Les quatre amis
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Le Testament de Ourck le Corsaire

     Jean-Claude et sa sœur Christine étaient en vacances en Bretagne, dans cette si belle région du Morbihan, près de Belle-Ile-en-Mer et de Carnac, sur une petite île qui s'appelle Houat. Ils avaient reçu la permission d'inviter leurs amis préférés, Philippe et Véronique.

Les parents installèrent les tentes des enfants au bord de la plage. Ils placèrent celle des garçons et celle des filles l'une à côté de l'autre au sommet d'une petite dune.

Au matin, il suffisait d'ouvrir la fermeture Éclair, de sortir à quatre pattes, de rouler dans le sable et atterrir dans l'eau pour une bonne baignade. Le paradis, quoi...

Il faisait beau ce jour-là et nos quatre amis décidèrent de traverser l'île en suivant un sentier qui en fait tout le tour et d'aller découvrir l'autre côté, où se trouvent des falaises de vingt-cinq à trente mètres de hauteur. Ils portaient tous les quatre un short au-dessus de leur maillot, un t-shirt et des sandales de toile aux pieds.


Ils marchaient déjà depuis un bon moment, l'un derrière l'autre, bavardant parfois, faisant remarquer telle ou telle plante, un vol d'oiseau, un rocher escarpé, la couleur de l'eau qu'ils surplombaient, quand tout à coup, ils découvrirent une petite crique. Une étroite plage de sable, que cernaient à gauche et à droite les hauts rochers des falaises.

Aucun touriste ne semblait occuper cet endroit. Le sable était vierge de toute trace de pas.

-Regardez, cette petite anse, tout à fait déserte, cria Jean-Claude, qui marchait devant. Quelle magnifique aire pour nos jeux!

-Ça pourrait même devenir notre crique privée, ajouta Philippe.

Un petit sentier très escarpé menait jusqu'au bord de l'eau. Ils se mirent pieds nus et coururent sur le sable doux. Nos amis prirent un bain délicieux dans la mer turquoise, à cet endroit.

Tandis qu'ils nageaient, ils remarquèrent l'entrée d'une grotte, à droite, creusée dans la falaise. Elle semblait inaccessible, sauf à marée basse.


Ils revinrent donc en début d'après-midi.

Passant à pied sec à présent, ils entrèrent dans la grotte après avoir franchi quelques roches aux arêtes acérées et parfois couvertes d'algues glissantes. Malheureusement, elle apparut un peu décevante. Le sable au sol et les rochers au plafond se rejoignaient au fond de la caverne, dix mètres plus loin. En effet, cela montait très fort et la voûte descendait très vite.

Ils prirent le temps d'observer quelques coquillages, puis ils quittèrent cet espace sombre et retournèrent jouer sur leur plage.


Le lendemain, tous les quatre décidèrent de revenir à leur petit paradis.

Comme ils descendaient le sentier escarpé qui conduit à la crique, ils aperçurent un bateau, un petit yacht blanc, immobile à cinquante mètres environ de leur plage.

-Zut, maugréa Véronique. Il y a des gens.

Ils regardèrent le bateau attentivement. Ils virent un homme appuyé au bastingage. Il scrutait la falaise avec des jumelles.

-Vite, cachons-vous, commanda Christine. Si ça continue, il va nous voir.

-On ne fait rien de mal, fit remarquer Jean-Claude.

-Baissons-nous quand même, insista Véronique.

Ils se dissimulèrent derrière un rocher et observèrent une scène bien étrange.

L'homme, âgé d'une cinquantaine d'années environ, épiait attentivement toute la falaise. Deux plus jeunes, vingt ans peut-être, sortirent un canot pneumatique du bateau et le mirent à l'eau. L'un d'entre eux y monta. Ils chargèrent une caisse qui semblait lourde. Puis, ils ramèrent tous deux en direction de la grotte.

Ils s'y glissèrent et y restèrent trois ou quatre minutes, après quoi ils retournèrent au petit yacht avec le canot pneumatique, sans la caisse. Ils en chargèrent une autre large et lourde sur le zodiac et refirent leur manège une seconde fois. Ils quittèrent à nouveau la grotte après quelques instants puis rejoignirent le bateau. Ils y remontèrent et tirèrent le canot pneumatique à bord.

L'homme qui surveillait la falaise rangea ses jumelles. Il partit au poste de pilotage. Il remit le moteur du bateau en route et le yacht s'éloigna vers la haute mer.


Nos amis descendirent sur la plage et s'interrogèrent.

-Pourquoi observait-il la falaise ainsi ? réfléchit tout haut Jean-Claude.

-Je pense à des voleurs, proposa Véronique. Ils ont peut-être déposé leur butin dans la grotte. Ils s'asssuraient que personne ne les voyait.

-Oui, ou bien ce sont des contrebandiers. Et ils cachent des armes, imagina Jean-Claude.

-Un trafic de drogue, suggéra Christine.

-Peut-être des faux-monnayeurs, renchérit Philippe.

Les hypothèses allaient bon train. Au fur et à mesure que nos amis les avançaient, leur curiosité augmentait. Ils décidèrent d'aller voir ces fameuses caisses dans la caverne, en début d'après-midi.


Lorsqu'ils revinrent vers quatorze heures, ils entrèrent immédiatement dans la grotte. Mais ils ne trouvèrent strictement rien. Et aucune trace de pas sur le sable. Ça donnait l'impression que personne n'était venu là. Où les voleurs avaient-ils caché les caisses ? Les avaient-ils enterrées ?

Nos amis creusèrent le sable avec les mains de-ci de-là mais sans succès. Ils observèrent les parois de la grotte. Ils sondèrent ses murs, mais ne découvrirent aucune anfractuosité, aucun passage secret. 

Ils ne remarquèrent qu'une seule chose, au plafond, vers le milieu. Là, à deux mètres de hauteur, pendait une sorte d'anneau rouillé, suspendu à une barre de fer. 

Philippe se campa solidement sur ses pieds et proposa à son amie Véronique de se hisser sur ses épaules pour tenter d'atteindre l'anneau.

Aidée par Jean-Claude et Christine, elle monta d'abord sur les mains de son copain, puis sur ses épaules. 


Tendant ses bras vers le haut, la jeune fille atteignit l'anneau. Elle parvint à le faire tourner un peu sur lui-même de gauche à droite. Tirer ou pousser ne servait à rien.

-Il est tout rouillé, dit-elle. Ça bouge un peu, mais difficilement.

Elle reçut du sable de roche qui s'effritait sur la tête. Elle sauta sur le sol.

-Les parents nous attendent, rappela Christine. Venez. Demain, on reviendra fouiller tout ça à notre aise. Je me demande où se trouvent les caisses. 

-Ils ont peut-être creusé profondément dans le sable pour les enterrer, proposa Véronique.

-Pas possible, affirma Jean-Claude. Tu sais très bien que quand la marée est haute, creuser sous l'eau, est presque impossible. De plus, en apportant ces caisses, ils ne sont restés que quelques minutes.

-Ils sont peut-être venus les rechercher, suggéra Christine.

-Je ne crois pas, répondit Philippe. S'ils étaient revenus les prendre plus tard, on aurait vu leurs traces de pas, car à ce moment-là, à marée basse, le sable mouillé garde les empreintes.

-Oui, tu as raison. Mais alors, où se trouvent les caisses ?

-Il doit exister un passage secret, fit Jean-Claude, mais où? Et comment le découvrir ?


Ils revinrent donc le jour suivant plus tôt dans l'après-midi, de nouveau à marée basse. Ils entrèrent dans la grotte et marchèrent sur le sable humide. Aucune trace de caisse ou de pas. Ils fouillèrent soigneusement l'espace.

Ils emportaient une petite pelle avec eux. Ils creusèrent à de nombreux endroits, au hasard, sans succès. De nouveau, ils observèrent attentivement les parois de la grotte, mais ils ne découvrirent rien. Ils étaient tous les quatre à genoux près du fond, tournés vers le mur, quand ils entendirent une voix derrière eux.

-Vous cherchez quelque chose ?

Ils se retournèrent et virent trois filles. L'une d'entre elles avait leur âge, l'aînée, une plus jeune, d'environ cinq ans, et une plus petite de trois ans à peu près. La plus grande, pieds nus, portait un short usé, sans doute découpé par elle-même dans un vieux jean. Nos amis remarquèrent ses longs cheveux bruns et ses yeux très clairs. Son regard franc attirait la sympathie. Les deux plus petites portaient un maillot et des sandales en plastique. La plus grande reposa sa question.

-Vous cherchez quoi ?

Nos amis se regardèrent, s'interrogeant du regard. Christine fit un pas vers l'aînée.

-Je m'appelle Christine. Voici mon frère, Jean-Claude, ma copine Véronique et notre ami Philippe.

-Moi, je m'appelle Dominique. Elle c'est ma sœur Marion qui a cinq ans et Annick, trois ans. Nous habitons le village. J'ai aussi un grand frère, mais il travaille en mer sur un bateau de pêche.

Les présentations faites, les enfants s'observèrent un instant.

-Je vais t'expliquer, annonça Jean-Claude en rompant le silence. On a trouvé cette petite crique et on se proposait d'y passer quelques moments agréables. Et puis, avant-hier, nous avons vu un bateau et deux marins qui déchargeaient des caisses ici dans la grotte. On ne les retrouve pas. Nous sommes curieux. Nous pensons qu'il doit exister un passage secret mais nous ne savons pas lequel. On cherche depuis un moment, mais en vain. Tu connais  cet endroit ?

-Oui, j'y suis déjà venue une fois ou deux. Je n'ai jamais pensé à un passage secret, affirma Dominique. Mon grand frère non plus. Il travaille en mer avec un patron pendant les vacances, parce que depuis un an que notre papa est mort, maman passe ses journées sur le continent pour son boulot. On n'a pas beaucoup d'argent. Moi, l'après-midi je recouds des filets sur les quais du port. Ma grande cousine m'apprend. En plus, je garde les deux petites toute la journée. Maman part travailler tôt et revient tard. Mon frère a vu le bateau qui déchargeait les caisses. Il m'a dit de venir voir. Et nous voilà.

-On pourrait chercher ensemble, proposa Philippe. Plus on est nombreux, plus on a de chances de trouver. Que penses-tu de l'anneau, là au-dessus ?

-Tiens, murmura Dominique, je ne l'avais jamais vu.

-Tirer dessus ne sert à rien, expliqua Véronique. J'ai essayé.

-On voit parfois des vieux anneaux scellés dans la voûte d'une grotte. Ça servait à passer une corde pour attacher des bateaux à marée haute. Le marin revenait à marée basse et trouvait son embarcation la coque en l'air. Il pouvait alors la nettoyer, la débarrasser des algues collées, la repeindre. À la marée haute suivante, il repartait.

-Très ingénieux, commenta Christine.


Nos amis proposèrent de partager leur goûter avec Dominique et ses deux sœurs. Les petites furent ravies de dévorer les fruits et les galettes que nos amis apportaient et mangèrent de bon appétit. Leur grande sœur leur dit de ne pas se conduire comme des affamées alors qu'elles venaient de dîner à la maison.

-Mais c'est bon, dit en souriant la petite Marion.

-Elles ne sont plus très gâtées depuis la mort de papa, expliqua Dominique. On grignote à midi et on attend le retour de maman le soir pour le souper. Elle apporte parfois un gâteau de l'hôtel où elle travaille, quand il y a des restes.

-Je comprends, répondit Philippe. Tu dois travailler tous les après-midi ?

-Presque. Une fois que les bateaux de pêche reviennent, il y a toujours des filets déchirés. Je les recouds. Je gagne un peu d'argent.

Les quatre amis remarquèrent des blessures à ses doigts.

-C'est en les déroulant. Tu sais, ce n'est pas comme si tu recouds une chemise déchirée. Les cordes des filets sont rêches. On se fait mal parfois. On se blesse souvent à ce travail.

Nos amis se turent. Ils trouvaient Dominique drôlement courageuse. Ils avaient très envie qu'elle devienne leur amie... elle, et les deux petites, vives et souriantes.


Ils repartirent vers le village tous les sept, ensemble. Ils traversèrent le hameau. Quelques maisons, une centaine, et une petite auberge, l'Hôtel de la Sirène, un chemin qui descend vers le port, et là, un glacier et une crêperie.

Ils virent soudain deux hommes remontant du port. Ils reconnurent ceux qui déchargeaient les caisses avant-hier. Nos amis se cachèrent derrière un muret de pierres, les laissèrent passer, puis décidèrent de les suivre.

-Je les connais, affirma Dominique, je les ai déjà vus ces deux-là. Ils ne sont pas d'ici. Leur bateau est à quai dans le port. Il est presque tout au bout de la jetée près du phare. Un bateau blanc. Je vous le montrerai tantôt. 

Les deux hommes tournèrent au coin. Les enfants enjambèrent le mur et coururent jusqu'à l'angle de la rue. Ils suivirent les deux jeunes dans la ruelle et les virent entrer dans le jardin de l'hôtel de la Sirène. Ils rejoignirent le troisième de la bande, assis à une table, à l'ombre d'un arbre. Les amis reconnurent celui qui observait la mer avec les jumelles. Sa table était jonchée de papiers.

-Que font-ils ? demanda Philippe. Ils étudient des cartes, il me semble. 

-On dirait qu'ils cherchent quelque chose, murmura Christine.

Les enfants firent demi-tour et s'éloignèrent sans bruit.

-Moi, dit Dominique, il faut que j'y aille. Les premiers bateaux arrivent.

Elle prit ses petites sœurs par la main et se dirigea vers le port.

Nos amis retournèrent vers leurs tentes et se baignèrent. Plus tard, les parents leur proposèrent d'aller prendre une glace sur le port. Ils emportèrent l'argent et décidèrent de marcher jusqu'au quai. Ils virent leur amie, assise sur une borne. Elle recousait un filet. Ses petites sœurs la regardaient en se chamaillant.

-Si on se contente d'une boule de glace, dit Jean-Claude, on pourrait partager et en donner à Dominique, à Marion et à Annick.

-Bonne idée, accepta aussitôt Christine.

-D'accord, ajouta Véronique. Nous on a trop de chance de ne pas devoir passer nos vacances à travailler.


Ils allèrent sur la jetée en pierre qui protège les bateaux des grosses vagues de l'océan, et les tient à l'abri des tempêtes. Ils virent un garçon de treize ou quatorze ans qui déchargeait des caisses d'un bateau. Le grand frère de Dominique, probablement.

Puis, ils s'approchèrent de leur amie, assise au soleil et qui, avec du gros fil et une aiguille, recousait des filets. Dominique leva les yeux et leur fit un geste de la main. Ils lui répondirent de la même manière, pour ne pas la distraire.

-C'est pas très juste, dit Philippe en soupirant. Nous quatre, en vacances avec nos parents, on n'a qu'à se baigner, jouer. On se balade, on passe du bon temps. Lui, il doit décharger des caisses, travailler sur la mer. Dominique doit recoudre des filets pour gagner quelques sous. Ce n'est pas très juste, la vie…

-C'est vrai, répondit Jean-Claude. Raison de plus pour lui tenir compagnie.

Les amis s'approchèrent.

-Tu finis dans longtemps ?

-Oh, peut-être dans une heure ou deux, répondit la jeune fille.

-Ça te dirait de prendre une glace avec nous ?

Dominique regarda le garçon.

-Moi, je veux bien, dit Marion en souriant.

-On t'invite, lança Véronique.

-Vous êtes chics. Donnez-en à mes petites sœurs, moi je n'ai pas le temps maintenant.

-On va attendre que tu termines, déclara Philippe. Tu veux qu'on emmène les petites en promenade ?

-Merci, fit leur amie.

Nos quatre amis marchèrent jusqu'au phare avec Marion et Annick. Ils regardèrent le ciel, les bateaux, le soleil. Les petites filles couraient partout comme des jeunes chats. Une heure plus tard, leur grande sœur les rejoignit.

-Il n'y avait pas trop à faire aujourd'hui, dit-elle en arrivant.

Ils allèrent chez le glacier et s'arrangèrent pour prendre des petites glaces pour que chacun puisse en déguster une, sans qu'il en coûte davantage aux parents.


Tandis qu'ils mangeaient, Dominique leur expliqua son idée.

Elle raconta que dans l'église du village, assez ancienne, se trouve une peinture étrange sur un mur. Elle représente une grotte qui ressemble un peu à celle explorée au matin au pied de la falaise de la côte sauvage.

Elle voulut la leur montrer, mais l'église était fermée. Elle proposa de se retrouver le lendemain à neuf heures sur la place.

Philippe expliqua qu'assis sur les quais, ils avaient réfléchi tous les quatre et pensé qu'il serait utile d'aller visiter le bateau des bandits. Pas pendant la journée, parce qu'ils pourraient arriver à n'importe quel moment et les surprendre, ou les voir depuis les fenêtre des chambres de l'hôtel de la Sirène situé au bord de la falaise, mais de nuit.

-Mais s'ils dorment sur leur yacht, s'inquiéta leur amie.

-Ils logent à l'hôtel, je pense, dit Jean-Claude.

-Oui, ça paraît logique, fit Christine.

-Je propose de venir à dix ou onze heures du soir, reprit son grand frère. Mais au lieu d'aller sur la jetée, éclairée par des réverbères, on pourrait passer par la plage et nager jusqu'au bateau. Cela nous fera une petite centaine de mètres. On monte sur le yacht par l'échelle, enfin, un ou deux d'entre nous. On va voir si l'on découvre quelque chose, puis on part par où on est venus.

-D'accord, vous avez une bonne idée, confirma Dominique.

-Tu nous accompagnes ?

-Oui, je viendrai. Mais vous savez bien nager ?

-Oui, quand même, assurèrent les autres.

-Parce qu'il y a du courant. Il vaudrait mieux se retrouver à minuit d'ailleurs, entre marée montante et descendante. Il y aura moins de danger. Vous savez, si la mer nous attire, on peut être bonne nageuse, prise dans le courant, on ne peut pas lutter contre lui.

-Ah bon, s'inquiéta Véronique. Heureusement que tu nous préviens.

-Rendez-vous à minuit ?

-D'accord. À minuit sur la plage, là, près du rocher pointu tout noir, tu le vois ?


Vers onze heures et demi du soir, nos amis quittèrent les tentes. Les garçons vêtus d'un vieux short. Les filles avec un t-shirt au dessus de leur maillot car il faisait frais. Tous les quatre avec des sandales aux pieds.

Ils longèrent la plage et parvinrent vers minuit moins dix au lieu du rendez-vous. Ils attendirent leur amie. Elle arriva vers minuit moins une, comme tantôt, pieds nus, avec son short en jean usé.

-On y va ?

-Oui d'accord, souffla Dominique.

-Tu n'as pas mis ton maillot? demanda Véronique.

-Non, je vais comme ça, dit-elle. Ça sèche après. Je vous préviens, l'eau paraît plus froide la nuit. 

Nos amis ôtèrent les t-shirts et se mirent pieds nus. Ils entrèrent dans l'eau sans bruit. Puis nageant la brasse tous les cinq pour ne pas se faire repérer, la brasse crée moins de remous que le crawl, ils s'approchèrent du  bateau.

On voyait très bien la jetée et ses lampes tous les vingt mètres. Le phare allumé, éclairait tantôt la mer, tantôt le port, en tournant. Des reflets de lumières luisaient sur les bateaux qui bougeaient doucement au rythme des vagues.

-C'est celui-là je crois, désigna Christine.

-Oui, pas de bruit, murmura Jean-Claude.

La jetée était déserte. Nos amis arrivèrent en vue du yacht des bandits. Une échelle de fer bien accrochée descendait dans l'eau à l'arrière.

-On ne monte pas tous, conseilla Philippe.

-Jean-Claude, tu viens avec moi ? proposa Dominique.

-D'accord, répondit le garçon.

Il se hissa sur l'échelle. Il se secoua un peu pour ne pas laisser trop de traces d'eau derrière lui et passa sur le pont du bateau. Dominique le suivit et fit de même. Les trois autres restèrent dans l'eau.

-Si vous voyez arriver quelqu'un, vous autres, appelez ou sifflez, demanda Jean-Claude.

-Tout de suite, promis, dirent-ils à l'unisson.


Philippe, Véronique et Christine, enfoncés dans l'eau jusqu'au cou, observaient les lieux. Véronique grelottait et claquait des dents.

-Tu as peur ? demanda son amie.

-Non, j'ai froid. J'ai très froid.

Philippe détacha une de ses mains du bord de l'échelle où il se tenait et prit sa copine contre lui.

-Je vais te réchauffer. J'ai vu ça au cinéma.

Il lui fit un petit bisou en la serrant contre lui.

-Toi, fit Véronique en souriant, tu profites toujours des circonstances.

-Il faut savoir profiter des circonstances, affirma le garçon.

Tandis qu'il gardait son amie contre lui, il ne fit guère attention et ne vit pas trois hommes qui se dirigeaient vers le phare, marchant d'un pas rapide.

-Regardez, chuchota Christine, quelqu'un vient. Il faut avertir les autres.

-Trop tard pour les appeler, cela va faire trop de bruit, décida Philippe.

Il se hissa hors de l'eau rapidement et monta par la petite échelle.

-Eh ! Les copains, oh !

-Oui, répondit Dominique.

-Vite, venez, trois hommes s'approchent.

Plus le temps de descendre par les échelons. Jean-Claude et Dominique se placèrent sur le bord du bateau et plongèrent. Tous les cinq retraversèrent le bras de mer et retrouvèrent la plage.

En se retournant, ils s'aperçurent que les trois jeunes ne bougeaient pas. Ils bavardaient entre eux. Ce n'étaient d'ailleurs pas ceux à qui le bateau appartenait.

Arrivés sur le sable, Jean-Claude expliqua qu'en fait, ils n'avaient rien vu d'intéressant sur le yacht. Aucune trace d'armes, ni indice pour confondre les voleurs.

-Rendez-vous demain à neuf heures devant l'église ? proposa Dominique.

-D'accord.

Elle embrassa ses nouveaux copains. Ils retournèrent par la plage, tandis qu'elle remontait directement au village. Tous tremblaient de froid.


Le lendemain matin vers neuf heures, tous les sept, car maintenant Marion et Annick étaient de la partie, se trouvaient devant l'église. Ils y entrèrent ensemble. Une grande bâtisse un peu sombre, en jolies pierres du pays. Comme souvent dans les villages au bord de la mer, la charpente du toit ressemblait à la coque d'un navire renversé.

-Regardez, voici la peinture que je voulais vous montrer.

C'était un tableau un peu naïf, peint directement sur le mur. Le bas représentait une caverne. On y apercevait pas mal de gens dessinés. Des hommes, des femmes et des enfants. Le haut comportait deux grottes, une à gauche et une à droite. À droite, des petits anges chantaient, à gauche, des petits diables cornus dansaient.

-Regardez, le plafond de la caverne inférieure, dit Dominique. Un anneau est peint, tout à fait semblable à celui de celle que nous avons explorée à la côte sauvage.

-Oui, tu as raison, répondit Jean-Claude.

-Cela donne à penser qu'il y aurait deux salles invisibles au-dessus de notre grotte, fit Christine en réfléchissant tout haut. Le ciel à droite et l'enfer à gauche. Mais comment utiliser cet anneau pour y monter ?

-Je pense que l'explication est inscrite en-dessous, dit Philippe. Mais je ne la comprends pas, ce n'est pas du français.

-Peut-être du breton ? suggéra Christine.

-Non, répondit Dominique, ce n'est pas du breton.

-Vous avez raison, affirma une voix derrière eux, ce n'est pas du breton, mais du latin.


Ils se retournèrent et virent le curé, qui en Bretagne s'appelle un recteur. Il s'approcha des enfants.

-Bonjour Dominique, bonjour petite Marion, salut Annick. Et vous quatre, vous êtes des vacanciers?

-Oui, monsieur le recteur, répondit Véronique.

-Très bien. Ainsi vous visitez mon église ?

-Je les ai amenés, fit Dominique, pour leur montrer la peinture.

-Bonne idée. Ce tableau allégorique date de la fin du Moyen Âge, l'époque où l'on a construit l'église. Cette peinture, un peu naïve, représente la terre, le ciel et l'enfer. Remarquez que contrairement à ce que l'on peint d'habitude, ici, le ciel et l'enfer se trouvent côte à côte. 

-Et comment va-t-on au ciel ou en enfer, monsieur le recteur? demanda Jean-Claude.

-Facile, mon gars, répondit-il. C'est écrit en latin. ‘'Si tu tournes l'anneau trois fois vers la droite et deux fois vers la gauche, tu vas au paradis, si tu tournes l'anneau vers la gauche trois fois et vers la droite deux fois, tu vas en enfer''.

-Ça veut dire quoi ? demanda Marion, du haut de ses cinq ans.

-Cela veut dire, petite fille, que si dans ta vie tu fais plus de bonnes œuvres que de mauvaises, tu iras au paradis et si tu fais plus de mauvaises œuvres que de bonnes, tu iras en enfer. Allez les enfants, profitez des vacances. Tâchez de faire de bonnes œuvres.

Tous remercièrent monsieur le recteur et sortirent de l'église.

-Moi, je crois, affirma Christine, que si on fait tourner l'anneau de notre petite grotte comme c'est décrit sur le tableau, on découvrira le passage secret.

-Tu as le temps de nous accompagner, Dominique? demanda Philippe.

-Oui, je ne dois travailler que cet après-midi.

-Allons-y, tous.

-D'accord.


Nos amis passèrent par les tentes, prirent quelques provisions pour le repas de midi, un peu à boire et enfermèrent tout cela dans un sac à dos. Puis, ils se dirigèrent vers leur petite plage. Ils posèrent le sac sur le sable et nagèrent vers la grotte. La marée basse, c'est l'après-midi.

Cette fois-ci, Jean-Claude servit de socle. Il fit la courte échelle à Dominique qui, sous le regard des autres, monta sur ses épaules. Elle saisit l'anneau.

-Bon, on commence par le paradis? Je tourne trois fois vers la droite et deux fois vers la gauche ?

-Oui, répondirent-ils en chœur.

Elle bougea la poignée trois fois vers la droite.

-Ça ne va pas plus loin, dit-elle.

Puis elle la fit revenir dans l'autre sens deux fois.

Ils entendirent un grondement. La jeune fille sauta dans l'eau, qui leur arrivait au ventre. Les enfants reculèrent et le rocher, glissant grâce à un mécanisme très ancien sans doute, fit apparaître une ouverture béante à la voûte de la grotte. Une échelle en fer descendit. Elle se terminait à un mètre du sol.

Ils la saisirent et montèrent à tour de rôle. Les deux petites filles ne voulaient pas rester seules dans la grotte du bas. Les garçons les soulevèrent et les placèrent sur les premiers échelons de l'échelle. Elles grimpèrent agilement et entrèrent dans l'espace supérieur avec les autres.

Très vite, un grincement se produisit. Véronique se précipita vers un levier en bois, voyant que la porte par laquelle ils venaient d'entrer se refermait. Elle actionna le manche et réussit ainsi à sa guise à ouvrir ou fermer l'accès.

Se sentant en sécurité, ils laissèrent le passage se refermer derrière eux.

L'endroit leur apparut sombre, froid, et décevant. Une petite caverne qui ne contenait rien à part deux caisses, celles des bandits à coup sûr.

-Eh bien, si c'est ça le paradis. J'espérais mieux, commenta Christine.

-Moi, je pensais qu'il y ferait moins froid, ajouta Véronique.


Les petites filles frissonnaient torse nu dans leur maillot. Les garçons, courageux, leur passèrent leurs t-shirts. Tous étaient pieds nus.

Ils observèrent les lieux attentivement puis ils se dirigèrent vers les caisses.

Christine sortit un canif de la poche de son short et tenta d'ouvrir l'une d'entre elles. Marion et Annick jouaient un peu plus loin dans la grotte.

Notre amie parvint à dégager le couvercle et ce qu'ils aperçurent confirma leur impression à tous. Des bandits cachaient ici différents instruments. Une sorte de longue-vue qu'on pouvait peut-être visser sur un fusil, et des curieux appareils. Ces gens semblaient drôlement bien outillés, des professionnels certainement. Cela les rendait d'autant plus redoutables.

-Bien, affirma Jean-Claude, parfait. Mais avant de sortir, essayons de découvrir l'enfer. Il y fera peut-être plus chaud.

-Oui, dit Dominique, parce qu'ici, on gèle.


Ils cherchèrent pour trouver l'entrée, mais ne décelèrent pas d'autre passage.

Tout à coup, Marion, qui escaladait un rocher, car elle venait de remarquer une petite anfractuosité, et voulait y glisser ses mains, les appela.

-Venez ici, je vois un autre anneau.

Tous se précipitèrent. Marion montra une seconde poignée tout aussi rouillée que la première, mais tellement bien dissimulée que sans la curiosité de la petite fille, on ne l'aurait jamais trouvée. Véronique la saisit.

-Je fais quoi ?

-Eh bien, essaie de nous ouvrir l'enfer. Trois tours à gauche, deux à droite, proposa Christine.

Véronique tourna l'anneau, une fois, deux fois, trois fois vers la gauche.

-Ça ne va pas plus loin.

-Essaie dans l'autre sens, suggéra Jean-Claude.

Un tour, deux tours.

-Attention, ça bouge, s'inquiéta Dominique.

Ils entendirent de nouveau des bruits sourds. Une fente à peine visible s'élargit. Une nouvelle caverne apparut, aux yeux ébahis de nos amis.


Ils entrèrent. Philippe repéra le levier qui permettait d'ouvrir et de clore le passage à sa guise. Parfait. La grotte de l'enfer se referma derrière eux. 

Ils observèrent quelques vieux meubles, une table, trois coffres, un bahut, une horloge, une haute armoire. Ils aperçurent quelques pièces d'or sur le sol, des doublons espagnols. Un des coffres était éventré, mais rempli de bouteilles, des vieilles bouteilles de rhum.

-Incroyable, les amis. L'enfer me semble drôlement plus intéressant que le paradis, déclara Philippe.

-Extraordinaire, balbutia Jean-Claude.

-On vient de faire une découverte fantastique, ajouta Christine.

Bien entendu, l'horloge était arrêtée. Les armoires, très abîmées, contenaient des vêtements, mais qui tombaient en poussière dès qu'on les touchait. Ils virent des vieux livres, hélas en très mauvais état, car rongés par l'humidité. Dans un autre coffre ils découvrirent des sabres et des mousquets, ces revolvers d'autrefois qu'utilisaient les pirates.

-Nous nous trouvons dans la cache d'un flibustier ou d'un corsaire, supposa Dominique.

-Oui, je le pense aussi, ajouta Véronique.

-Ici, encore quelques pièces d'or. Et là, quelques pierres précieuses, dirait-on. Elles sont belles, commenta Christine.


Philippe s'assit dans un fauteuil, à la table du pirate.

-Regardez ce que j'ai trouvé dans le tiroir.

C'était un vieux parchemin, un texte encore lisible, écrit d'une écriture malhabile.

"Ceci est mon testaman. Moi, Ourck, le corsère, à toi, pilleur de trésor salu !"

-C'est plein de fautes, remarqua Dominique. Ourck le corsaire n'est pas allé bien longtemps à l'école, il me semble.

"Tu vas mourrir riche. Mourrir car tu es enfermé. riche car je le suis. ma vie fut avantureuse.

"A vingt ans, j'eux la main coupé et de l'or. A trante ans, j'eus la jambe écrasée antre deu coqe de navire lor d'un abordage et des rubi et des émorodes. A quarente ans, j'eus l'oeil crevé lors d'un duel avec Buck le pirate et des diaments.

"C'est à toi ! Tu ne mourra pas de soif, car tu as des tonneau de rhom, mais de faim. a moins qu'au treizième cou de minuit, je vienne moi-maime te crevé un oeil.

A bientôt, ensamble en enfer. Ourck."

-Ça alors !

-Eh, mais, cria Philippe, il affirme qu'on est enfermés. Il se trompe. 

Il courut près du levier repéré en entrant. Il l'actionna. Le bâton, à moitié scié, céda et lui resta dans les mains.

Le pirate empêchait tout retour en arrière. Nos sept amis étaient enfermés dans la grotte comme Ourck le corsaire l'annonçait dans son testament.


Marion et Annick commencèrent à pleurer. Dominique les prit toutes les deux contre elle et caressa leurs cheveux.

-On ne va pas rester prisonnières longtemps, les filles. Ne vous inquiétez pas. Avec nos amis, on va trouver une solution et sortir d'ici. Ou bien quelqu'un viendra nous délivrer.

-J'ai faim, gémit Annick.

-Moi aussi, supplia Marion.

Le sac à dos était resté sur la plage. 

-Pour le moment, il n'y a rien à manger, expliqua la grande sœur. Il faut un peu de courage. Vous n'êtes plus des toutes petites filles. Ne pleurez plus. Cherchez plutôt. Toi Marion, tu as bien découvert l'entrée, pourquoi ne trouverais-tu pas la sortie? Allez, au travail. Pensez à autre chose qu'à manger.

Ils fouillèrent méticuleusement tous les recoins de la grotte. Ils déplacèrent les coffres, vidèrent les armoires, sondèrent les murs, hélas sans succès.


Tout à coup, Véronique proposa de tourner prudemment les aiguilles de l'horloge. Quelle idée géniale! Ils déplacèrent la plus petite de une à douze heures mais rien ne se produisit.

Ils cherchèrent encore dans les armoires, derrière les meubles, mais ne découvrirent rien. Tous les efforts étaient vains... Ils tentèrent de nouveau d'actionner le levier, mais sans réussir à ouvrir la porte d'accès. La grotte de l'enfer était soigneusement refermée.

-On risque de devoir passer un temps ici, soupira Philippe.

-Oui, craignit Christine. Personne ne sait où nous nous trouvons.

-Ce soir, maman va revenir à la maison, songea Dominique. Elle va s'inquiéter.

-Et mes parents aussi, enchaîna Jean-Claude. S'ils viennent jusqu'à cette plage, ils découvriront notre sac à dos et les chaussures. Ils iront peut-être dans la grotte. Remarqueront-ils l'anneau ? Penseront-ils à établir le lien avec la peinture qui se trouve dans l'église ?

-Seuls les bandits connaissaient ce secret, à part nous, fit remarquer Véronique. Ils sont notre seul espoir...

-Et encore, ajouta Philippe. Il faut qu'ils découvrent l'anneau de Marion pour venir nous rechercher en enfer. S'ils l'avaient aperçu, l'or et les bijoux d'Ourck le corsaire ne seraient plus ici.

-Mon Dieu, on va attendre longtemps j'ai l'impression, mes amis, murmura Dominique.

Tous se regardèrent. Ils commençaient à avoir drôlement faim et il ne faisait pas chaud du tout dans cet enfer.


-Pourtant, songea Philippe tout à coup, il y a moyen de sortir d'ici.

-Comment le sais-tu ? demanda Dominique.

-Je l'affirme parce qu'Ourck le corsaire n'est pas mort dans cette pièce. Donc, il y a une sortie.

-Comment sais-tu qu'il n'est pas mort ici ? s'étonna Véronique.

-S'il était mort dans cette grotte, on aurait découvert son squelette.

-Tu as raison, déclara Jean-Claude. Mais où se cache-t-il ? Et comment trouver la sortie ?

-Philippe, aide-nous, encouragea Véronique. Tu inventes toujours des solutions.

-Hélas, murmura Philippe, la faim m'empêche de penser. Mais peut-être que si je recevais un bisou de mon amie, ça m'aiderait à réfléchir.

-Oh, toi, ne recommence pas, se fâcha notre amie.

-Tant pis, déclara Philippe. Cherchons encore. On trouvera bien quelque chose.

Les enfants retournèrent au mécanisme pour la dixième fois. Ils déplacèrent encore les coffres et les armoires. Ils sondèrent les murs. Pas un centimètre carré ne fut laissé au hasard.


Le soir allait tomber. Nos amis affamés grelottaient. Les petites pleuraient à nouveau. Les aînés tentaient de les consoler comme ils pouvaient.

Philippe, assis à terre, regardait l'horloge.

-Que fais-tu ? demanda Véronique en s'approchant de lui. On se remue tous et toi tu restes assis à ne rien faire.

-Je fais ce qu'on me demande, je réfléchis.

-Tu réfléchis à quoi ?

-Au testament d'Ourck le corsaire. Relis-le. "Tu ne mourra pas de soif, car tu as des tonneau de rhom, mais de faim, a moins qu'au treizième cou de minuit…''. Il se passe quelque chose à minuit, donc en rapport avec l'horloge.

-Elle est arrêtée depuis longtemps. J'ai tourné les aiguilles en arrivant. Cela n'a servi à rien, dit Véronique.

-Mais bien sûr ! s'exclama Philippe. Évidemment ! 

Les autres le regardèrent, étonnés.

-Il ne suffit pas de tourner les aiguilles, les gars, il faut la faire sonner. Depuis trois ou quatre cents ans elle est arrêtée. Le mécanisme est à plat. Il faut le remonter.

Fouillant encore le meuble, ils découvrirent le système fonctionnant avec des poids et des chaînes comme dans les vieilles horloges. Ils levèrent ces poids en tirant sur les chaînes. Cela fit un bruit de roues dentées. Ils mirent le balancier en route.

Puis cette fois, en déplaçant les aiguilles, ils entendirent des ‘'dong'' graves et nets, à chaque passage de la petite aiguille sur l'heure. Elle sonna une fois à une heure, deux fois à deux heures, et ainsi de suite, jusqu'au onze.

Philippe se tourna, cherchant l'approbation des autres, puis il avança doucement l'aiguille. À douze heures précises, l'horloge sonna dix fois, onze fois, douze fois, treize fois !

Au treizième coup, ils entendirent un craquement sinistre dans le meuble. Un panneau glissa et un sabre tendu depuis des années par quelques câbles ou quelques cordes, fut projeté avec une force incroyable vers la tête du garçon qui se trouvait devant l'horloge.

Jean-Claude, ayant soudain compris le piège, se jeta sur son copain et le fit rouler sur le sol. Le sabre traversa la pièce et alla se planter dans un mur au fond de la grotte.

-Tu me sauves la vie, murmura son copain.

-J'épargne ton œil, en tout cas, mon ami. Ourck le corsaire tient parole. Il a tenté de te crever un œil à minuit. Heureusement sans mal.

-Par contre, ça ouvre un passage, cria Véronique. Philippe, tu as trouvé la sortie. Tu es génial.

Elle sauta au cou de son copain et l'embrassa.


Le souterrain qu'ils suivirent tous ensemble, marchant à quatre pattes, l'un derrière l'autre, menait à une petite fissure qui s'ouvrait sur la mer à une hauteur de près de dix mètres.

Nos amis regardèrent. Les vagues de l'Atlantique venaient se fracasser au pied de la falaise.

-Tu crois que c'est profond, ou que des rochers affleurent ? demanda Christine.

-Il n'y a pas de rochers à cet endroit, affirma Dominique. On peut plonger, mais c'est très haut. Mes petites sœurs n'oseront jamais.

-On va sauter tous, promit Jean-Claude, tous et ensemble. Moi, je prends Marion sur mon dos. Tu veux bien?

-Oui, fit la fillette en souriant.

Elle grimpa sur le dos du garçon.

-Tiens- moi bien, petite Marion. Ne me lâche pas.

-Non, je te fais confiance.

Jean-Claude sauta à l'eau. Il fit un ‘'plouf'' retentissant puis se dirigea vers la plage. Marion nageait à côté de lui et drôlement bien et vite.

Christine prit Annick. Elle n'avait que trois ans.

-Ta petite sœur, sait-elle nager ?

-Bien sûr, répondit Dominique. Nous sommes des filles de marin. On apprend à nager avant de savoir marcher, nous autres. Ne t'en fais pas, elle se débrouille aussi bien que toi.

Christine, très sportive, sauta avec la petite sur le dos. Les autres suivirent à tour de rôle. Ils allèrent en direction de la plage.


Ils retrouvèrent leur sac à dos, se précipitèrent sur les provisions qui se trouvaient là et sur les fruits, prévus pour midi. Ils les mangèrent de grand appétit. Puis, ils retournèrent au village.

Les quatre amis croisèrent les parents de Jean-Claude et Christine qui chechaient après eux et tous accompagnèrent Marion, Annick et Dominique chez leur maman qui les attendait, inquiète de ne pas les trouver à la maison.

Ils se rendirent ensuite au port et appelèrent le policier du village. Écoutant le récit de nos amis et entendant parler des trois bandits, il préféra appeler du renfort sur le continent.

Une vedette de gendarmerie arriva trois quarts d'heure plus tard, accompagnée d'une dizaine d'intervenants et d'un inspecteur.

Ils se précipitèrent aussitôt en cortège vers l'hôtel de la Sirène où se trouvaient les trois bandits. Ils furent rapidement appréhendés. Et tout le monde s'expliqua au poste.

Surprise ! Les trois hommes n'étaient pas des voleurs! Le plus âgé, professeur d'histoire à l'université de Paris accompagnait deux de ses étudiants. Ils faisaient des recherches sur l'île suite à une thèse des deux jeunes.

Ceux-ci avaient découvert dans des documents anciens qu'un corsaire nommé Ourck cachait un trésor sur l'île vers les années 1650. Le professeur et ses deux élèves avaient entrepris des fouilles à divers endroits mais sans succès. Puis ils remarquèrent la peinture dans l'église et traduisirent le texte latin. Ils orientèrent leurs recherches vers cette grotte dont parlent les marins, et découverte par les enfants.

Stoppés dans les fouilles à la grotte du paradis,  sans réussir à passer dans celle de l'enfer, ils apportèrent deux caisses de matériel destinées à sonder les murs. Mais nos amis, grâce à Marion les avaient précédés à la grotte de l'enfer et au trésor.

Aux enfants revenait l'honneur d'avoir mis à jour cet incroyable repère d'Ourck le corsaire. Guidés par eux, tous se rendirent le lendemain à la cache du pirate. On emporta les pièces d'or, les pierres précieuses et tous les objets au village. Le bénéfice appartenait à nos sept amis.

Les enfants se partagèrent une forte somme. Unanimement, les quatre amis remirent leur part à Dominique, estimant qu'elle en avait plus besoin qu'eux.

Ils passèrent ensuite des vacances merveilleuses, avec leur amie et son grand frère. Dominique et lui ne durent plus travailler. Le jeune homme emmena souvent nos amis et ses petites sœurs pour de grandes randonnées en mer. Ce furent des vacances d'été merveilleuses, riches d'amitié et d'aventures.