la cheminée du deuxième étage, une porte étroite qui donnait accès à un couloir sombre.

Ils y firent quelques pas, mais durent s'arrêter assez vite. Une lourde grille les empêchait de continuer plus avant. Le passage obliquait et menait probablement à l'intérieur du donjon. Cette herse était fermée par un cadenas tout neuf qui visiblement ne s'ouvrait qu'avec une clé de haute sécurité.

Un peu déçus, nos quatre amis firent demi-tour. Ils s'apprêtaient à revenir à l'auberge.

Véronique les rejoignit après une minute. Elle s'était baissée pour renouer un lacet d'une de ses sandales de gym mauves. Elle arriva en courant.

-Tu es toute pâle, remarqua Christine.

-J'ai entendu un bruit, au-delà de la grille. Un bruit rauque, comme un bébé qui crie, dit-elle tout émue.


Pendant le repas du soir, ils remarquèrent le vieil homme assis à une table de la petite salle du restaurant. Il lisait en mangeant. Les deux jeunes n'étaient pas présents. Où pouvaient-ils bien être ?

-Au cinéma, proposa Véronique.

-Le premier cinéma se trouve à plus de cent kilomètres, fit remarquer Christine.

-Peut-être sont-ils simplement partis se balader, concilia Jean-Claude.

Le repas se passa agréablement, puis chacun alla se coucher tôt. La chambre pour les filles, le grenier pour les garçons.


Christine s'éveilla au milieu de la nuit, précisément à minuit dix. Un peu de bruit dans le couloir l'arrachait à ses rêves. Les deux jeunes rentraient. Elle entendit leur porte claquer.

Véronique dormait, paisible. Son amie se leva et, s'approchant de la fenêtre, elle regarda au loin. Le ciel se dégageait un peu. Elle aperçut quelques étoiles et un beau croissant de lune. Elle devina vers l'horizon, l'éperon rocheux et le château sur la falaise.

Soudain, semblant sortir du donjon, une fumée jaune, très lumineuse, monta vers le ciel. Christine éveilla sa compagne et les deux jeunes filles regardèrent le curieux spectacle. La fumée s'éleva à une hauteur d'environ cent mètres au-dessus du donjon. À ce moment-là, des milliers de petites lumières brillantes et de toutes les couleurs illuminèrent de leurs feux la colonne jaune. Cela ressemblait à des étincelles. C'était d'une beauté à couper le souffle. Puis la fumée redescendit dans le bâtiment et tout disparut.


Le lendemain, pendant le petit-déjeuner, les filles en parlèrent aux garçons. Tu te souviens, les quatre amis occupent une table séparée des parents de Véronique et peuvent du coup bavarder librement. Philippe fit remarquer que le monsieur plus âgé était déjà parti. Par contre, les deux jeunes se trouvaient dans la salle de restaurant et passaient leur temps à rire.

Nos amis retournèrent au château pendant la matinée. Ils voulaient approfondir les recherches concernant le bébé entendu par Véronique, et résoudre l'énigme de la fumée lumineuse.

Hélas, quand ils arrivèrent devant la porte monumentale, flanquée de ses deux tours, et donnant seule accès à la cour dallée, ils aperçurent un écriteau. « Entrée interdite. Ne revenez plus ici ».

Déçus à nouveau, les enfants firent demi-tour sans insister et revinrent vers l'auberge par la plage.

-C'est étrange, s'écria soudain Philippe. Cet écriteau s'adresse uniquement à nous.

-Pourquoi ? demanda Christine.

-Je ne comprends pas ce que tu veux dire, insista Véronique.

-Ce panneau s'adresse à nous et à personne d'autre, répéta leur ami. On veut nous éloigner de ce château.

-Comment cela ? fit Jean-Claude.

-Parce que ce texte est écrit en français. Or nous voyageons au Pays de Galles. On y parle anglais, comme vous l'avez remarqué.

Nos amis, intrigués, gardèrent le silence un moment. Puis ils se persuadèrent qu'il existait un lien entre l'absence des deux jeunes au soir, celle du vieux monsieur au matin, le château, le panneau interdisant l'entrée, et la fumée jaune aperçue par les filles dans la nuit. Tout cela semblait étroitement lié.

-Je songe à une bande de gens malfaisants, proposa Jean-Claude. Des bandits ? Des faux-monnayeurs…

-Bien vu, ajouta Philippe. Mais je penserais plutôt à des contrebandiers. Ils cachent peut-être des armes. La fumée colorée devient du coup un signal envoyé en mer à un bateau qui accoste quelque part et débarque sa marchandise.

-Peut-être des trafiquants de drogue, ajouta Christine.

-Et pourquoi pas des voleurs d'enfants, lança Véronique. Souvenez-vous, lors de la visite du château, hier, vous redescendiez tous les trois. Moi, j'ai écouté un instant, pendant que je renouais mon lacet. J'ai cru entendre pleurer un bébé. Peut-être même deux, car je percevais des voix différentes.

Nos amis s'arrêtèrent sur la plage. Cette affaire les impressionnait très fort.

-Il faut mener une enquête, affirma Philippe. Allons voir ce qui se passe. Ce midi, après dîner, on se réunira dans notre grenier, à l'abri des oreilles indiscrètes et on tâchera d'émettre des idées et d'établir des plans. Cette fumée jaune n'apparaît pas la nuit sans raison.

-D'accord, répondirent les trois autres.

Ils revinrent à l'auberge.


Pendant le repas de midi, le petit manège de la veille se reproduisit et retint leur attention.

Le monsieur âgé arriva avec quelques minutes de retard. Il s'approcha des deux jeunes avant de se mettre à table. Il leur remit la même clé métallique, d'environ quinze centimètres, puis il leur dit, avec discrétion : « Orange ». Nos amis entendirent clairement ce mot. Ils se regardèrent tous les quatre.

-Orange, à présent. Pourquoi? se demanda Philippe.

-Et cette clé, dirent les filles. Pour ouvrir quoi ? Une serrure de grande taille vu ses dimensions.

-En tout cas pas celle du cadenas de la grille du donjon, ajouta Véronique.

Un des jeunes se leva et, emmenant la clé, monta à sa chambre. Il revint s'asseoir à table, sans elle, deux minutes plus tard.

Jean-Claude proposa de les suivre cet après-midi.


Dès leur repas achevé, les deux jeunes hommes sortirent de l'auberge et se dirigèrent vers la plage. Nos amis leur emboîtèrent le pas à distance en se cachant tantôt derrière des rochers, tantôt derrière une dune de sable ou le long des falaises, afin de ne pas se faire repérer. La grisaille et le vent levaient les vagues, toujours aussi fortes.

Arrivés en vue du château, les deux compères n'empruntèrent pas l'étroit sentier qui montait le long de la falaise. Ils continuèrent leur marche, vers l'éperon rocheux, par la plage. Ils contournèrent la pointe et disparurent soudain.

Jean-Claude, Christine, Philippe et Véronique coururent vers cet endroit au pied des falaises. Les vagues se fracassaient à moins de deux mètres d'eux. L'écume leur collait à la peau et aux habits et l'embrun les glaçait. Les deux jeunes avaient disparu.

Revenant en arrière, nos amis examinèrent les traces de pas dans le sable avec attention. Ils scrutèrent la falaise avec soin. Personne en vue ! Existait-il un passage le long de la paroi verticale ? Ils cherchèrent.

Après quelques minutes, Véronique appela ses amis.

-Venez, je crois avoir trouvé quelque chose d'intéressant.

Les trois autres rejoignirent la jeune fille.

-Regardez cette anfractuosité, là, dans la falaise, on dirait que cela continue. Voilà peut-être l'entrée d'une grotte.


Tous trois suivirent leur amie à l'intérieur du passage. Ils croyaient ne faire que quelques pas, car ils pensaient qu'il leur faudrait revenir avec des lampes de poche, mais après avoir marché deux ou trois mètres dans le boyau étroit, ils passèrent sous une petit lampe, une simple ampoule, qui pendait au plafond. Elle était allumée.

Ils poursuivirent leur progression et découvrirent, après six ou sept mètres, un escalier qui comportait dix marches et menait vers le bas. Cet escalier se prolongeait par un couloir humide d'environ trente mètres. Il se terminait par un second escalier qui, lui, remontait. Dix marches vers le haut, puis un angle aigu, puis encore dix marches. Ils aboutirent dans une vaste caverne.

C'était impressionnant. Ils se trouvaient en-dessous du château. Une autre petite ampoule répandait une pauvre lumière.

Nos amis découvrirent la présence d'un escalier en colimaçon au fond de la grotte. Ils le suivirent mais furent assez vite bloqués par une grille, une vieille grille rouillée, munie d'une grosse serrure fermée.

-Je comprends, affirma Jean-Claude. Pour ouvrir cette grille, il faut la clé que le vieux monsieur remet le midi aux deux jeunes.

-Tout à fait d'accord avec toi, fit Christine.

-Dommage que nous ne puissions pas aller plus loin, continua Philippe. Nous aurions des choses intéressantes à découvrir.

-Écoutez, chuchota Véronique, en baissant d'un ton.

Ils se turent, et dans le silence et la demi-obscurité ambiante, ils entendirent les gémissements rauques d'un bébé…

-Quelle horreur! souffla Jean-Claude. Des enfants sont prisonniers dans les caves de ce château, juste au-dessus de nous. Il faut les délivrer.

-Pauvres bébés, songea tout haut Véronique.

Nos amis secouèrent la grille mais elle demeura bien fermée. Ils firent demi-tour, redescendirent l'escalier en colimaçon, retraversèrent la caverne, empruntèrent les deux fois dix marches d'escalier, suivirent le couloir humide, et remontèrent les dix dernières marches pour sortir par l'anfractuosité qui s'ouvrait sur la plage.

Les vagues se fracassaient toujours avec autant d'énergie. Le vent soufflait de plus en plus fort, et les nuages laissaient tomber une petite pluie froide.

Nos quatre amis revinrent à l'auberge transis et impressionnés.


Au soir, les deux jeunes étaient de nouveau absents au repas. Le vieux monsieur mangeait en lisant, dans son coin. Nos amis échafaudèrent un premier plan. Ils décidèrent d'observer, une fois encore, le phénomène étrange qui se produisait, semblait-il, chaque nuit à minuit.

La montre électronique de Jean-Claude sonna à onze heures quarante-cinq. Le garçon réveilla son copain endormi et tous deux, en pyjama, descendirent les marches jusqu'à la chambre des filles.

Après les trois coups frappés comme convenu, elles laissèrent entrer les garçons. Tous se postèrent devant la fenêtre. Philippe caressa la nuque de sa chère Véronique, qui cette fois, ne rechigna pas.

Quelques minutes après minuit, nos amis entendirent les deux jeunes entrer dans l'auberge et entrer dans leur chambre, comme l'autre fois.

Vers minuit quart, une fumée orange s'éleva au-dessus du donjon. Elle monta à plus de cent mètres de hauteur. Elle était extrêmement belle, lumineuse, presque flamboyante. Quand elle arriva à son apogée, les enfants virent apparaître, en son sein, des milliers de petites étincelles multicolores. Un spectacle éblouissant! Puis, la fumée redescendit lentement et disparut dans le château.


-Ça me sidère, avoua Philippe.

Après un moment de silence où chacun d'eux restait muet, impressionné par la splendeur du phénomène, Christine relança son idée.

-Cette fumée est un signal pour un bateau en mer, dit-elle. Un message pour des contrebandiers. Drogue, armes, bébés volés, n'importe quoi qu'on livre et entrepose ensuite dans les caves du château maudit.

-Pour un signal, je ne le trouve pas très discret, fit Jean-Claude. On peut le voir à des kilomètres à la ronde.

Une chose reste certaine, se dirent les quatre amis assis en rond, les filles sur leur lit, les garçons sur le tapis, nous ne saurons rien tant que nous n'aurons pas visité les caves de ce maudit château.

-Hélas, pour y entrer, il faut la clé, réfléchit Christine.

-Exactement, murmura Philippe. Il nous faut une clé.

Le garçon insista sur le « une ».

-Celle du cadenas du haut du donjon, nous ne l'aurons jamais. Mais celle du bas ça me paraît possible. Le vieil homme la remet aux deux jeunes quand il vient dîner à midi. À ce moment, l'un d'eux monte à la chambre, sans doute pour la poser en lieu sûr.

-On pourrait la leur emprunter discrètement, proposa Jean-Claude.

-Non, répliqua Véronique. Ils vont s'en apercevoir très vite et on vous accusera, les garçons. Vous seuls possédez un passe-partout.

-Je suis d'accord, réfléchit Christine. Il nous faudrait un double de cette clé.

-Bonne idée, affirma Philippe. Voici mon plan. Il tient la route.

-Pas si fort, intervint Véronique. On pourrait nous entendre.

-Tu as emporté, je crois, ton appareil photo numérique ?

-Oui, répondit Véronique.

Et il expliqua son projet.

-Lorsque le vieux monsieur reviendra demain midi du château et remettra la clé à ses associés, l'un des deux se lèvera pour aller la porter à leur chambre, comme chaque fois. Quand il reviendra, l'un d'entre nous quittera la table muni de notre clé passe-partout. Il ira prendre l'appareil préparé dans la chambre des filles, puis il entrera dans celle des deux malfrats. Il photographiera la clé.

-D'accord, confirma Jean-Claude, mais il faudra qu'un autre d'entre nous surveille depuis l'escalier, pour prévenir celui qui va dans la chambre, au cas où un des deux jeunes, en bas, se lèverait.

-Un cliché de la clé ne suffira pas pour la faire fabriquer chez un ferrailleur, ajouta Philippe. Il faut photographier en même temps une latte graduée, afin que le serrurier puisse se faire une idée précise des dimensions de l'objet. Il faudra prendre au moins deux photos, une de chaque face de la clé.

Le plan étant mis au point et accepté par tous, ils tirèrent les rôles au sort. Le plus délicat tomba sur Christine. Elle devrait jouer les espionnes et entrer dans la chambre des deux hommes pour photographier la clé. Son frère Jean-Claude tira le rôle de celui qui garderait l'escalier. Philippe reçut celui qui, prétextant une raison quelconque, avertirait Jean-Claude, si l'un des jeunes se levait pendant l'opération.


À midi, le vieux monsieur arriva de nouveau un peu en retard. Tout le monde se trouvait à table. Il s'approcha de ses deux complices et leur remit la clé. Il murmura « red ». On sait ce que cela signifie…( rouge).

Un des jeunes monta à sa chambre. Il redescendit ensuite achever son repas.

Christine se leva à son tour. Elle était un peu pâle et ses mains tremblaient.

-Cela ne va pas? demandèrent les parents de Véronique, quand notre amie passa près de leur table.

-J'ai mal au ventre, prétexta la fillette. J'arrive, madame.

Elle ne mentait pas. Elle ressentait réellement des crampes. L'émotion et la peur sans doute. Mais le sort la désignait pour la partie la plus délicate de la mission. Elle n'est pas du genre à se débiner.

Elle gravit l'escalier en courant, passa dans sa chambre, prit l'appareil photo de Véronique, traversa le couloir et ouvrit la porte des deux jeunes avec le passe-partout des garçons. Elle entra dans le repaire avec la latte graduée en main.

Jean-Claude, à ce moment-là, quitta la table à son tour.

-Toi aussi tu ne te sens pas bien ? demanda la mère de Véronique.

-Je vais voir ma sœur, madame, j'arrive.

Le garçon monta à l'étage.


Christine venait d'entrer dans la chambre des deux jeunes. Elle y vit un peu de désordre, mais aperçut la fameuse clé sur l'un des couvre-lits. Elle arma l'appareil photo et prit un premier cliché après avoir posé la latte graduée juste à côté. Elle la retourna ensuite et prit une seconde photo.

À ce moment-là, dans la salle à manger, un des jeunes se leva. Philippe se précipita dans le couloir.

-Ça va ? fit le papa de Véronique.

-Oui, monsieur, je vais à la toilette.

Il siffla dans le couloir. Jean-Claude, quittant son poste d'observation, courut à la chambre des deux jeunes et enjoignit sa sœur de sortir le plus vite possible.

Heureusement, celui qui s'était levé ne monta pas l'escalier. Il se rendit juste vers la salle d'eau.

Christine sortit à toute vitesse de la pièce et referma la porte avec le passe-partout. Puis elle alla ranger l'appareil photo. Mais en redescendant, elle s'aperçut qu'elle avait oublié la latte sur le lit dans la chambre des bandits.

Son frère remonta, ouvrit la porte, prit la latte et referma avec soin. L'opération s'était bien passée. Les deux photos étaient réussies.


En début d'après-midi, nos amis se rendirent chez un ferrailleur. Son atelier jouxtait sa maison.

Ils lui demandèrent de fabriquer une clé semblable à celle qui se trouvait sur la photo. L'homme fourragea dans différentes caisses et en sortit plusieurs anciennes clés bien rouillées. Puis il leur annonça, en anglais bien sûr (heureusement Philippe se débrouille dans cette langue), le prix de l'opération.

Le garçon se tourna vers ses amis.

-C'est horriblement cher, les gars. Tout notre argent de poche va y passer. Qu'en pensez-vous ?

-J'accepte, dit Jean-Claude.

-Ok, murmura Véronique. Je trouve que cela vaut la peine.

-Bien, soupira Christine, en songeant aux glaces et aux bonbons dont elle allait se priver.

Philippe revint près du ferrailleur et lui remit l'argent. L'ouvrier promit que la clé serait prête le lendemain.


Cette nuit-là, les quatre amis, à nouveau réunis dans la chambre des filles, admirèrent une splendide fumée rouge. Elle monta vers le ciel. Elle semblait, comme les autres fois, s'échapper du donjon. Elle se couvrit d'étincelles. Puis la colonne de lumière redescendit, tout disparut et la nuit retrouva son silence obscur.

Les enfants retournèrent chez le serrurier le lendemain dans la matinée et emportèrent la clé. Elle semblait parfaite.

Il ne restait plus qu'à mettre la seconde partie du plan à exécution : se rendre au château vers minuit, sans se faire remarquer par les parents ni par les gens de l'auberge, bien entendu, et percer le secret du château maudit.


À neuf heures et demie du soir, les enfants montèrent à leurs chambres après avoir embrassé les parents de Véronique. Les filles s'habillèrent de jeans sombres, de baskets, de t-shirts noirs et préparèrent une grosse veste. Les garçons firent de même. Il faisait assez froid, dehors.

À onze heures, Philippe et Jean-Claude frappèrent à la porte de Christine et Véronique. Elles sortirent sans bruit de leur chambre et les quatre amis descendirent l'escalier en silence. La salle de restaurant de l'auberge et le salon étaient vides.

Ils ouvrirent une fenêtre et l'enjambèrent. Ils ne voulaient pas demander la clé de l'auberge. On leur poserait trop de questions. Ils tirèrent la fenêtre vers eux, sans la fermer tout à fait, afin de pouvoir entrer par là, bien sûr, quand ils reviendraient de leur expédition.

Un fois dehors, ils coururent vers la plage et se dirigèrent le plus vite possible au château. Ils arrivèrent à l'anfractuosité un peu avant minuit.

Un moment, en marchant sur le sable, au pied des falaises, ils craignirent de croiser les deux jeunes revenant du château, mais la rencontre n'eut pas lieu. Les deux bandits retournaient sans doute à l'hôtel par la route du haut, plus aisée la nuit.

Les enfants entrèrent dans la petite caverne. Les vagues assez proches d'eux les mouillèrent d'ailleurs jusqu'aux chevilles car l'eau envahissait l'entrée du passage étroit. Ils descendirent les dix marches, suivirent le couloir sombre, escaladèrent les deux fois dix autres et arrivèrent dans la grande caverne. Ils retrouvèrent l'escalier en colimaçon. Ils y montèrent et s'arrêtèrent à la grille.

Le grand moment arrivait.

Ils introduisirent leur clé dans la serrure, tournèrent, et la grille s'ouvrit.

Ils continuèrent leur progression dans l'escalier et s'étonnèrent fort de découvrir un laboratoire de chimie. Un peu partout, se trouvaient des becs de gaz allumés sous d'énormes fioles ou cornues transparentes contenant des liquides de toutes sortes de couleurs et dont certains bouillonnaient.

Nos amis eurent un moment de frayeur quand ils entendirent des voix. Ils reconnurent celles des deux jeunes. Ce soir, ils étaient encore là… Les enfants se baissèrent derrière un long coffre et écoutèrent

-Quelle couleur demande le prof pour cette nuit ?

-Vert.

-Bon, parfait. Je mets du jaune et du bleu. Si cela se mélange comme prévu, cela devrait réussir.

-Voilà. Sauvons-nous.

-Où se trouve le chat? dit l'autre. Le chat du prof. Il traîne toujours par ici.

-Je ne le vois pas.

-Tant pis. On n'a plus le temps. Filons avant qu'il soit trop tard.

Cette dernière phrase, traduite comme les autres par Philippe, inquiéta nos amis. Que voulaient-ils dire avec « avant qu'il soit trop tard » ?

Les deux jeunes disparurent par l'escalier du haut. Ils montèrent dans le donjon et sortirent sans doute par la grille du couloir courbe qui se trouvait, tu t'en souviens, au deuxième étage du château, à côté de la grande cheminée. Ils refermèrent cette grille à clé, derrière eux. Nos amis entendirent le déclic. Ils ne possédaient pas cette clé-là.


Redescendant au laboratoire, ils voulurent d'abord libérer tous les prisonniers. Ils cherchèrent à tout hasard des bébés humains, mais ils n'en trouvèrent pas. À ce moment-là, un chat se mit à miauler d'une voix rauque.

Tu as peut-être déjà entendu des chats miauler ainsi au printemps, surtout quand ils chassent. On a l'impression, en fermant les yeux, d'entendre un bébé qui pleure. Ouvre ta fenêtre la nuit, même en ville, tu seras surpris par ces miaulements étranges qui ressemblent à des gémissements de petits enfants. C'est impressionnant.

Le petit chat se terrait dans un coin du laboratoire. Christine se dirigea vers lui et réussit à le prendre dans ses bras en le caressant. 

Nos amis aperçurent des fumées bleues et jaunes sortir de cornues en ébullition et se diriger vers le plafond de la pièce. Levant les yeux, ils observèrent une gigantesque hotte aspirante.

La fumée, verte à présent, s'échappait par ce conduit. Quelques instants après, elle apparaîtrait sans doute au sommet du donjon, monterait d'environ cent mètres, présenterait une série d'étincelles, puis redescendrait, comme les autres fois.

Quelques minutes plus tard, les quatre enfants virent les vapeurs arriver et envahir, peu à peu, le laboratoire.

Un pigeon, venu de l'extérieur, passa dans ces fumées qui flottaient pour l'instant au plafond de la pièce et tomba mort sur le sol.


L'étrange nuage vert descendait lentement et remplissait le laboratoire. Les quatre amis, horrifiés, comprirent à ce moment, que s'ils restaient là à regarder, ils risquaient de respirer cette fumée toxique et peut-être, eux aussi, d'en mourir. Il fallait se sauver, et vite.

Jean-Claude, Christine, Philippe et Véronique décidèrent d'emporter le chat et de s'enfuir par la plage, la seule issue qui restait possible.

Les enfants, impressionnés et terrifiés, coururent dans l'escalier en colimaçon et arrivèrent à la grille. Ils la passèrent et fermèrent à clé derrière eux. Christine tenait le chat dans ses bras. Ils traversèrent la caverne, puis empruntèrent la première volée de dix marches. Ils parvinrent au coude de l'escalier. Il leur restait dix autres marches à descendre. Mais une bien mauvaise surprise les attendait.

L'eau de la mer, portée par la marée montante, envahissait dans le couloir du bas et l'immergeait totalement. L'eau clapotait sur les marches du second escalier. Impossible de ressortir par cet endroit, à moins de pouvoir nager trente mètres au moins sous l'eau glacée.

Les amis firent demi-tour et remontèrent jusqu'à la grille de l'escalier en colimaçon, mais là, ils s'aperçurent que lentement, la fumée toxique, la terrible vapeur verte, mortelle, se répandait vers la grotte. Jean-Claude, Philippe, Véronique, et Christine, avec le petit chat dans les bras, étaient coincés entre la fumée qui descendait lentement et la marée qui montait inexorablement.

Ils retournèrent dans la caverne. Que faire ?

Philippe, le fort en math, évalua le temps que mettrait la grotte à se remplir de gaz mortel et à devenir irrespirable. Il fallait tenter quelque chose et d'urgence. Et les enfants ne pouvaient compter que sur eux-mêmes. Personne n'était au courant de leur présence dans ces lieux au milieu de la nuit.


Emprunter l'escalier en colimaçon et tenter de franchir la zone enfumée. Impossible. Même en se pinçant le nez, et la main sur la bouche, ils n'auraient pas le temps de traverser le laboratoire sans respirer. Et de toute façon, la grille supérieure était fermée à clé. Ils ne pouvaient pas s'échapper par là.

Il fallait donc passer par l'eau. Ils se regardèrent tous les quatre. Les meilleurs en natation sont Jean-Claude et Christine, très sportifs tous deux. 

Courageusement, Christine ôta sa veste et ses baskets.

-J'y vais, affirma-t-elle.

-Non, dit son frère. Je sais ton courage, mais je vais le faire. Je suis ton grand frère. C'est à moi de tenter de vous sauver.

-L'eau est glaciale, murmura Christine.

-Tant pis, répondit notre ami. Je ne veux pas mourir ici sans tout tenter d'abord.

-Je t'admire, dit Philippe. Je ne crois pas que je pourrais le faire. Trente mètres sous l'eau en une fois, c'est trop long pour moi. Plus qu'une longueur de bassin de natation. Et quand tu arriveras au bout, il te faudra encore monter les dix dernières marches, elles aussi peut-être sous l'eau. Je te remercie pour ton courage.

-Normal, répondit Jean-Claude. Je sais que si tu étais capable de le faire, tu te proposerais.

-Je me trouve idiot, reconnut son copain. En ébauchant mon plan, je n'ai pas tenu compte de la marée. Je n'y ai même pas pensé. Pourtant, nos pieds pataugeaient dans l'eau en venant.

-On aurait tous dû y penser, murmurèrent les filles. D'autant plus que cela nous est déjà arrivé.

Découvre ou relis : le coq des dunes. N°13.

Jean-Claude mit les pieds dans l'eau froide, descendit quelques marches, et se retourna une dernière fois.

-Cela prendra du temps. Je dois courir jusqu'à l'auberge pour demander les secours…

Il plongea et disparut aux yeux de nos amis.

Il nagea de toutes ses forces, déployant une énergie extraordinaire. Il atteignit l'autre escalier, à bout de souffle. Il monta rapidement les marches et put enfin respirer. Une vague s'abattit sur lui. Trempé, glacé, il courut le plus vite qu'il pouvait sur la plage.

L'auberge était loin. Il fallait l'atteindre torse nu, pieds nus, sous la pluie, au milieu de la nuit. Il allait d'autant plus vite qu'il grelottait de froid. Cela lui évitait de trembler sous l'averse glacée.


Les trois autres et le petit chat s'assirent par terre dans la grotte, en haut de l'escalier. Lentement, elle se remplissait de fumée, la terrible vapeur mortelle.

Philippe se tourna vers Véronique. Il posa ses bras sur les épaules de son amie. Il approcha son visage du sien et murmura à son oreille.

-Il ne nous reste même plus une heure à vivre, peut-être. Puisque nous risquons fort de mourir, laisse-moi t'embrasser une dernière fois en amoureux. Cela me consolera un peu de rendre mon dernier soupir si jeune.

Véronique regarda le garçon. Elle pleurait.

-Tu profites quand même un peu de la situation ? dit-elle d'une toute petite voix.

Puis elle se laissa embrasser tendrement.

Avec une petite note d'humour, malgré la situation dramatique, Christine demanda si elle n'était pas de trop, s'il ne fallait pas qu'elle s'éloigne. Elle se contentait de donner des bisous au chat…

Quand les amoureux cessèrent de se serrer dans les bras, la fumée se trouvait tellement proche que les enfants furent obligés de commencer à descendre les marches de l'escalier. L'eau les arrêta. Le temps égrainait ses minutes au rythme de leur peur.


Tout à coup, des ombres fantomatiques et terrifiantes apparurent dans la fumée verte. Trois êtres abominables, à tête triangulaire, le corps noir et luisant approchaient. Nos amis poussèrent un cri de terreur.

Les ombres sortirent de la fumée et ôtèrent leurs masques. C'étaient le vieux monsieur et deux policiers. Ils apportaient des combinaisons étanches que les enfants passèrent aussitôt.

Il n'existait ni masque ni protection pour le petit chat. Christine refusa qu'il soit sacrifié. Elle le serra contre son t-shirt et glissa la fermeture éclair de son scaphandre par-dessus.

Nos amis accompagnèrent les trois hommes à travers la fumée verte, vers le donjon où les parents de Véronique les attendaient avec Jean-Claude, toujours pieds nus. Tous retournèrent à l'auberge.


Les lumières brillaient dans la salle à manger de l'hôtel. Les deux jeunes, réveillés entre-temps, les parents de Véronique, les policiers et l'aubergiste écoutèrent les accusations des quatre amis. Puis, l'homme plus âgé prit la parole.

Il commença par reconnaître que les enfants avaient beaucoup d'imagination. Ensuite, il expliqua qu'ils n'étaient pas des voleurs, ni des trafiquants d'aucune sorte, mais des chimistes. Lui-même enseigne au M.I.T. de Boston, USA, et les deux jeunes étaient des étudiants. Tous trois suivaient un projet audacieux qui visait à améliorer la sécurité lors des feux d'artifice.

Ils créaient une poudre colorée qui, mélangée à d'autres substances, s'épanouissait dans le ciel. Ces fumées comportaient une variété infinie de couleurs. Sitôt en plein air, elles s'illuminaient en plus d'étincelles de toute beauté.

Cela correspondait tout à fait au spectacle que nos amis remarquèrent par trois fois dans la nuit et qui les intriguait tant.

Malheureusement, cette poudre redescendait ensuite vers le sol et, à cause des étincelles, devenait très toxique.

-Nous travaillons, continua le professeur, avec toutes les autorisations, à l'intérieur de ce château isolé où nous avons installé un laboratoire. Si nous réussissons à rendre la poudre inoffensive pour les humains et pour les animaux, les feux d'artifices, tels qu'on les lance actuellement, tomberont en désuétude et seront remplacés par cette merveilleuse poudre. Ce sera bien moins dangereux que ces pétards ou ces fusées qui explosent parfois trop tôt et blessent les artificiers, ou les brûlent souvent atrocement.


Jean-Claude, Philippe, Christine et Véronique revenaient de loin. Ils croyaient avoir affaire à des dangereux malfaiteurs. Honteux, ils présentèrent leurs excuses sincères.

Les trois chimistes, avec un parfait sens de l'humour, partirent d'un grand sourire, et tout se termina au bar de l'auberge, autour d'un verre de l'amitié, au milieu de la nuit.

Le professeur caressait son chat, monté sur ses genoux.

-Merci Christine! dit-il ému de le retrouver sain et sauf.

Nos amis achevèrent leurs vacances sur la plage et au pied des falaises, avec parfois un regard ému vers le château maudit qui avait bien failli devenir leur tombeau.