Magali
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Les huit hérissons

     Magali jouait depuis une heure chez elle quand soudain elle se dirigea vers la fenêtre pour regarder dehors. Elle aperçut des hérissons qui marchaient en file, comme un petit train, le long du champ de blé.

Elle en compta huit.

- Où vont-ils? se demanda-t-elle.

Elle quitta son poste d'observation, traversa sa chambre et descendit l'escalier. Elle ouvrit la porte de la cuisine et courut au fond du jardin. Elle poussa la barrière et s'approcha des huit petits animaux.

- Où allez-vous? dit-elle au premier.

- Nous cherchons un pont pour traverser la rivière.

- Pourquoi?

- Nous ne savons pas nager. Or, de l'autre côté se trouve un grand arbre au pied duquel les fourmis ont construit une fourmilière. Nous aimons manger des fourmis. Peux-tu nous aider?

Magali, très gentille, les accompagna jusqu'au bord du ruisseau.

Là, elle se mit pieds nus. Puis elle les prit un à un entre ses mains et les fit traverser.

- Merci, dirent les huit hérissons. Merci beaucoup.

Ils s'éloignèrent vers la fourmilière.

Notre amie retourna jouer dans son jardin.

 

Quelques instants plus tard, elle vit arriver son ami, l'écureuil aux yeux très doux.

- Que se passe-t-il? demanda Magali.

- Un grand malheur! Tes amis, les huit hérissons, sont tombés dans un trou et ils ne réussissent pas à en sortir.

- Comment ça?

- Ils se sont approchés de la fourmilière et sont montés dessus. Mais cet endroit est abandonné par les fourmis depuis longtemps. Il n'en reste plus une seule. Et toute la construction s'est écroulée. Ils pleurent au fond d'une crevasse profonde, les anciens tunnels de la fourmilière.

- Je viens avec toi, répondit la fillette. Je vais les aider à sortir de là.

 

Magali retourna près du ruisseau et le traversa en compagnie de l'écureuil aux yeux très doux.

Les huit hérissons tournaient en rond au fond de l'effondrement. Impossible pour eux d'en sortir.

Notre amie se mit à genoux, se pencha et les saisit un à un. Elle les posa au pied du grand arbre.

- Merci! dirent les huit petits animaux. Nous avons découvert une balle noire au fond de cette ancienne fourmilière. Une balle magique! Si tu la lances à un animal, il devient tout d'un coup très grand. Tu la veux?

Elle se pencha à nouveau et attrapa la balle noire.

- Merci, dit-elle avec un grand sourire. Je crois que je vais bien m'amuser. Tu joues avec moi, écureuil aux yeux très doux?

Elle lui lança la balle.

 

L'écureuil la saisit et devint aussitôt grand comme un mouton.

- Viens sur mon dos, dit-il à Magali. Je peux te porter à présent. Je t'emmène au sommet du plus grand arbre de la forêt.

Notre amie s'assit sur le dos de l'animal et lui passa les bras autour du cou. Il bondit de branche en branche jusque tout en haut de l'arbre.

Magali découvrit là-haut tout le paysage qui l'entourait, jusque bien loin : les maisons du village d'un côté, le clocher de l'église, et le vert des grands bois de l'autre. Quel bonheur!

Puis l'écureuil aux yeux très doux reconduisit la petite fille dans l'herbe au fond du jardin.

 

Elle s'éloigna et passant près de l'étang elle s'arrêta un instant entre les roseaux. Elle se pencha pour observer les poissons. Elle n'en vit pas, mais une grenouille verte s'approcha.

Magali lui lança la balle noire.

La grenouille grandit, grandit, grandit, et devint presque aussi grosse qu'un bœuf.

- J'ai toujours rêvé de devenir comme ça, dit-elle. Merci!

Puis elle sauta dans l'étang.

Cela fit un « plouf » énorme, et notre amie fut éclaboussée de la tête aux pieds par les remous causés par cet énorme animal.

Elle se mit à rire aux éclats en se voyant ainsi trempée.

 

Elle courut vers le champ de blé.

Le gentil lapin, son grand ami, s'approcha.

Notre amie lui lança la balle noire.

En moins d'une minute, le lapin se retrouva grand comme une chèvre!

- Quel bonheur! dit-il. Viens que je te serre contre moi. Je peux te faire un câlin à présent. Je suis aussi grand que toi.

Et Magali profita d'un doux moment, blottie entre les pattes de son ami de toujours.

 

Ensuite, elle se dirigea vers la prairie et s'approcha de l'arbre qui abrite le nid de la jolie pie qu'elle connaît bien.

Elle l'appela trois fois.

- Jolie pie! jolie pie! jolie pie!

- Oui, que veux-tu?

- Tiens, attrape cette balle.

Magali la lui lança.

La pie grandit en un instant. Elle ressemblait à un aigle des montagnes à présent.

- Génial, dit-elle. Viens sur mon dos, je t'emmène faire un tour.

Notre amie s'envola en se tenant au plumes de l'oiseau. Ils passèrent au-dessus des toits des maisons, contournèrent le clocher de l'église, firent tout un tour au-dessus des bois, puis revinrent se poser dans le jardin de la fillette.

- Merci, jolie pie, dit Magali. Je me sentais comme dans un avion.

 

Marchant vers la porte de la cuisine, elle aperçut un lézard qui montait sur le mur. Elle lui lança la balle noire.

L'animal devint grand comme un crocodile. Un gentil crocodile.

- Viens, accroche-toi à mes écailles, dit-il. Je te conduis sur le toit de ta maison. Tu verras comme c'est joli, là-haut.

Ils escaladèrent même la cheminée.

Magali admira la vue. Les toits des maisons dont les tuiles brillaient au soleil et la forêt qui frissonnait au vent au loin.

Puis ils redescendirent près de la haie. L'animal s'éloigna doucement. Il semblait hésiter.

 

- Tu es content d'être devenu un grand lézard? demanda la fillette.

- Sapristi, non! dit-il. C'était amusant un moment, mais je voudrais me retrouver comme avant.

Aussitôt le lézard redevint petit.

Magali comprit ainsi que la formule magique à dire pour reprendre sa taille d'avant était : Sapristi, non.

- Ce n'était pas drôle d'être si énorme, ajouta le lézard. Je suis plus souple et plus rapide maintenant. J'attrape des mouches du premier coup. Si grand, quand je m'en approchais, elles s'envolaient.

 

La jolie pie, qui ressemblait à un aigle, se posa près de notre amie.

- Je suis trop grande, dit-elle. Mon nid me semble si petit à présent. Je ne peux plus m'y réfugier. Je voudrais retrouver ma taille d'avant.

- Pour cela, expliqua Magali, tu dois dire : Sapristi, non.

- Sapristi, non! lança la jolie pie.

Aussitôt, elle redevint la petite pie que notre amie connaît bien.

- Merci, dit-elle en s'envolant vers son nid.

 

Le gentil lapin s'approcha de notre amie. Il avait des larmes aux yeux.

- Je ne peux plus entrer dans mon terrier. Je suis devenu beaucoup trop grand. Je n'ai plus de maison.

- Tu dois dire la formule magique, expliqua Magali. Répète après moi. Sapristi, non.

- Sapristi, non! murmura le gentil lapin.

Il retrouva aussitôt sa taille normale et son mignon sourire.

- Merci, lança-t-il en repartant.

 

Boum! Boum! Boum!

L'énorme grenouille arriva en sautant.

Elle faisait vibrer le sol à chacun de ses bonds.

- Petite fille, rends-moi ma taille d'avant, s'il te plaît. Je suis bien trop énorme, à présent. Il n'y a pas assez d'eau dans mon étang. Impossible d'y nager. Et je fais peur aux poissons et aux canards. Ils se sauvent tous en me voyant. Ils me prennent pour un abominable monstre.

- Tu dois dire la formule magique : Sapristi, non.

- Sapristi, non! fit la grenouille.

Elle redevint comme avant en moins d'une minute.

- Je ne dirai jamais plus que je veux devenir aussi grosse qu'un bœuf, promit-elle en partant.

 

L'écureuil aux yeux très doux s'approcha de notre amie.

- Tu sais, dit-il, ce n'est pas drôle d'être si grand. Quand je saute d'arbre en arbre, beaucoup de branches cassent sous mon poids. Et mon nid me semble minuscule.

- Tu dois dire : Sapristi, non, fit Magali.

Aussitôt, l'écureuil aux yeux très doux redevint le petit animal qu'il était une heure avant.

 

Notre amie revint à la maison et entra dans le salon. Polipilou somnolait sur le canapé.

- Toi, tu me donnes une idée, dit-elle tout bas pour ne pas le réveiller.

Elle fit rouler la balle noire contre lui.

Aussitôt, il se transforma en un chat géant de la taille d'un tigre.

- Génial, dit Polipilou en ouvrant les yeux. Les souris n'ont plus qu'à bien se tenir à présent.

Magali appela ses parents et son grand frère, Arnaud.

-Venez vite au salon, dit-elle.

Quand ils virent le chat-tigre dans le canapé, ils s'effrayèrent.

Arnaud se cacha à plat ventre sous la table de la salle à manger. Maman saisit le bébé Julien qui jouait dans son parc et l'emmena vers l'escalier. Papa voulut porter Magali vers l'étage. Mais elle riait aux éclats.

Maman courut alors vers la cuisine afin de saisir un grand couteau et protéger sa famille. 

- Mais maman, dit notre amie, c'est Polipilou! Tu ne le reconnais pas? Il a juste grandi...

- Mon Dieu, murmura maman. Que lui est-il arrivé?

- Je lui ai lancé la balle noire que mes amis hérissons ont trouvée au fond de la fourmilière abandonnée.

Puis elle ajouta en se tournant vers son chat :

- Polipilou! Tu dois dire : Sapristi, non. Maintenant.

- Sapristi, non! refusa le chat qui voulait rester grand.

Mais en disant cela, la formule magique fonctionna. Il redevint un mignon petit chat, comme avant.

- Dommage, miaula Polipilou. Je préférais ressembler à un tigre.

 

Magali cacha la petite balle noire à la demande de ses parents.

- Et surtout, ajouta maman, ne dis jamais à ton chat où tu l'as mise. Il pourrait la retrouver et nous faire encore une de ces peurs...

Depuis ce jour, Polipilou se promène partout dans la maison. Mais il n'a jamais retrouvé la petite balle noire.